Rik Vanpeteghem (Deloitte Belgium): “La croissance, il faut aller la chercher”

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Rik Vanpeteghem est le CEO de Deloitte Belgium, le principal cabinet de consultance en Belgique, avec 3.000 employés. Dans une étude récente, Deloitte estime que les entreprises européennes disposent d’environ 1.000 milliards d’euros de cash. Deloitte a interrogé 270 grands patrons. Et apparemment, ils seraient prêts à mobiliser une partie de ce montant pour investir.

Votre étude parle d’un “point d’inflexion”, d’une volonté des entreprises d’investir davantage. C’est le cas chez Deloitte ?

Oui. Nous sommes un cas un peu particulier puisque Deloitte est un “partnership” dans lequel les profits ne font que transiter pour aller vers les partenaires. Notre stratégie consiste donc à mettre en oeuvre une politique d’investissement qui doit nous assurer une croissance suffisante tout en assurant la rétribution des partenaires.

Quel est alors cet objectif de croissance ?

Ces cinq dernières années nous avons réussi à afficher un taux de croissance d’environ 5% en moyenne. Mais l’année dernière il n’était que de 3%. En fait, nous savons que nous avons besoin à long terme d’une croissance de 2% au-delà de l’inflation pour assurer notre développement d’une manière soutenable. Cette croissance ne viendra pas d’elle-même, il faut aller la chercher. Mais elle est indispensable. Vous savez, nous sommes un “people business”. Nous devons attirer les meilleurs et leur offrir les meilleures opportunités de carrière, ce qui signifie pouvoir devenir un jour partenaire. Pour cela nous devons ouvrir chaque année la possibilité un certain nombre de collaborateurs de devenir nouveaux partenaires.

En pratique, vous engagez combien de personnes par an ?

Nous avons 3.000 personnes employées chez Deloitte Belgium, dont 150 partenaires et nous réalisons un chiffre d’affaires de 370 millions. Chaque année, nous voulons accueillir entre cinq et dix nouveaux partenaires. Au niveau de l’emploi plus général nous accueillons chaque année 300 nouveaux juniors et 250 collaborateurs plus expérimentés. D’un autre côté, chaque année, environ 10% des gens nous quittent (pour partir à la pension, changer d’orientation, etc …), soit 300 personnes environ. Notre personnel croit donc au maximum de 250 à 300 personnes par an.

Quels sont les moteurs de cette croissance ?

Il y en a cinq.

Le premier est notre volonté d’accroître encore notre “orientation client”, de renforcer le focus sur les clients. Nous disposons traditionnellement de très fortes compétences techniques (nous sommes de bons auditeurs, de bons comptables, de bons fiscalistes, de bons consultants technologiques et stratégiques,…). Mais ce que nous cherchons à faire depuis quelques années est d’instiller dans notre équipe davantage de connaissance de l’industrie. Cela afin de placer notre offre de compétence dans la perspective du client. Nous avons lancé voici trois ans un programme dans lequel chaque manager disposant déjà de quelques années d’expérience doit, à côté de sa compétence technique principale choisir également une compétence secondaire dans l’industrie. Un fiscaliste par exemple devra également devenir spécialiste d’un secteur (industrie financière, immobilier, secteur public, technologue et média,…).

La conséquence de ceci, et c’est le deuxième point, est que nous avons fortement investi dans la formation. Nous sommes traditionnellement très forts pour former d’excellents techniciens, mais nous avons également mis en place des formations pour rehausser les compétences business de nos clients. C’est pourquoi nous avons créé la “Deloitte University”, à La Hulpe. C’est un projet de niveau européen. Depuis sa création voici deux ans, plus de 7.000 managers y ont déjà transité pour une formation de plusieurs jours. C’est un gros investissement.

Troisième moteur: l’innovation à la fois au sein de notre offre de services déjà existants, mais aussi la création de nouveaux services. La réflexion a débuté après la crise de 2008, lorsque nous nous sommes demandé comment aller chercher la croissance dans un environnement de croissance nulle et alors qu’il y a une concurrence de plus en plus forte qui fait que nous devons être plus compétitifs encore sur les prix de nos services. Nous avons donc lancé un programme d’innovation qui comprend par exemple cette année un budget 5 millions pour des projets d’investissement.

Innover ? Dans quels secteurs plus spécialement ?

Nous centrons nos efforts autour de trois grands thèmes : “digital”, “analytics”, “cyber security”. Nous voulons offrir de nouveaux services dans ces domaines et renforcer nos équipes en allant chercher des spécialistes. Nous voulons également mobiliser de manière transversale les équipes afin de voir comment nous pouvons être plus innovant dans notre offre. Je prends un exemple celui de la “comptabilité digitale”. Nous réfléchissons à la manière d’assurer la comptabilité d’un client entièrement “on line”, et à la manière dont nous pouvons ainsi fournir aux clients des “tableaux de bord” automatisés. Dans ‘audit nous cherchons aussi à mettre en oeuvre des outils analytiques, qui améliorent l’efficience de l’audit et qui peuvent par exemple détecter plus facilement les déficiences de processus chez nos clients.

Ce focus sur l’innovation signifie que vous allez acquérir des sociétés spécialisées ?

Oui, absolument. La recherche d’acquisitions et d’alliances constituent notre quatrième moteur d’investissement. Encore une fois, par le passé, notre croissance était uniquement organique. Mais depuis quelques années, nous réalisons des acquisitions pour accélérer cette offre de nouveaux services innovants. Nous avons par exemple acquis ces deux dernières années une société d’une vingtaine de personnes à Louvain spécialisée dans l’analytique et une société d’une trentaine de personnes à Gand spécialisée dans l’e-learning. Nous avons trois “cibles” en vue cette année… Nous suivons le marché de près. Notre objectif est de réaliser des acquisitions pointues si elles peuvent accélérer notre croissance.

Et votre cinquième moteur… ?

.. C’est d’être à partir de Bruxelles un centre de compétence qui s’adresse non seulement au marché belge, mais au marché européen. Nous voulons renforcer l’exportation de nos services. Dans notre réseau, chacun, dans chaque pays, veille naturellement à son territoire. Mais si nous pouvons montrer que nous sommes supérieurs dans certains domaines,…

La crise est un catalyseur : les plus forts se renforcent encore. Et Deloitte Belgium est leader de son marché. Un exemple : Deloitte Belgique est partenaire sur le plan européen de “Salesforce.com”, la plateforme qui a révolutionné le “customer relationship management” (CRM, la gestion des relations clients) par une utilisation innovante du “cloud computing”. Salesforce.com est devenue la plateforme de CRM la plus importante au monde.

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