JO-2014 – 36 milliards d’euros pour une “vitrine de la puissance russe retrouvée”

(Belga) Les Jeux de Sotchi seront les Jeux olympiques les plus chers de l’histoire, Jeux d’été compris. La facture finale affiche un coût cinq fois plus élevé que prévu. Les rumeurs de corruption à grande échelle planent sur l’organisation. Mais les chiffres ne semblent pas inquiéter le président russe Vladimir Poutine qui promet le plus grand événement de l’histoire post-soviétique en Russie.

Le budget est passé de 12 milliards de dollars (8,8 milliards d’euros) annoncés en 2007 à 50 milliards de dollars (36 milliards d’euros) aujourd’hui, selon le vice-Premier ministre russe Dmitri Kozak. En août 2010 le budget équivalait déjà au budget cumulés des JO d’hiver de Nagano (1998), Salt Lake City (2002) et Turin (2006) réunis. Les coûts prévus pour les JO sont toujours dépassés, constate Wladimir Andreff, économiste spécialisé en sport et professeur à la Sorbonne qui explique ce phénomène par le mode actuel d’attribution des JO par le Comité International Olympique (CIO). “Tous les quatre ans, le CIO fait un appel à candidature. Les membres du comité peuvent voter pour le projet le plus mirobolant tout en se déchargeant des coûts sur la ville organisatrice, car ils n’assument pas le financement des infrastructures non sportives. Et, généralement, ils sélectionnent le plus coûteux”, explique M. Andreff. Cette somme immense a notamment permis la construction de onze stades et stations de ski, deux villages olympiques et une patinoire, mais aussi la rénovation totale des infrastructures de la ville de Sotchi, datant de l’URSS, la construction de l’autoroute “la plus chère du monde”, estimée à 6 milliards d’euros, d’une nouvelle ligne de chemins de fer reliant les villages olympiques, d’un nouvel aéroport national, d’un port commercial et de centrales électriques. “Les JO de Sotchi sont, en effet, également l’occasion de développer la région”, estime Nina Bachkatov (ULg). “Sotchi est tombée dans l’oubli après la chute de l’URSS. Les infrastructures sont vieillissantes. Les JO d’Hiver sont l’occasion de rénover les installations sur la mer Noire et de développer le tourisme dans le secteur des sports d’hiver en Russie”. L’opposition russe pointe la corruption à grande échelle lors des JO de Sotchi. Co-auteur d’un rapport intitulé “Les Jeux d’Hiver dans les subtropiques”, l’ex-vice Premier ministre russe et opposant à Poutine, Boris Nemstov, parle de détournements à hauteur de 20 milliards d’euros au profit de trois sociétés d’investisseurs: la société étatique “Olymstroy”; les sociétés du groupe des frères Rotenberg et la compagnie publique des chemins de fer russe, dont le patron est également un proche du président. Les estimations de M. Nemstov sont difficilement vérifiables mais les exemples de dysfonctionnement au sein d’Olymsptroy sont nombreux. Créée en novembre 2007, la société publique gère les investissements privés et publics alloués au développement de la ville de Sotchi ainsi qu’à la construction des infrastructures olympiques et paralympiques. En mars 2013, la Cour des comptes russe a, notamment, épinglé Olympstroy pour 388 millions d’euros de surcoûts injustifiés. Des dizaines d’enquêtes ont été ouvertes pour corruption au sein des structures publiques et des entreprises de Sotchi. Plusieurs d’entre elles concernent Olympstroy. “Sotchi peut être considéré comme un observatoire privilégié de la société russe et de son système économique. C’est également un miroir grossissant en matière de corruption et de respect des droits de l’Homme”, estime Aude Merlin (ULB). “La société étatique chargée de la construction des JO, Olympstroy a changé quatre fois de président après des accusations de corruption. Ce n’est pas un secret que la plupart des appels d’offre ont été remportés par des proches de Vladimir Poutine”, explique Merlin. La corruption en Russie s’illustre principalement dans le système de rétro-commission appelé “Otkat”. Il permet aux hauts commissaires de prélever une commission en attribuant un marché public à une entreprise plutôt qu’une autre. Le principe est simple: une société proposera ses services pour 130 euros à la place de 100 euros. L’Etat la choisit, l’entreprise empoche le contrat ainsi que les 100 euros et reverse 30 euros à l’Etat. Du côté des autorités russes, on explique l’augmentation du budget des JO par la crise financière de 2008 qui aurait entraîné “une augmentation des coûts de la construction et une baisse d’intérêt auprès des investisseurs potentiels”. Mais le budget avait une importance secondaire pour Vladimir Poutine, analyse Xavier Follebouckt (UCL) pour qui le but est avant tout de montrer l’image d’un pays fort et d’un partenaire solide, “image qui vaut tous les investissements”. “Avec les JO de Sotchi, le président russe veut marquer le retour de la Russie sur la scène internationale. A l’instar des JO de Pékin qui ont pu montrer une Chine flamboyante et sûre d’elle-même”, explique-t-il. “Les questions de corruption, de droits de l’Homme, …, reviendront toujours. Mais ils sont insignifiants pour des partenaires commerciaux comme les pays émergeants”. (Belga)

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