Immobilier belge : un début d’année encourageant

Si, pour le SPF Economie, l’année 2010 a été marquée par une reprise certaine (témoignages, analyses et tableaux complets à découvrir dans notre guide immobilier cette semaine), la Fédération des notaires fait quant à elle preuve de retenue pour le début 2011 : résistance n’est, selon elle, pas synonyme de reprise durable.

Durant l’année 2010, les 1.423 notaires actifs du pays ont passé précisément 844.633 actes, soit 594 actes par notaire en moyenne. Ces mêmes notaires ont récolté quelque 3,5 milliards d’euros de droits d’enregistrement pour compte du Trésor fédéral, soit une hausse de 13,4 % par rapport à 2008 et un plafond jamais atteint dépassant le milliard d’euros pour le seul 4e trimestre 2010. Explication de la Fédération royale du notariat belge (FRNB) : “Les prix et l’activité du marché immobilier ont une influence directe sur les droits d’enregistrement perçus.” Or, en 2010, le marché immobilier a connu une reprise du prix moyen de vente de 10,4 % pour les maisons et de 1 % pour les appartements, selon le baromètre de la FRNB qui sonde les activités des citoyens dans des domaines tels que la famille, l’immobilier et les sociétés.

En Belgique, l’indice 100, valeur étalon calculée sur la base du nombre de transactions enregistrées au 3e trimestre 2007, était revenu à son niveau initial au 4e trimestre 2009. Après deux années de quasi statu quo, il est poussivement passé à 101 à la fin de l’année 2010. Pas de quoi pavoiser encore, surtout comparé à l’indice 108,2 enregistré au 2e trimestre 2008. D’autant que, comme le répète Bart Van Opstal, le président de la FRNB, rien n’empêche le balancier de repartir en sens inverse trois mois plus tard. Le premier trimestre de l’année 2011 indique un indice de 102,1.

“Les chiffres positifs de ce trimestre ont été mal interprétés, se désole pourtant le président en exercice. Faut-il le rappeler, le baromètre n’existait pas avant la crise. Une vue d’ensemble pour comparer 20 ans de transactions et lisser nos observations trimestre après trimestre nous aurait, je pense, aidés à relativiser les choses. Le marché immobilier en Belgique a très rapidement récupéré depuis 2008. Et ce que l’on observe depuis 2009 est un rattrapage. Nous sommes revenus à un nombre de transactions comparable à la période précédant la crise.”

Tendance encourageante

“Pour le 1er trimestre 2011, nos sondages suivent l’indice de confiance des consommateurs de la Banque Nationale de Belgique. Cela montre une même tendance encourageante !”, renchérit Bart Van Opstal. En d’autres termes : le consommateur et l’investisseur délient peu à peu les cordons du bas de laine et se détournent à nouveau du livret d’épargne, refuge par gros temps. “Peu de gens en parlent, mais il est intéressant de jeter un oeil sur l’épargne des Belges, glisse Jean-Paul Mignon, notaire à Ittre. Je pense que la hausse du 1er trimestre est partiellement due à une crainte qu’ont les Belges de voir les taux d’intérêt repartir rapidement à la hausse.

Le Belge qui a épargné ces dernières années, qui s’est mis à l’abri pendant la crise, a attendu patiemment le moment le plus opportun pour emprunter. Sous-entendu : avant que le loyer de l’argent ne remonte. Le premier baromètre notarial de l’année tend à indiquer que l’échéance est arrivée, que le moment est venu. Il faut pourtant tempérer : les années précédentes nous ont démontré qu’un trimestre ne donne pas le ton pour toute une année, voire davantage.”

