Un robot “tue” 6 à 7 employés

La digitalisation de notre économie n'en est qu'à ses débuts. © REUTERS

C’est la conclusion d’une étude universitaire américaine, la première à analyser de manière détaillée l’impact des robots sur l’emploi sur une longue période.

L’étude va donner du grain à moudre à ceux qui regardent la progression de l’automatisation avec méfiance. Les économistes Daren Acemoglu (MIT, Boston) et Pascual Restrepo (Boston University) viennent de publier une étude détaillée de l’effet des robots sur l’emploi et les salaires. Ils ont analysé l’utilisation des robots industriels aux Etats-Unis entre 1993 et 2007, et conclu que chaque robot supplémentaire entraînait la perte de 6,5 à 7 emplois. Un robot de plus par 1000 salariés entraîne aussi une légère baisse des salaires.

Changement d’avis

Ces résultats contredisent les intuitions théoriques qu’avaient ces deux économistes. En mai 2016, Daren Acemoglu et Pascual Restrepo avaient publié un article exposant un modèle démontrant que les nouvelles technologies créent des emplois qui compensent ceux détruits. Mais il s’agissait d’une analyse conceptuelle, théorique. Le tandem a voulu vérifier ces conclusions en analysant les chiffres du passé, et a convenu qu’elles ne ne se vérifiaient pas. Sur le long terme, la multiplication des robots réduit bel et bien l’emploi net. La création d’emplois nouveaux ne compense pas les pertes, et n’est pas forcément adaptée à ceux qui ont perdu leur fonction. “Si vous avez travaillé 10 ans à Detroit (dans l’industrie automobile ndlr), vous n’avez pas les compétences pour aller dans le secteur de la santé” a expliqué Daren Acemoglu au New York Times, en parlant de l’étude. “Le marché ne va pas forcément créer de lui-même les emplois pour les travailleurs qui vont subir l’impact du changement.”

L’étude porte sur 19 secteurs industriels et n’a pas pris en compte le secteur financier, avec les distributeurs de billets et la banque électronique. Les données sur les robots proviennent de l’International Federation of Robotics. Les secteurs les plus automatisés sont l’automobile et l’électronique.

Une question politique importante

Entre 1990 et 2007, les robots expliqueraient la perte de 670.000 emplois manufacturiers aux Etats-Unis. Le sujet devient une question politique importante, d’autant que Daren Acemoglu et Pascual Restrepo notent dans leur recherche que des prévisions estiment que 50% des emplois pourraient être automatisées aux USA d’ici 20 ans (Banque Mondiale). La situation ne devrait pas être bien différente en Europe, où le taux de robots est un peu plus élevée qu’aux Etats-Unis (environ 2,5 robots pour 1000 travailleurs vs 1,8 robots aux USA). Cette évolution ne devrait pas être modifiée par la tendance protectionniste prise par les Etats-Unis, avec l’élection de Donald Trump, ou les poussées nationalistes en Europe. Même si les délocalisations ralentissent, il y aura toujours plus de robots. L’ancien patron de Microsoft, Bill Gates, semble convaincu du souci puisqu’il propose la taxation des robots. La mesure était jusque là surtout évoquée par des élus forts à gauche, comme Benoît Hamon, candidat socialiste aux élections présidentielles françaises.

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