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Le G20 et le sexe des anges

Le taux de change est un indicateur économique, mais le niveau des réserves de change accumulées par un pays ne constitue pas un indicateur de déséquilibre ! Pas aux yeux de la Chine en tout cas…

Le taux de change est un indicateur économique, mais le niveau des réserves de change accumulées par un pays ne constitue pas un indicateur de déséquilibre ! Pas aux yeux de la Chine en tout cas, qui a opposé son veto à l’inclusion de cette notion dans la liste dressée le week-end dernier lors du sommet du G20 tenu à Paris. Les commentateurs en ont fait grand cas. Pour prévenir tout déséquilibre macro-économique mondial, on surveillera donc plutôt les déficits publics, le taux d’épargne, l’endettement privé, la balance commerciale, etc. Cette liste, à affiner et si possible à quantifier dans une étape ultérieure, était l’issue la plus attendue du grand rendez-vous des argentiers et gouverneurs de banque centrale des 20 pays les plus puissants de la planète.

Fallait-il à ce point monter le forcing chinois en épingle ? Ce n’est pas sûr. En 2006 et 2007, plusieurs économistes ont étudié de près l’accumulation de réserves de changes à l’échelle mondiale. Ils ont ainsi souligné que l’Afrique sub-saharienne avait globalement multiplié ses réserves par 10 en 10 ans, exactement comme la Chine. Leur conclusion : c’est une démarche de précaution, qui répond à l’ouverture de leur économie et au danger d’une crise monétaire, bien plus qu’à une volonté de manipuler le taux de change. Dans le chef des pays asiatiques, cette démarche de précaution vaut aussi en réponse à la crise de 1997 et 1998, quand ces pays se sont retrouvés à terre et à la merci du FMI. Ces observations tempèrent donc le jugement négatif porté sur Pékin. Même si la Chine a clairement versé dans l’excès ces dernières années, juge-t-on unanimement en Occident.

Question plus générale : fallait-il vraiment se focaliser sur cette liste des indicateurs de déséquilibre ? C’était le grand dessein de la présidence française du G20, mais la réunion a également porté sur la réforme du système monétaire international, sans grande avancée en attendant les rapports du FMI et de la Banque mondiale. Autre sujet : la taxation des transactions financières, à laquelle Washington reste fermement opposé. Et comment passer sous silence cette autre préoccupation, un peu marginalisée : la volatilité des prix des matières premières ? Car s’il est un thème qui s’impose à nouveau ces derniers mois, c’est bien celui-là ! Président de la Banque mondiale, Robert Zoellick n’a pas manqué d’attirer l’attention du G20 sur la flambée des prix alimentaires, les invitant à considérer ce problème comme la priorité n°1 de l’année 2011, aussi vrai que “la cote d’alerte est atteinte, que des gouvernements pourraient tomber et des sociétés basculer dans le désordre”.

En fait de désordre, c’est la Libye qui donnait le ton durant le sommet du G20, avec pour conséquence une flambée du pétrole au lendemain d’un week-end sanglant. La contestation politique qui se répand comme une traînée de poudre dans cette partie du monde et la flambée des prix alimentaires qui menace gravement l’ensemble des pays émergents, ne voilà-t-il pas des indicateurs de déséquilibre qui crèvent les yeux et sont susceptibles de changer la face du monde dans les mois à venir ? On réalisera alors que les discussions byzantines du G20 portaient, un peu bêtement, sur le sexe des anges…

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