C. Charlot

Les robots, ces prochains évadés fiscaux…

Les développements de l’intelligence artificielle (IA) et des robots laissent penser que certains types d’emplois sont désormais menacés. Quel avenir pour les chauffeurs de taxi et les chauffeurs poids lourds dans une société où la voiture et le camion autonome seront la norme ?

Pareil pour les comptables, les documentalistes, les journalistes voire les avocats qui commencent à faire appel à des algorithmes pour l’analyse de la jurisprudence.

Face à la tornade que représente, à moyen terme, l’IA sur le monde du travail, l’idée d’une taxe sur les robots commence à faire son chemin. Des personnalités aussi différentes que Bill Gates, Benoît Hamon ou, en Wallonie, le ministre Christophe Lacroix se montrent favorables à une telle mesure. Leur idée ? En gros, permettre aux États de continuer à financer la sécurité sociale, les infrastructures, la formation… si des pans entiers d’emplois sont remplacés par des machines. On comprend bien leur logique : quand un robot est introduit dans une entreprise, on le taxe puisqu’il ne permet plus à un travailleur humain de réaliser une prestation et de payer ses impôts.

Mais au fait, un robot… qu’est-ce que c’est ? L’application mobile de votre banque sur votre smartphone ne pique-t-elle pas une partie du job d’un guichetier ? Depuis des années, Microsoft Office ne remplace-t-il pas le job de secrétaires ? Le robot n’est-il qu’une machine physique ou le terme s’applique-t-il aussi aux algorithmes intelligents qui sont en train de naître et qui, en première ligne, détruiront certains emplois ? Pas simple de définir le cadre même d’une telle taxe. Par ailleurs, l’idée part du principe que les robots remplaceront totalement certains emplois… et non pas qu’ils les compléteront. Watson remplacera-t-il totalement le médecin ou lui sera-t-il une aide, indispensable, au diagnostic ? Dans l’hypothèse où les robots augmentent la productivité et la fiabilité de certaines professions et de nos entreprises, les robots ne participeront à augmenter tout à la fois les revenus de la TVA ainsi que les bénéfices de nos entreprises qui sont eux, bel et bien, soumis à l’impôt des sociétés.

Plutôt que de plancher sur la seule taxation des robots, nos États devraient envisager de revoir en profondeur leur fiscalité

Enfin, une taxe robot n’aurait de sens que si elle est globale. Imaginez un peu : la Belgique et la France taxent les robots, mais pas l’Allemagne ni le Royaume-Uni. Nul doute que les contrées sans taxe aux robots attireront les entreprises de technologies. Tout comme aujourd’hui, en Europe, l’Irlande et les Pays-Bas attirent Facebook, Uber et consorts (pour d’autres raisons que leur diversité architecturale, bien sûr). Si la taxation des robots n’est pas une mesure internationale, elle poussera les robots à s’installer sous des cieux fiscalement plus cléments et l’on assisterait à une nouvelle forme d’évasion fiscale : celle des robots et des algorithmes qui, par essence, ne se situent plus sur un territoire, mais dans le “cloud”. Et il ne serait donc pas impensable que des robots fiscalistes soient appelés à la rescousse pour optimiser fiscalement les revenus de ces automates intelligents. Dans ce cas, non seulement, ils feront disparaître certains jobs chez nous, ne laisseront plus nos Etats les taxer… mais en plus ils doperont l’innovation à l’extérieur de nos frontières alors que c’est bien cette dernière qui doit sauver nos pays…

Plutôt que de plancher sur la seule taxation des robots, nos États modernes devraient donc envisager de revoir en profondeur leur fiscalité. Car au final, les robots ne sont qu’un pan d’une mutation profonde induite par la globalisation numérique et les pratiques des géants du Web qui donnent tant de fil à retordre aux États nationaux qui ont pensé la fiscalité sur une base majoritairement territoriale alors que le Web explose toutes les frontières.

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