“Les télécoms en France, c’est de la merde”
Selon le CEO de Telenet, John Porter, la concurrence exacerbée en France a ralenti les investissements dans les réseaux télécoms. Tout le contraire de la situation belge.
Depuis le rachat de l’opérateur mobile Base, le câblo-opérateur Telenet est devenu un acteur national. Son CEO, John Porter, revient sur ce deal qui a chamboulé le marché belge des télécoms.
Vous avez acheté Base au bon moment. Grâce à la consommation de données, la croissance est de retour dans le secteur du mobile.
Oui, le timing est bon d’un point de vue industriel. En fait, nous avions l’intention d’acheter un opérateur mobile depuis que j’ai pris la direction de Telenet en 2013. Certains ont trouvé que le prix était élevé, mais c’est parce qu’ils n’ont pas compris la valeur attachée aux synergies entre les deux entreprises. Pour nous, c’est une transaction win-win : nous sommes heureux, KPN (ancienne maison mère de Base, Ndlr) est heureux, le personnel de Base aussi.
Et le consommateur ?
Bien sûr. Il aura accès à un réseau performant, des services et des produits innovants, plus d’applications, plus de contenu…
Telenet est connue comme marque “premium”, donc chère.
Non. On ne peut pas obtenir le taux de pénétration que nous avons et en même temps être considérés comme chers. Contrairement au mythe populaire, en Flandre tout le monde n’a pas beaucoup d’argent. Nous avons une gamme de services qui sont accessibles pour beaucoup de clients. C’est vrai que notre triple play Whoppa coûte 70 euros, mais il contient une connexion Internet à 200 mbps, la TV en replay, l’accès à la télévision sur tous les appareils, un large catalogue vidéo… Tout cela a de la valeur. Mais nous avons aussi des produits à 30 euros pour les clients qui souhaitent dépenser moins.
Mais les clients s’inquiètent : Base sera-t-il toujours un challenger maintenant qu’il est passé dans le giron de Telenet ?
Vraiment, il y a une inquiétude ? Ce n’est pas justifié. Base continuera à être un challenger. Comme la tendance dans le mobile est à la décroissance des cartes prépayées, nous devons réorienter les utilisateurs vers des abonnements postpayés qui leur correspondent. Nous avons une offre mobile à 9 euros par mois et nous ne comptons pas l’abandonner de sitôt.
Sur le mobile, la concurrence a joué. Mais le marché belge des télécoms fixes est caractérisé par un duopole Proximus/Telenet, qui a tiré les prix vers le haut.
Si vous lisez beaucoup la presse française, cela vous semblera cher. Mais le produit télécom, en France, c’est de la merde. A peine un tiers du pays a une connexion Internet dépassant les 30 mbps. Ce n’est pas tenable. En France, la concurrence a mis l’investissement industriel à l’arrêt. Ils sont allés trop loin dans la démocratisation des télécoms pour tout le monde : les opérateurs n’ont plus d’argent pour investir dans leurs réseaux. De notre côté, nous investissons entre 20 % et 25 % de notre chiffre d’affaires dans notre réseau. L’année prochaine, ce sera même 30 %, parce que nous reconstruisons le réseau fixe et le réseau mobile. Proximus investit aussi beaucoup – un peu moins que nous en proportion du chiffre d’affaires, mais cela reste significatif. Bref, ce n’est pas parce que c’est bon marché que c’est forcément mieux.
Propos recueillis par Gilles Quoistiaux
Retrouvez l’intégralité de l’interview de John Porter dans Trends-Tendances, disponible en librairie et en version numérique.
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