Pourquoi Intel a racheté McAfee

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Diversification et différenciation sont les deux maîtres-mots de la stratégie d’Intel, qui met la main sur l’une des pépites du secteur de la sécurité informatique. Mais il s’agit d’une stratégie de long terme.

C’est la plus grosse acquisition de l’histoire du groupe : 7,68 milliards de dollars, en cash. Le rachat par Intel du 2e éditeur de solutions de sécurité, McAfee (11,6 % de parts de marché, derrière Symantec), a surpris les marchés. Le cours d’Intel a réagi sur le coup par une baisse d’un peu plus de 3 %, mais celui de McAfee a bondi de près de 60 %. Une opération qui fait douter certains analystes mais contribuera à la nécessaire diversification d’Intel.

“C’est une très belle opération, analyse Eric Domage, directeur de recherche sécurité chez IDC. Pour Intel, elle revient à acheter des chromosomes de sécurité pour ajouter à son ADN. Intel prend ainsi une sacrée avance sur AMD, qui ne sait pas faire cela. Dans chaque puce Intel ou autour, il pourra y avoir un peu de McAfee, l’un des meilleurs opérateurs de sécurité au monde. Cela permettra à Intel de s’approcher des niveaux de sécurité d’IBM.”

Logiciel + hardware : les bénéfices

Intel a annoncé qu’il utiliserait les compétences de McAfee pour les PC mais aussi pour tous les autres terminaux sur lesquels il est présent… sachant qu’Intel a toujours souhaité être présent partout. Pour l’instant, les enjeux de sécurité sont moins importants ailleurs que sur les PC, mais ils iront croissant au fur et à mesure que les appareils sont connectés à l’Internet et que ces appareils deviennent aussi des moyens de paiement.

Pour preuve, McAfee a racheté en mai dernier Trust Digital, qui développe des logiciels de sécurité pour les smartphones et autres terminaux mobiles.

Intel intègre déjà des solutions de sécurité dans ses puces (vPro), mais celles-ci sont principalement destinées aux entreprises. Elles permettent par exemple d’effacer à distance leur contenu si l’ordinateur est perdu. Le rachat de McAfee est cohérent avec cette évolution.

Une stratégie de long terme

Selon les analystes, en dehors d’un chiffre d’affaires annuel de 2 milliards de dollars et d’un résultat net de 173 millions pour McAfee, l’acquisition ne devrait pas avoir d’impact positif à court terme sur Intel. Pas sûr qu’elle remonte le cours de Bourse d’Intel, qui a perdu plus de 9% sur les six derniers mois. D’autant que le rachat amputera largement la réserve de liquidités de 12,2 milliards de dollars accumulée par le groupe.

“L’intégration ne sera pas facile, d’autant que l’on sera sur de petits terminaux mobiles, sur lesquels 80 % de l’énergie est utilisée pour faire fonctionner l’écran, prévient Eric Domage. Il reste très peu de ressources pour faire tourner les logiciels.” Il se trouve justement que l’acquisition de Trust Digital par McAfee est une solution à ce problème, qui permettra à Intel “d’atteindre des niveaux de sécurité proches du BlackBerry”, selon IDC.

La diversification ou rien

La diversification est de toute façon une nécessité pour Intel à long terme (et plus largement une tendance lourde pour tous les fabricants informatiques, IBM, Dell et autres HP). Même si les résultats du secteur informatique sont bons (voir ceux de HP et Dell), le marché du PC est moins stable qu’auparavant et sa croissance est due au renouvellement des machines. Par ailleurs, Intel possède 80 % de parts de marché sur les PC et les lois antitrust le bloquent pour baser sa croissance sur des acquisitions dans son coeur de métier.

C’est la raison pour laquelle il mise sur les segments porteurs des smartphones et des terminaux connectés, notamment les téléviseurs à travers son partenariat avec Google et Sony. Des secteurs dominés par d’autres fabricants de puces comme ARM. Les dernières acquisitions du groupe vont dans ce sens : Havok (jeux vidéo) ou encore Wind River (électronique grand public et terminaux mobiles).

La concentration se poursuivra

Les affaires ne sont pas finies. Le Nasdaq est globalement bas et “il y a encore de belles cibles sur le marché de la sécurité”, indique Eric Domage : Symantec (qui pourrait être partitionné), Sophos, Kaspersky, AVG, Avast et ses centaines de millions d’utilisateurs gratuits.

HP, en retard dans tout ce qui est sécurité – sa récente acquisition, Fortify, vise un marché de niche – CapGemini et Verizon peuvent être rangés parmi les prédateurs, selon IDC.

Raphaële Karayan, L’Expansion.com

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