Les entreprises belges prévoient une hausse des exportations, mais redoutent le protectionnisme
Notre baromètre de l’exportation confirme l’optimisme international des entreprises belges : quatre sur cinq d’entre elles tablent sur une croissance des exportations dans les prochaines années. Et cela bien qu’elles redoutent la mise en place de barrières protectionnistes en divers endroits du globe.
Après les années de marche vers la globalisation, assisterons-nous au retour des frontières nationales ? Les entreprises belges le craignent. Quatre-vingt pour cent d’entre elles pensent en effet que les mesures protectionnistes iront croissant les prochaines années et elles réclament des mesures similaires en retour de la part des autorités belges ou européennes. Au risque d’avancer vers une politique ” oeil pour oeil, dent pour dent ” néfaste pour le commerce international.
” Fondamentalement, le protectionnisme a un effet négatif sur les économies, analyse Nabil Jijakli, deputy CEO de Credendo. La croissance des échanges commerciaux a contribué à l’amélioration du niveau de vie dans les pays émergents, même si les inégalités subsistent, voire ont augmenté pendant cette période. Il ne faudrait donc pas que nous cherchions à construire une forteresse européenne. Cela dit, nous ne devons pas être naïfs non plus. D’une part, le commerce mondial a besoin de garde-fou pour protéger les consommateurs et l’environnement ; d’autre part, nous devons réagir aux entraves dont pâtit notre industrie à l’export. L’Europe en a pris conscience et tente maintenant de développer une politique industrielle plus volontariste. ”
Les entreprises ressentent concrètement ce regain de protectionnisme, à travers l’inflation des formalités douanières et administratives nécessaires pour pouvoir exporter. Elles constituent désormais le principal frein à l’exportation – à égalité avec les coûts de production en Belgique – avancé par les entreprises. C’est même le seul frein clairement à la hausse par rapport aux résultats du baromètre 2016. Le sentiment de durcissement des règles protectionnistes est sans doute renforcé par les sanctions qui frappent des pays comme la Russie et l’Iran et qui brident, de facto, le commerce international.
Le Brexit n’inquiète que très marginalement les exportateurs (seuls 17,5 % anticipent un impact négatif). En revanche, la première année du mandat de Donald Trump à la tête des Etats-Unis a marqué les esprits : 36 % des entreprises belges pensent que les exportations transatlantiques vont baisser (notons que ce chiffre n’est que de 29 % parmi les entreprises qui réalisent plus de 25 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation et qui donc appréhendent sans doute un peu mieux la réalité concrète du commerce mondial). ” Nous voyons là l’effet du caractère imprévisible et épidermique du président américain, poursuit Nabil Jijakli. Car, dans les faits, aucune mesure protectionniste n’a encore été concrétisée. ” Il n’est pas convaincu que les Etats-Unis avanceront réellement sur ce terrain pour une simple question de ” pragmatisme ” : si leur balance commerciale avec l’Europe est effectivement déficitaire pour les biens, elle devient en revanche positive quand on y ajoute les services. Une rétorsion ciblée pourrait faire souffrir l’économie américaine et les responsables de l’administration en sont bien conscients.
Une note de confiance de 6,2 sur 10
En dépit de leur inquiétude quant à l’essor protectionniste, les entrepreneurs belges demeurent optimistes. Leur appréciation du contexte économique global est plus positive que l’an dernier (une note de 6,2 contre 5,7/10). On grimpe même jusqu’à une note de 6,5/10 pour les patrons flamands. Cet optimisme mesuré est en phase avec les perspectives de croissance mondiale et, en particulier celle du commerce international. Les risques d’escalade militaire entre les Etats-Unis et la Corée du Nord n’entravent guère cet optimisme. Septante pour cent des patrons pensent que cela n’aura aucun impact sur leurs plans d’exportation et 23 % considèrent que cet impact restera marginal.
Plus de 75 % des exportateurs jugent important ou très important de conclure des accords avec des entreprises locales pour développer leurs projets.
” L’une des bonnes nouvelles de ce baromètre, c’est que les entreprises sont plus nombreuses encore à miser sur une croissance de leurs exportations dans les trois prochaines années (quatre sur cinq contre trois sur quatre l’an dernier, voir graphique), commente Pascale Delcomminette, administratrice déléguée de l’Awex. Le climat de confiance se répercute sur les prises de risques des entreprises et leurs attentes à l’exportation. C’est encourageant. ” Pas de triomphalisme toutefois : s’ils tablent sur une croissance de leurs exportations, les entrepreneurs restent peu nombreux à voir cette croissance dépasser les 10 %. “Trente et un pour cent des répondants affirment ne pas vendre à l’étranger, ajoute Pascale Delcomminette. C’est vraiment un chiffre interpellant. Cela doit nous inciter à redoubler d’efforts pour promouvoir l’exportation. ”
De l’Asie à l’Afrique
La deuxième édition de notre baromètre n’apporte pas d’évolution significative quant aux secteurs et aux destinations les plus porteuses. L’Asie accentue son avance avec 63 % des patrons qui voient les exportations vers cette région croître contre 56 % l’an dernier. Tout le monde semble avoir compris où se trouvent les plus forts potentiels de croissance des prochaines années. En deuxième position, on trouve désormais les pays limitrophes, nos premiers partenaires. Un signe à la fois de la consolidation de la reprise en Europe et, on y revient, du regain de protectionnisme attendu aux Etats-Unis. Dix-sept pour cent des patrons, contre 9 % l’an dernier, anticipent un recul de leurs exportations vers l’Amérique du Nord.
