“Ce n’est pas la Grèce qui est déraisonnable, ce sont les créanciers !”

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“Le sort de la Grèce est entre les mains des bureaucrates non élus de la BCE”, estime Paul De Grauwe, professeur d’économie à la London School of Economics. “Ce serait un précédent énorme.”

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Sans accord avec ses créanciers, l’État grec ne bénéficiera plus de soutien financier et se retrouvera au bord de la faillite. Le coup de grâce pourrait venir de la Banque centrale européenne, si elle met fin à son financement d’urgence pour les banques grecques. “Ce serait un précédent énorme”, estime le professeur d’économie Paul De Grauwe.

Après l’échec de la réunion de lundi, la Grèce semble au bord de la rupture avec ses créanciers. Les discussions portent sur une dernière tranche d’aide d’urgence de 7,2 milliards d’euros. Si le pays ne dispose pas de cet argent, il ne peut rembourser ses dettes et il est virtuellement en faillite. Ce jeudi, la question sera abordée lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro, et nous en saurons peut-être un peu plus sur l’issue de cette saga.

Il est probable que l’on doive instaurer des contrôles de capitaux afin d’éviter que le pays ne se vide financièrement. Tous les yeux sont fixés sur la Banque centrale européenne (BCE) qui pour l’instant garde les banques grecques à flot à l’aide de liquidités d’urgence. “Si la BCE cesse son soutien, le système bancaire grec se retrouvera de fait sans argent et l’économie implosera”, déclare Paul De Grauwe, professeur à la London School of Economics. “Alors il faudra bien que la Grèce sorte de l’euro. Ou qu’elle en soit expulsée”.

“Des bureaucrates non élus décideraient du sort d’un pays. On ne peut accepter cela”, estime De Grauwe. “Si la BCE détient le pouvoir d’expulser des pays de l’euro, alors c’est le début de la fin de l’union monétaire”.

Rien appris

L’émission d’une monnaie nationale demanderait du temps et la Grèce se retrouverait dans une période de graves problèmes économiques. “Le pays commencera par traverser une récession profonde”, explique De Grauwe. “À terme, l’économie grecque s’en sortira. L’émission d’une monnaie nationale revient à dévaluer, ce qui favoriserait une relance de l’économie.”

Dans ce cas, un grexit ne serait pas si catastrophique pour les Grecs ? “En effet, étant donné les exigences déraisonnables des créanciers. Ces derniers n’ont tiré aucune leçon de la crise. Leurs exigences enfoncent encore davantage l’économie grecque. Et pourtant, ils arrivent à faire croire aux médias que ce sont les Grecs qui sont déraisonnables, et pas eux”.

Cela ne signifie pas pour autant que la Grèce soit exempte de tout reproche. “Le pays doit s’attaquer à la corruption”, juge De Grauwe. “Et la perception des impôts doit se professionnaliser d’urgence. Mais ce n’est pas l’austérité qui va résoudre ces problèmes. Celle-ci ne fait qu’affaiblir l’économie. À ce train-là, la Grèce ne pourra jamais rembourser ses dettes”.

Comédie

Le rééchelonnement des dettes n’est-il pas la solution, comme l’a redit le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis ? “Un rééchelonnement des dettes n’est pas prioritaire, parce qu’il a déjà eu lieu”, explique encore De Grauwe. “À présent, le taux d’endettement grec s’élève à 180% du produit intérieur brut. Mais suite aux taux d’intérêt bas et à la durée prolongée de la dette, le taux d’endettement réel ne fait que la moitié. C’est tenable pour la Grèce”.

Pour Paul De Grauwe, le problème n’est pas la durabilité de la dette grecque, mais le caractère déraisonnable des créanciers. “Comme la Grèce n’a plus accès aux marchés des capitaux, elle doit s’adresser au Fonds monétaire international, l’Union européenne et la BCE. Ils donnent de l’argent, mais exigent le remboursement à des conditions qui empêchent l’économie grecque de se rétablir. C’est quoi, cette comédie?”

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