Allemagne: la prospérité attise les appels à dépenser plus

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Forte d’un PIB et un excédent budgétaire au plus haut, l’Allemagne, en pleines négociations pour former un gouvernement, voit se multiplier les appels à dépenser plus, venus des syndicats et des entreprises comme de ses partenaires européens.

La croissance allemande a encore accéléré en 2017, son PIB progressant de 2,2%, sa meilleure performance depuis la crise financière de 2011, a dévoilé jeudi Destatis, l’Office fédéral allemand des statistiques.

La première économie européenne a surmonté “de nombreux facteurs d’incertitude”, en particulier les élections en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, le Brexit et les débuts de l’administration Trump, souligne Stefan Kipar, de la banque BayernLB.

Si le “Made in Germany” a bien résisté aux tensions protectionnistes, avec une hausse de 4,7% sur un an des exportations, les importations ont encore plus progressé (+5,2%) et c’est surtout la demande intérieure qui a tiré l’économie, portée à la fois par la consommation et par les investissements.

Cette croissance aux multiples moteurs a rempli les caisses publiques à un niveau inégalé, l’excédent budgétaire atteignant 38,4 milliards d’euros en 2017, soit 1,2% du PIB, un record depuis la Réunification.

‘Fétichistes’ de l’austérité

L’Allemagne a entamé en 2011 un vibrant cycle de reprise, marqué par 32 trimestres de croissance sur 35, “d’autant plus remarquable qu’il a été réalisé sans la moindre réforme structurelle significative ces dix dernières années”, relève Carsten Brzeski, économiste de la banque ING.

“Ces chiffres ont tout pour plaire aux fétichistes de l’austérité, mais ils vont aussi titiller l’appétit des partis politiques pour plus de dépense et d’investissements”, observe-t-il.

Baisses d’impôts ? Dépenses publiques ? Dans quel secteur ? L’utilisation de cette manne budgétaire, inespérée il y a encore quelques années, est devenue un point clé des négociations censées s’achever ce jeudi pour permettre à la chancelière Angela Merkel de former un nouveau gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates du SPD.

Or, dans une Allemagne hantée par le financement de ses futures retraites, le sujet divise profondément: le SPD réclame un vaste plan d’investissements publics, financé par une hausse des impôts des plus riches, tandis que les conservateurs martèlent leur attachement à la rigueur budgétaire.

“Nous avons surtout besoin de moins de bureaucratie, plus de liberté pour les entreprises et plus d’investissements dans l’éducation et les infrastructures”, a exhorté de son côté Martin Wansleben, patron de la Chambre allemande du commerce et de l’industrie DIHK, à l’unisson des milieux économiques.

Essoufflement ?

Les syndicats, en pleine saison des négociations salariales, n’hésitent pas non plus à s’appuyer sur l’insolente santé des entreprises pour durcir les revendications et multiplier, comme dans l’industrie depuis lundi, les débrayages.

La puissante centrale de la métallurgie, IG Metall, réclame ainsi une hausse des salaires de 6% et voit désormais le syndicat des services Verdi lui emboîter le pas.

Ultime pression mise sur Berlin, ses partenaires internationaux multiplient aussi les appels à dépenser, en particulier pour soutenir les autres économies européennes.

Mercredi encore, le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire est venu réclamer dans l’hebdomadaire Die Zeit que l’Allemagne mène “une politique salariale plus offensive et investisse plus”, comme Paris le dit déjà depuis des années.

Du côté des économistes, on appelle par ailleurs le futur gouvernement à anticiper l’essoufflement programmé de la croissance actuelle, en rappelant que l’Allemagne vieillissante ne tiendra pas éternellement un tel rythme.

“Les politiques doivent tout mettre en oeuvre pour conduire sur le marché du travail autant de gens que possible, et aussi productifs que possible”, prône Ferdinand Fichtner, de l’institut économique DIW, réclamant un effort particulier sur la formation et les infrastructures.

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