L’an dernier, l’Afrique avait surpris en étant placée comme troisième territoire le plus prometteur derrière l’Asie et l’Amérique du Nord. Elle recule à la sixième place et voit le pourcentage de patrons tablant sur une croissance des exportations vers l’Afrique glisser de 45 à 38 %. ” Parmi ceux qui exportent déjà vers l’Afrique, 58 % tablent sur une croissance, nuance Pascale Delcomminette. Quand on a dédramatisé, quand on a pris ses marques sur ce marché jugé parfois difficile, on a envie d’aller plus loin. Cela montre l’importance du travail pour convaincre les entreprises d’y investir. Elles doivent vraiment être accompagnées. ” Elle y tient d’autant plus que, dit-elle, l’économie africaine convient bien à nos PME et leur savoir-faire dans les matières environnementales ou dans la mécanisation de l’agriculture. ” Elles ont la souplesse que n’ont pas toujours les grandes entreprises, poursuit la patronne de l’Awex. Leur petite taille rassure aussi les partenaires africains, qui sont souvent des collectivités locales. Le travail d’Enersol pour le développement du photovoltaïque au Burkina Faso nous montre bien qu’il y a des partenariats à construire au-delà des purs projets d’exportation. ”
On oublie vite les agences régionales…
C’est une litote : pour construire des partenariats, il faut des partenaires. Plus de 75 % des exportateurs jugent important ou très important de conclure des accords avec des entreprises locales pour développer leurs projets. Cela arrive bien avant la participation aux foires et salons et, plus interpellant pour les pouvoirs publics, la collaboration avec les agences régionales de soutien à l’exportation (une majorité les trouve peu ou pas importantes…). Ces dernières ne sont pointées comme un outil de promotion des exportations que par 28 % des répondants, contre 35 % l’an dernier. ” Pourtant, accompagner les entreprises pour trouver des partenaires locaux, c’est vraiment le job de nos attachés économiques et commerciaux “, souligne Pascale Delcomminette. Il y a peut-être là une méconnaissance du rôle des agences régionales ou, à l’inverse, leur apport est tellement évident et intégré qu’on en vient à oublier de le mentionner. Une fois que vous avez vos partenaires locaux, vous oubliez que c’est le FIT, BIE ou l’Awex qui vous a mis en relation…
Autre mauvaise nouvelle pour les agences régionales : elles perdent leur première place au classement des structures ayant aidé les exportations, au profit… des banques ! On notera que, comme l’an dernier, un peu plus d’un tiers des entreprises déclarent n’avoir reçu aucune aide pour l’expansion de leurs exportations. ” Cela nous rappelle que nous ne devons jamais considérer comme acquise la connaissance de nos structures et de outils par les entreprises “, conclut Pascale Delcomminette. L’agence entamera prochainement une tournée de sensibilisation, avec notamment les témoignages de PME et TPME qui ” ont connu des succès étonnants en osant avoir l’ambition de dépasser les frontières avec notre soutien “.
Le Trade Forum de Credendo se tient ce jeudi 7 décembre à l’auditorium de la Banque Nationale. Il sera centré sur le thème du protectionnisme.
Champagne chez essenscia : le secteur de la chimie et des sciences du vivant rafle les trois places sur le podium des exportateurs, dans le baromètre de Credendo et Trends- Tendances. Cette victoire éclatante repose sur la réalité des chiffres. Avec 116 milliards de vente à l’international en 2016 et une balance commerciale positive de 22,5 milliards, nous avons un secteur qui, à lui seul, fournit un tiers des exportations belges. La Belgique est le deuxième exportateur pharmaceutique d’Europe, après l’Allemagne mais devant le Royaume-Uni et la France. Pas mal, n’est-ce pas ?
” La perception de cette réalité est encore renforcée par la grande visibilité des entreprises de nos secteurs “, concède Frédéric Druck, patron de bio.be et d’essenscia Wallonie/Bruxelles. Cette visibilité provient à la fois de localisation chez nous d’activités importantes d’absolument tous les groupes du top 10 mondial (Pfizer, Novartis, Merck, GSK, etc.) et de l’émergence d’une multitude de start-up prometteuses, dont les levées de fonds et tests cliniques occupent régulièrement l’actualité. ” Ces jeunes entreprises n’ont généralement pas encore lancé le moindre produit sur le marché et elles ont besoin de cash pour les développer, poursuit Frédéric Druck. Elles doivent donc bien se positionner en amont pour être certaines qu’un marché global existe pour leur produit et le faire savoir auprès des investisseurs. ” D’où les communications régulières sur les avancées thérapeutiques et les perspectives. Il faut savoir tenir 10 à 15 ans de développement avant la mise sur le marché d’un médicament, cela nécessite des investissements souvent de l’ordre de 1 ou 1,5 milliard d’euros. Frédéric Druck estime que le secteur des biotechnologies est aujourd’hui ” à maturité ” en Belgique, avec des entreprises comme Celyad, Ablynx, Galapagos ou Bone Therapeutics.
