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Crise des migrants : les deux erreurs cruciales d’Angela Merkel

Après avoir accueilli des réfugiés pendant une semaine, l’Allemagne réinstaure des contrôles à ses frontières. Le pays ne parvient pas à maîtriser la vague de migrants. Le chaos était pourtant prévisible, mais la chancelière allemande Angela Merkel a commis deux erreurs cruciales au cours de la semaine dernière.

“Angela Merkel est comme une ado qui invite tout le monde à une fête chez elle via Facebook. Lorsqu’il y a trop de monde qui se présente, elle met tout le monde à la porte et elle demande aux voisins de résoudre le problème.” C’est une des comparaisons qui a circulé hier sur les médias sociaux, et elle n’est pas vraiment fausse. La crise migratoire à laquelle l’Europe est aujourd’hui confrontée, est la conséquence d’un certain nombre d’erreurs politiques fondamentales de la femme la plus puissante d’Europe. Le terme bricolage n’est pas exagéré.

Que l’Allemagne ne soit plus capable de gérer le flux de réfugiés, et ait en conséquence instauré des contrôles aux frontières, c’était à prévoir. La politique de migration européenne est une catastrophe depuis des semaines déjà. Merkel et l’Allemagne se trouvaient aux premières loges ces dernières années pour faire la leçon à la Grèce, parce que le pays refusait de mettre de l’ordre dans ses finances publiques et de réformer son économie. Depuis cet été, l’économie de la Grèce se trouve de facto sous curatelle européenne. Mais le fait que la Grèce ignore les accords de Schengen n’était apparemment pas un problème.

Les accords de Schengen prescrivent que les demandeurs d’asile qui arrivent vers l’Union Européenne doivent s’annoncer dans le pays d’arrivée et qu’ils soient enregistrés dans ce pays. Mais la Grèce laisse de grands groupes de demandeurs d’asile passer sans enregistrement. Au cours des dernières semaines, ceux-ci se sont dirigés en masse vers les pays du Nord de l’Europe.

Angela Merkel est comme une ado qui invite tout le monde à une fête chez elle via Facebook

Angela Merkel dispose, au sein de l’Union Européenne, d’une autorité suffisante que pour obliger les pays du Sud de l’Europe à respecter les accords de Schengen. Pourquoi la Commission Européenne n’a-t-elle pas décidé ces dernières semaines, si nécessaire, d’envoyer des fonctionnaires allemands ou d’autres pays de l’UE vers la Grèce et l’Italie pour veiller là-bas à un accueil humain des réfugiés? Et en même temps à faire une distinction, à ces frontières extérieures, entre les vrais demandeurs d’asile et les réfugiés économiques?

Nous en arrivons immédiatement à la deuxième erreur commise par la chancelière allemande. Influencée par son éducation de fille de pasteur et forte du souvenir de la fuite de beaucoup d’Européens du bloc de l’Est communiste, Merkel a estimé que l’Allemagne avait l’obligation morale d’accueillir le plus de demandeurs d’asile possible. L’Allemagne s’attend cette année à un nombre record de 800.000 demandeurs d’asile, ou presque 1% de la population allemande. Ce qui est deux fois plus que lors d’un pronostic antérieur, et quatre fois plus qu’en 2014.

Mais le gouvernement allemand a refusé, lors de cet afflux, de faire une distinction entre les vrais réfugiés et les chercheurs de bonheur. Au moins 40% des réfugiés en Allemagne proviennent des pays des Balkans – Albanie, Bosnie et Macédoine – où il n’est aucunement question de conflit. Et parmi les auto-proclamés Syriens, on retrouve des Irakiens issus de la relativement sûre Bagdad ou des Pakistanais.

Mais peut-être était-ce un choix délibéré de Merkel de ne pas faire de distinction entre les demandeurs d’asile et les chercheurs de bonheur. L’Allemagne comptait 80,8 millions d’habitants en 2013. Les statisticiens estiment que le nombre d’habitants en 2060 aura chuté jusqu’à une fourchette entre 67,7 et 73,1 millions, suivant le nombre d’immigrants. En Allemagne de l’Est, il y a des villages vides. L’Allemagne de l’Ouest crie pour obtenir de la force de travail. En Bavière, il n’y a pratiquement pas de chômage.

Mais ces dernières semaines, il est devenu clair que ces réfugiés ne peuvent pas comme ça, tout simplement, être insérés dans le marché du travail allemand. Ils connaissent à peine l’anglais, encore moins l’allemand. Des experts du marché du travail avaient prévenu que l’intégration des réfugiés sur le marché du travail se déroulerait plus difficilement que ce qu’on pensait, malgré un marché du travail allemand flexible où les salaires minimums ne sont pas trop élevés et des flexi-jobs pour les travailleurs peu qualifiés.

Cela a-t-il incité Merkel à changer son fusil d’épaule? Peut-être. Mais un élément trop souvent oublié, est l’attitude de la CSU bavaroise, le parti frère de la CDU de Merkel. Le ministre-président bavarois Horst Seehofer a été très sévère, le week-end dernier, au sujet de la politique de Merkel (“Il n’y a pas de plan à Berlin”). La CSU est, depuis dix ans déjà, l’allié le plus important de Merkel. Si la CSU laisse tomber Merkel, elle est politiquement morte.

A côté du facteur de politique intérieure, l’instauration des contrôles aux frontières est aussi juste un exemple de la politique de puissance classique allemande. Berlin met, avec cette mesure, les pays récalcitrants de l’Est de l’Europe qui refusent d’accepter les réfugiés, fortement sous pression.

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