Attaque Charlie Hebdo : So long, Oncle Bernard

Bernard Maris © AFP

Attachant, passionnant, intelligent, laissant deviner à son doux accent méridional qu’il était né à Toulouse, le journaliste et économiste Bernard Maris est l’une des victimes du terrible attentat dont a été victime le magazine Charlie Hebdo ce mercredi. Il s’en est allé à 68 ans, en compagnie de Cabu, Charb, Wolinski…

De Charlie Hebdo, Bernard Maris en était encore un des grands actionnaires fondateurs. Il y tenait une chronique économique décapante qu’il signait Oncle Bernard. Mais il avait plusieurs visages. Journaliste en effet, pour Charlie, mais aussi France Inter. Professeur d’économie : il a enseigné notamment à l’université de Toulouse, puis à Paris VIII, il était aussi membre du Conseil général de la Banque de France et un des meilleurs connaisseurs de l’oeuvre de l’économiste britannique John Maynard Keynes.

Lui qui avait épousé Sylvie, la fille du romancier Maurice Genevoix, avait été très meurtri de la disparition prématurée de sa femme. Il était un intellectuel profondément honnête, n’hésitant pas à remettre en cause ses convictions quand il estimait que le monde ne lui donnait pas raison. Il nous disait avoir cru au productivisme quand il était jeune mais en être revenu. Et voici quelques mois, il avait avec un certain éclat abandonné sa foi en l’euro.

Nous l’avions rencontré au cours de l’automne dernier pour parler de son dernier opus, “Houellebecq économiste” en se promettant de se revoir bientôt (voir le Trends-Tendances du 9 octobre 2014). Il nous avait alors dit (combien ces propos étaient tragiquement prémonitoires) : “Je ne crois pas que l’homme soit pacifique et bon”.

Et lorsqu’on lui rétorquait que cette vision était quand même fort sombre, il ajoutait : “Je crois que dans 20 ans j’aurais un jardin sur le toit. Oui, il y aura des jardins sur les toits de Paris ! C’est mon côté optimiste : les générations futures sauveront les abeilles. Internet permettra le développement des biens gratuits. Je crois que le modèle de l’homme de demain sera le chercheur, celui qui donne quelque chose sans le perdre. Mais entre-temps, on sent de la rancoeur et de l’aigreur dans le monde d’aujourd’hui.” Il n’avait malheureusement que trop raison.

Pierre-Henri Thomas

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