La voiture de demain, électrique et autonome? Oui, mais…
“En 2038, mes petits-enfants m’interrogent : c’est vrai que quand tu étais jeune, on avait le droit de conduire une voiture soi-même ? Et qu’il y avait beaucoup d’accidents ? Oui, la route causait 1,2 million de morts par an dans le monde ! Et les gens osaient quand même conduire ?”
C’est en ces termes que le consultant automobile Damien Deroanne introduit le débat sur la voiture autonome organisé par ICHEC Alumni dans un lieu emblématique : le siège de la société D’Ieteren. En précisant qu’on attend une division par mille du nombre de décès sur les routes dans un monde monopolisé par les véhicules autonomes.
On en est encore loin. Pourtant, la voiture complètement autonome est d’autant moins utopique qu’elle utilise à 80% des systèmes et technologies déjà présents sur des véhicules traditionnels : le bip-bip de marche arrière, la caméra de vision avant, le radar du régulateur de vitesse adaptatif. Ce qui fait la différence, c’est le gyroscope permettant la vision globale en temps réel, ou encore les gros ordinateurs qui analysent en permanence les données que le véhicule produit et récolte. Sans oublier le deep learning, fruit de l’intelligence artificielle, qui lui permet d’apprendre. Le premier mort dû à la voiture autonome, qui vient de faire les gros titres, ne saurait être l’arbre cachant la forêt, insiste l’orateur : les 24 véhicules de la société Waymo, filiale dédiée de Google, ont déjà parcouru plus de 5 millions de kilomètres réels.
La voiture autonome sera très probablement électrique, pour plusieurs bonnes raisons. Est-ce la fin des autres systèmes d’alimentation ? CEO d’Octa+, société qui a signé une belle transition des combustibles fossiles vers l’électricité et la mobilité, Etienne Rigo ne le pense pas : “Le diesel restera pour les camions, car je ne vois pas d’alternative, même à 20 ans. L’essence va-t-elle disparaître, alors qu’on y incorpore aujourd’hui un dixième de biocarburants ? Et voilà que le gaz naturel compressé fait une percée. L’électricité va clairement émerger, mais le reste ne disparaîtra pas pour autant à bref délai.”
Le gros frein à la voiture électrique, c’est clairement l’autonomie et l’alimentation. On peut charger une voiture électrique chez soi, au bureau et sur l’espace public, observe Hugues Dhaeyer, de la société Powerdale. Bien que souvent avancée, la dernière formule est la moins convaincante à l’heure actuelle. Une enquête réalisée aux Pays-Bas révèle en effet qu’une borne sur cinq seulement est rentable. Or, vu le succès des grosses berlines plutôt que des petites citadines, les pouvoir publics ne sont guère enthousiastes à l’idée de subsidier les “nantis”. Il faudrait peut-être choisir la formule luxembourgeoise, où c’est le gestionnaire de réseau, équivalent de notre Sibelga, qui décide de faire l’investissement.
Sachant que “faire le plein” électrique revient à 5 euros maximum, le business model est compliqué, concède Laurent Minguet, le célèbre serial entrepreneur. “J’ai voulu m’y lancer, mais j’ai renoncé. Alternative : pourquoi n’imposerait-on pas aux propriétaires de parkings de proposer un certain nombre de bornes ?” Une bonne installation ne coûte guère que 2.000 euros environ, alors qu’une place de parking revient à 10.000 euros, précise-t-il. La solution la plus simple et la plus sympathique serait peut-être qu’on vous propose le chargement quand vous êtes en visite, envisage l’entrepreneur liégeois : “On ne vous demande pas de payer 3 euros quand on vous offre une boisson dans une entreprise. Or, recharger votre batterie ne coûte pas plus cher !”. La voiture électrique, vecteur de changement des usages professionnels…
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