Au vu de la durée et du coût de développement d’un médicament, les entreprises du secteur doivent d’emblée envisager les choses sur un angle planétaire. On ne peut pas, ici, d’abord faire ses preuves sur le marché domestique et ensuite se lancer progressivement à l’exportation. Les firmes belges ont parfaitement intégré le schéma puisque notre pays qui représente 2 % de la population européenne et 3 % de son PIB réalise 13 % du total des exportations pharmaceutiques européennes. Grâce aux producteurs de toutes tailles qui y sont actifs mais aussi grâce aux services annexes, en particulier à la logistique. Quand on travaille dans les sciences du vivant, le transport nécessite des précautions spécifiques. La Belgique a développé une expertise remarquable dans la logistique pharmaceutique. Les aéroports de Zaventem et Bierset sont parmi les 26 labellisés au monde pour le transport de tels produits et la plupart des grands groupes ont localisé un hub logistique dans notre pays. ” Les deux tiers des produits vendus par Pfizer à travers le monde transitent par le hub de Zaventem “, précise Frédéric Druck. De telles activités gonflent bien entendu les résultats à l’exportation.
Autre élément précieux pour le secteur pharmaceutique : il ne devrait pas trop souffrir du regain de protectionnisme à travers le monde. Quand vous avez un produit pour prévenir, diagnostiquer ou soigner des maladies, on a rarement envie de vous couper d’autorité l’accès à un marché national. En revanche, comme il est question de santé, on redouble logiquement de précaution pour l’enregistrement d’un médicament et, parce que cela touche les budgets publics, pour son remboursement. ” Les agences américaines et européennes s’alignent de plus en plus, constate Frédéric Druck. On devrait avoir une accélération des processus d’enregistrement. ” Il souligne cependant que les groupes nouent souvent des partenariats locaux pour s’implanter dans des pays asiatiques ou aux Etats-Unis.
Vous exportez ou envisagez de le faire et vous vous interrogez sur les pays de destination ? Credendo vous apporte désormais des réponses instantanées, grâce à sa toute nouvelle application lancée ce jeudi. Vous pourrez connaître les risques-pays quasiment en temps réel en pianotant sur votre smartphone. ” Sur les moteurs de recherche, vous trouvez beaucoup d’infos sur les pays émergents et leurs économies, explique Gert Lambrecht, responsable business development, marketing et communication chez Credendo. Mais si vous souhaitez connaître les éléments importants pour exporter vers ces pays ou pour y investir, vous êtes beaucoup moins sûr de trouver les bonnes sources d’information. C’est ici que notre application est unique : elle se place systématiquement du point de vue de l’exportateur. Nous sommes là en plein dans le core business de Credendo. ”
Les informations sur les différents pays seront mises à jour une dizaine de fois par mois, avec en outre des alertes sous le label ” Risk in the Spotlight “. Les usagers y trouveront une première analyse – toujours du point de vue du risque pour les exportateurs – aux principaux faits d’actualité. Cela s’ajoute aux informations classiques sur la notation du pays, les risques politiques et commerciaux… L’application peut ensuite vous diriger vers ” les solutions appropriées “, en fonction des pays et des besoins, que ce soit en assurance, financement ou autre. Ces différents éléments justifient, aux yeux de Credendo, le développement d’une application, en plus d’un site internet. ” Lors des missions économiques, on voit les chefs d’entreprise se promener avec notre analyse pays, pliée en deux dans leur poche, ajoute Gert Lambrecht. Désormais, ils l’auront en direct dans leur téléphone. Et ils seront informés en direct si une notation change par exemple. “
Le paradoxe des impayés
Plus d’un exportateur sur deux (57,7%) a déjà subi l’expérience d’une facture impayée. C’est de loin le premier dommage subi par les exportateurs, avant les variations de taux de change (31%), les ruptures arbitraires de contrat (17%) et les guerres ou catastrophes naturelles (16%). Le risque de non-paiement est en outre l’un des principaux freins à l’exportation avancés par les entreprises, juste après les coûts de production en Belgique et l’importance croissante des formalités douanières requises. ” C’est assez paradoxal car il y a moyen de se prémunir d’un tel risque, par exemple via les formules d’assurance-crédit, constate Nabil Jijakli. Les entreprises ressentent une hausse du risque de non-paiement mais elles ne modifient pas leur comportement pour autant. Vingt-quatre pour cent d’entre elles disent ne pas se couvrir pour les risques de non-paiement. Ce message est quand même très contradictoire. ” La première mesure de prudence choisie par les exportateurs belges est le paiement à l’avance, énoncé par 38 % des répondants. Et plus l’international pèse dans le chiffre d’affaires, plus l’entreprise tend à exiger le paiement à l’avance.
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