Vie privée contre pub ciblée

© ThinkStock

L’internaute est-il prêt à sacrifier une partie de sa vie privée pour recevoir des messages publicitaires ciblés ? C’est le thème d’une étude menée par l’agence médias MEC et dont nous dévoilons ici les résultats en primeur.

Nous sommes suivis, pistés, tracés. Sans tomber dans le travers paranoïaque du “Big Brother is watching you”, chacun reconnaîtra aisément que son comportement de surfeur plus ou moins actif sur le Web se fait rarement sans laisser de précieux indices aux grands stratèges du marketing. En effet, en livrant quelques informations de base sur un formulaire d’inscription à un réseau social ou sur un site d’achats en ligne et, surtout, en accumulant malgré lui les cookies – ces fameux fichiers “espions” – au fil de ses errements sur le Web, l’internaute lambda alimente l’immense machine à renseignements de la grande Toile mondiale. Et le plus souvent, “à l’insu de son plein gré”…

Chacun en a d’ailleurs probablement déjà fait l’expérience : après une recherche effectuée sur tel ou tel sujet dans le moteur Google, on retrouve parfois, “comme par hasard”, une pub liée à la même thématique sur la page d’accueil de notre profil Facebook. C’est ce qu’on appelle le “targeted advertising” (ou publicité ciblée) dans le jargon des marketers et c’est précisément le thème d’une toute nouvelle étude menée récemment par l’agence média MEC à l’attention de ses clients : jusqu’à quel point le consommateur est-il enclin à sacrifier une partie de sa vie privée dans l’espoir de recevoir des messages publicitaires qui répondent uniquement à ses réelles attentes ? Vaste débat…

Le surf décortiqué

Menée sur un échantillon représentatif de la population belge – 500 personnes âgées de plus de 15 ans et habituées à l’usage d’Internet – l’enquête de MEC s’est intéressée non seulement au comportement digital de base du consommateur, mais surtout à l’importance que le surfeur accorde à ses données personnelles lorsqu’il navigue de site en site. “Notre postulat de base était le suivant, précise Damien Nicolas, responsable de l’étude et analytics & insight director chez MEC : le consommateur belge préfère-t-il donner le moins d’informations possible sur sa propre personne et être dès lors confronté à un paquet de publicités qui ne l’intéressent pas vraiment ou préfère-t-il, en revanche, livrer quelques informations personnelles qui lui permettront justement de ne recevoir que des messages publicitaires qui épousent véritablement ses besoins et ses envies ?”

Avant de répondre précisément à cette question, l’étude démontre d’abord qu’une majorité des personnes interrogées est déjà consciente du phénomène de la publicité ciblée sur le Net, soit via les formulaires d’inscription remplis par l’internaute (45,7 %), soit via “l’historique” du surfeur, c’est-à-dire son comportement tracé sur le Web (64,7 %). Malgré cela, une grande partie des sondés ne rechigne nullement à communiquer spontanément des informations sur son sexe (44 %), son âge (39 %), son statut amoureux (34 %) ou son niveau d’études (34 %) sans que cela ne soit nécessairement obligatoire. En revanche, les Belges ne sont plus qu’une toute petite minorité à livrer des photos sans condition préalable (10 %), ou, de manière spontanée, à se prêter au jeu de la géolocalisation (7,5 %), à donner leur numéro de téléphone (5 %) ou encore des informations sur leur salaire (5,5 %). Et même si on leur explique clairement quels peuvent être les éventuels bienfaits du “targeted advertising” (ou publicité ciblée) au cours de l’enquête, les internautes ne changent pas leur opinion pour autant sur ces matières jugées plus “sensibles”.

Expliquer pour mieux convaincre

Car tel est, in fine, l’intérêt de cette étude menée par l’agence media MEC : expliquer, durant l’enquête, ce qu’est précisément la publicité ciblée sur le Web pour constater si, oui ou non, les personnes interrogées changent éventuellement d’avis après les précisions apportées par le formulaire. Et à cet égard, la réponse est plutôt positive : il y a bel et bien une différence sensible quant à l’acceptation de la publicité ciblée avant et après l’explication du concept. Ainsi, au début de l’enquête, seuls 31 % de tous les sondés affirment être a priori réceptifs à la publicité ciblée sur Internet. Or, après explication détaillée du concept, ce pourcentage grimpe doucement à 37 %. Mais c’est du côté des hommes et des francophones que la différence est la plus significative : plus méfiants à la base, les mâles passent en effet de 28 % à presque 38 % lorsqu’on détaille les vertus de la publicité ciblée, à l’instar des francophones qui montent également de 22 % à 28,5 % une fois l’éclaircissement apporté. Bref, dans leur ensemble, plus d’un tiers des internautes belges perçoivent donc positivement la publicité ciblée lorsqu’ils en comprennent l’utilisation marketing et sont donc disposés à transmettre des données personnelles en échange de ces messages beaucoup plus adaptés à leur profil.

“Je suis assez surpris par ce résultat, commente Damien Nicolas, responsable de l’étude chez MEC. Je m’attendais à un pourcentage inférieur à 20 % sur cette acceptation de la publicité ciblée. Voilà pourquoi j’ai envie de dire aux annonceurs qu’ils doivent assumer cette publicité ciblée et donc ne plus la faire dans l’ombre mais au contraire en connivence avec le surfeur, car tout le monde en sortira gagnant. Cette franche explication peut apporter une réelle valeur ajoutée tant dans le chef de l’éditeur d’un site que de l’annonceur.”

Le contenu avant le profil

Dernier enseignement important de l’enquête menée par MEC : ce n’est pas le profil de l’internaute mais bien le contenu du site visité qui détermine finalement son attitude réceptive vis-à-vis de la publicité ciblée. En clair, le surfeur acceptera plus facilement ce “targeted advertising” sur un réseau social de “loisir” de type Facebook (38 %) que sur un site à connotation “professionnelle” de type LinkedIn (28 %). De même, l’internaute sera un peu plus indulgent à l’égard de la publicité ciblée sur des sites qui correspondent à ses hobbies (38,5 %) plutôt que sur des plates-formes considérées davantage “sérieuses” comme, par exemple, les sites d’information (36,5 %).

Enfin, le support utilisé induit, lui aussi, une évolution du comportement, puisque l’étude démontre que les habitués des iPad et autres tablettes reconnaissent plus facilement la publicité ciblée (52,5 %) que les utilisateurs plus “classiques” de PC (37 %). De quoi réjouir les marketers de plus en plus attirés par les nombreuses autres opportunités promises par l’Internet mobile.

FRÉDÉRIC BRÉBANT

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content