Autre indice révélateur, repris par Me Mignon : le dernier baromètre mensuel publié par l’Union professionnelle du crédit. Selon le notaire, “le baromètre du crédit hypothécaire affichait pour décembre 2010 des chiffres de croissance révélateurs. Le nombre de crédits hypothécaires accordés avait progressé de 47 % par rapport à décembre 2009 (+ 48 % en valeur). Par rapport à décembre 2008, au plus dur de la crise financière en Belgique, le nombre de nouveaux contrats a même doublé (+106 %). Le montant correspondant a quant à lui progressé de plus ou moins 120 %. Une nuance toutefois : dans cette hausse d’activités encourageante relayée par la fédération pour l’année écoulée, une part des actes recensés ne concernent que des refinancements de crédits hypothécaires et non de nouvelles transactions. Les taux d’intérêt au plus bas l’an dernier ont en effet poussé plus d’un propriétaire à renégocier leurs prêts pour bénéficier de taux plus intéressants. Courant 2010, ces taux (fixes pour une durée supérieure à 10 ans) plafonnaient en effet sous les 4 %, voire moins.

Le certificat PEB va-t-il changer la donne ?

Une autre donne s’est invitée sur la table des études notariales cette année : depuis janvier en Région wallonne et depuis le 1er mai à Bruxelles, le certificat PEB est d’application. Ce document officiel doit désormais, dans le meilleur des cas, être présenté à la signature du compromis. Il n’est toutefois indispensable qu’à la signature de l’acte de vente, sous peine d’amende. Ce certificat classe le bien immobilier visé selon une échelle de performance énergétique allant de A à G et chiffrant les émissions en CO2. Il est également requis pour la location d’un bien. “Pour l’instant, l’incidence de ce certificat sur le prix des biens pour lesquels il est requis est nulle, ose Me Mignon. Aucun changement n’a d’ailleurs été observé en Région wallonne depuis qu’il est en vigueur. Il est utile pour les grands distraits, mais les gens qui s’apprêtent à acheter une vieille maison savent en général déjà qu’ils vont devoir mettre le prix fort pour la retaper.”

Selon le notaire, ce certificat, qui coûte aux alentours de 600 euros au vendeur, n’apporte donc pas grand-chose à l’acheteur : un comble. Cela prend plus de sens pour un bien neuf où la certification fait un état énergétique des lieux plus conforme à la réalité du bien : les informations nécessaires à sa bonne édification sont encore fraîches. “Paradoxalement, vous aurez plus d’informations utiles si vous faites vous-même un audit énergétique de votre bien. L’expert vous fournira, en plus de ses astuces, un dossier d’une vingtaine de pages présentant l’état détaillé du bien. Le certificat quant à lui ne comporte que quatre pages…”, précise-t-il. On ajoutera que l’audit est en partie remboursé par les pouvoirs publics régionaux.

Des expertises déjà controversées

Obsolète ou pas, cette certification est désormais une des clés de la maison. Concrètement, l’appréciation PEB du bien se lit du vert au rouge, comme pour les frigos. Scolaire et enfantin. “Ce qui est surprenant pour un tel document, c’est que la plupart des valeurs requises peuvent être définies théoriquement, sans mesure concrète, se désole Samuel, architecte et certificateur agréé depuis trois ans. Lors d’une visite, normalement supposée prendre deux bonnes heures afin de relever toutes les informations sur le bien, le certificateur peut s’en tirer en cochant dans le logiciel toutes les valeurs par défaut, si celles-ci n’ont pu être calculées. Si vous êtes architecte, les formations pour devenir certificateur agréé varient entre trois et six jours seulement. Et plus d’un a flairé le bon plan financier…”, lâche l’expert certifié.

Voilà sans doute la principale faille du système, louable en théorie, à l’heure actuelle. “Il suffit de proposer un prix plus avantageux pour son obtention pour que le client accepte. Une fois bien rôdé, vous pouvez vous contenter d’une heure sur le terrain et d’une heure devant le logiciel pour ficeler le tout…” En simplifiant, selon l’expert, ce papier officiel est donc une vaste blague. “D’ailleurs, si depuis l’instauration du système, être agréé signifiait avoir fait la preuve de sa déontologie, cela se saurait…”, ajoute l’observateur de premier plan. Le simulacre serait tel que même les professionnels du milieu de la vente tenteraient de contourner cette dernière nouveauté de façade. Il est donc grand temps que les ministres compétents lancent… un audit sur l’audit.

Philippe Coulée

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