Un business pharaonique

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Le Musée du Cinquantenaire propose Sarcophagi, épatante expo égyptienne.

“Nous avions deux options pour monter l’exposition : la construire sur l’emprunt de pièces à des institutions étrangères ou sur notre propre collection qui compte près de 15.000 objets.” Luc Delvaux, commissaire de l’exposition Sarcophagi, qui se tient au Musée du Cinquantenaire jusque fin avril, explique qu’une fois l’option intra-muros choisie, 203 oeuvres — dont deux tiers d’entre elles n’ont jamais été exposées — ont été sélectionnées dans les plantureuses réserves du Cinquantenaire. Une première en matière d’égyptologie pour le musée, permettant d’imaginer ses propres scénographie et scénario. “Cela évacue d’importants problèmes d’assurance et de logistique, même si pour accomplir les 300 mètres qui séparent les réserves des salles, certaines pièces ont parfois nécessité une journée de transport. Pour l’histoire de chaque objet, on pourrait faire un récit à la Indiana Jones.”

Labo in vitro

Collé contre un mur, un labo vitré de 16 mètres de long sur quatre de large, haut de plafond. Celui-ci a été intégralement conçu et fabriqué en Italie par l’Istituto Europeo Del Restauro, installé sur un îlot voisin d’Ischia, au large de Naples. Menée par Teodoro Auricchio, une demi-douzaine de restauratrices spécialistes de la polychromie sur bois travaille sur 10 cercueils en sycomore, sous les yeux des visiteurs. Arrivées au Cinquantenaire en 1905, ces pièces proviennent d’un ensemble de 500 sarcophages découverts dans la deuxième cachette de Deir el-Bahari, près de Louxor. “Non seulement les pièces avaient beaucoup souffert du voyage mais aussi d’un restaurateur d’époque qui a parfois repeint les lacunes en débordant sur les motifs originaux, inventant même des figurines et des hiéroglyphes, indique Isabella Rosati, restauratrice au Musée du Cinquantenaire.” Les techniques numériques les plus modernes sont utilisées par l’équipe italienne. Celle-ci, avant de s’expatrier à Bruxelles pour plusieurs mois, a soumis à Ischia les cercueils à moult examens : radios, UV, spectographie, prélèvements, carbone 14, etc. Les technologies numériques permettent de faire la jonction entre le monde scientifique et celui de la restauration. Les 10 pièces, restaurées, devraient prendre place “en 2016-2017” dans l’expo permanente du musée.

Masque suprême

“La pièce rarissime de l’exposition (ci-contre) est un masque de momie de la 18e dynastie de l’époque de Toutânkhamon, explique Luc Delvaux. Les traits du visage, le style, la conservation, sont vraiment dignes de la légende pharaonique. Le masque provient de l’ancienne collection de Léopold II. Le visage est en bois, mais la pièce use aussi de cartonnage, d’un agglomérat de tissu, de plâtre et de peinture, d’incrustation de pierres semi-précieuses et de pâte de verre colorée. Il est depuis 1914 au Cinquantenaire, y a été exposé mais de manière peu sophistiquée. Ce masque vaut sans doute plusieurs millions d’euros.”

Trafic égyptien

“Depuis 1972, plus rien ne sort d’Egypte, précise Luc Delvaux. Notre musée a pu constituer une telle collection parce qu’entre 1900 et 1950, il a été souscripteur de fouilles menées en Egypte, en grande partie par des équipes anglaises. De 1.500 pièces à la fin du 19e, le musée en comptabilisait environ 10.000 à la fin des années 1950. Lors de la révolution égyptienne de 2011, de nombreux objets ont été volés dans les réserves officielles du pays. Notre travail de conservateur consiste aussi à surveiller le marché des antiquités : de nombreux faux circulent. Certains sont tellement bien faits qu’ils nécessitent une analyse chimique et physique afin de déterminer quels outils et matériaux ont été utilisés, et d’analyser le composant des peintures. Le langage en hiéroglyphes, quand il est gravé sur la pièce, n’est pas en soi réellement compliqué à apprendre, mais le faussaire doit aussi connaître le contexte et l’usage des signes, ce qui est plus complexe. Le prix des objets égyptiens a davantage flambé que celui des autres antiquités parce que l’Egypte a toujours une charge mythique, qui pousse parfois les ventes à des sommes folles.”

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Jusqu’au 20 avril au Musée du Cinquantenaire à Bruxelles, www.kmkg-mrah.be

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