L’inconscient de la planète

Dans “Le droit du sol”, Etienne Davodeau tente le parallèle entre grotte préhistorique et site d’enfouissement nucléaire. Mêmes traces “laissées par des sapiens à d’autres sapiens”, mais aux conséquences bien différentes.

Le Français Etienne Davodeau est un auteur de BD qui publie depuis les années 1990. Vous l’avez peut-être découvert à travers Lulu, femme nue qui suivait une mère de famille prenant la tangente après un énième entretien d’embauche infructueux ou, auparavant, avec Rural! , album documentaire empathique retraçant le combat d’une poignée d’agriculteurs contre l’arrivée d’une autoroute. Avec Le droit du sol, il s’intéresse une nouvelle fois à l’écologie puisqu’il dessine un récit reliant la grotte ornée de peintures rupestres du Pech Merle dans le Lot et le projet de site d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure (Meuse), à plus de 700 kilomètres de là. L’ouvrage est une pérégrination entre ces deux lieux, ces deux histoires de traces “laissées par des sapiens à d’autres sapiens” que, par intuition, Etienne Davodeau veut “mettre en résonance”. Le lecteur accompagne donc l’auteur sur des sentiers de randonnée où se joignent à lui, par la pensée ou “en vrai”, des personnages concernés par ces lieux: anciens présidents, militant(e)s, scientifiques. Il y a notamment cette spécialiste du langage, Valérie Brunetière, qui se demande comment on fera comprendre à des gens qui vivront dans 100.000 ans (et ne parleront plus notre langue) quels cadeaux empoisonnés nous leur avons légués. Le débat sur le nucléaire prend ainsi une tournure éthique, métaphysique, voire psychanalytique: “Il est tentant de convoquer Freud , dit Valérie Brunetière à Etienne Davodeau. L’enfouissement, est-ce que ça n’est pas assimilable à du refoulement? Tu vois, d’une certaine façon, Bure, c’est l’inconscient de la planète.” Convaincant.