Pourquoi les femmes quittent la Silicon Valley en masse

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Les start-ups de la Silicon Valley voient leur personnel féminin progressivement quitter leurs rangs. Les emplois dans le domaine de l’informatique vont plus que doubler d’ici 2020 et si les femmes continuent à délaisser le secteur, la pénurie de collaborateurs qualifiés sera de plus en plus forte. Le défi pour ces entreprises, accusées d’entretenir un environnement sexiste, sera d’attirer et, surtout, de garder ces forces vives.

Chez Google, on compte 17% de femmes parmi les ingénieurs, chez Pinterest, le staff technique est à 21% féminin, chez Facebook, le quota descend à 15% et au sein d’Apple, on compte 20% d’ingénieures. Les chiffres sont sans appel, les femmes sont sous-représentées dans les grandes entreprises high-tech et les plus petites start-ups de la Silicon Valley, comme l’explique cet article du Los Angeles Times. La sous-représentation féminine au sein de ces entreprises est causée, entre autres, par la désertion des employées qui quittent actuellement le navire en masse, à cause du sexisme ambiant.

Diplômée en sciences et codeuse hors pair, Ana Redmond témoigne dans le quotidien californien. En 2011, après 15 ans dans le secteur, elle démissionne. “Je ne voulais pas quitter le secteur, mais je me sentais bloquée, sans avenir. J’avais l’impression que mes collègues masculins voulaient me mettre des bâtons dans les roues“. Au fur et à mesure, elle a vu les projets sur lesquels elle planchait être transférés à d’autres collaborateurs, tous masculins, jusqu’à être poussée dans une voie de garage. On pourrait croire à un cas isolé si d’autres employées ne témoignaient d’expériences similaires vécues. Une autre programmeuse, Garann Means, qui s’en est allée après 13 ans de métier évoque un environnement hostile et peu accueillant pour les femmes. Tracy Chou, 27 ans, ingénieure talentueuse de Pinterest, déclare que son patron a engagé un homme à sa place, car il était, selon lui, “plus rapide et plus qualifié “. À force d’être mise à l’écart des conversations de ses collègues et de ne pas recevoir la confiance de sa hiérarchie, elle a fini par sentir un mouvement de sexisme grandir dans les rangs. Wayne Sutton, qui dirige la start-up BuildUp, remarque, de son côté, que les femmes sont souvent traitées de manière injuste.

Alaina Percival, de l’association Women Who Code qui représente les femmes de l’industrie technologie à travers une quinzaine de pays explique : “Il y a des attitudes tellement insignifiantes que l’on ne s’en plaint directement pas, mais quand elles se produisent au quotidien, elles peuvent exclure une personne d’une équipe et faire douter une femme de son avenir professionnel.

Selon une étude d’Harvard Business publiée en 2008, 50% des femmes travaillant dans les sciences, en tant qu’ingénieure ou dans le secteur technologique quitteront leur métier à cause d’un environnement qui leur semble hostile. En 2014, une nouvelle étude sur le sujet ne révélait aucune évolution.

“Le rôle des hommes est de pousser les femmes vers le haut”

Ces départs en masse posent des problèmes aux sociétés technologiques. Selon Code.org, les emplois dans le domaine de l’informatique vont plus que doubler d’ici 2020, atteignant 1,4 million. Si les femmes continuent à délaisser le secteur, la pénurie de collaborateurs qualifiés sera de plus en plus forte. L’été dernier, Google, Facebook, Apple et d’autres sociétés high-tech annonçaient le quota de 4 hommes pour une femme dans les secteurs techniques. Pendant des décennies, ces entreprises se sont basées sur des forces de travail principalement asiatiques et masculines, mais cela ne suffirait plus.

De nombreuses initiatives encouragent pourtant les femmes à embrasser une carrière dans l’industrie technologique. Google a lancé en 2013 un programme qui a pour objectif de casser les préjugés culturels, de toutes sortes. Chez Pinterest, la diversité est mise en avant dès le recrutement, autant en matière de nationalité que de sexe. Facebook tente d’attirer les femmes, de son côté, en leur payant des congés de maternité et même de paternité, fait rare aux Etats-Unis.

Pour le professeur Joan C. Williams, professeure au UC Hastings College of Law, le changement ne doit pas se faire à coup de sessions d’informations uniques, mais de façon plus systématique. Elle pointe aussi le fait que les femmes sont récompensées pour leur modestie et pénalisées pour ce que les hommes considèrent être des “attitudes agressives”.

Il semblerait donc que Marissa Mayer, PDG de Yahoo, Meg Whitman PDG d’eBay avant de passer à la tête de Hewlett Packard ou encore, Ginni Rometty, dirigeante chez IBM soient bien des exceptions à la règle. Car mettre une femme à la tête d’une grande entreprise technologique ne serait pas non plus la formule miracle. “Les hommes ont une place cruciale pour créer un environnement où les femmes peuvent s’épanouir ” nuance ainsi Scarlett Sieber, vice-président des opérations au sein de la start-up Infomous. “Le rôle des hommes est de pousser les femmes vers le haut, il ne faut pas seulement faire confiance au 1% de femmes qui est déjà au sommet“, selon Sieber.

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