Après un marathon record, l’ogre Ineos poursuit sa conquête sportive
Premier homme en moins de deux heures sur le marathon, le Kényan Eliud Kipchoge a brisé samedi une barrière mythique. Une performance organisée de A à Z par Ineos, le groupe pétrochimique aux investissements sportifs multiples, mais soigneusement calculés.
De l’athlétisme au cyclisme en passant par le football et la voile, le richissime britannique Jim Ratcliffe ne s’interdit rien. Et ce n’est pas son triomphe de ce weekend qui risque de le ralentir.
A peine la ligne franchie, Kipchoge, maillot floqué Ineos et large sourire aux lèvres, a reçu l’étreinte du patron, venu en personne à Vienne superviser l’exploit d’un marathon couru en 1 heure 59 minutes et 40 secondes. Un record certes non homologué par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), compte-tenu des conditions de course très particulières, mais qui fait pour autant entrer la discipline dans une nouvelle ère.
Slogan officiel de l’évènement: “Aucun humain n’est limité”. Sans limite, à l’image des investissements tous azimuts dans le marketing sportif depuis 2017.
En juillet dernier, c’était le grimpeur colombien Egan Bernal qui se parait de jaune, à l’arrivée du Tour de France sur les Champs-Elysées. A ses côtés, sur le podium, son coéquipier Geraint Thomas pour un doublé Ineos. Quelques mois plus tôt, le groupe s’était offert l’équipe la plus prestigieuse du cyclisme actuel, en remplacement de Sky qui avait remporté six des sept dernières éditions de la Grande Boucle (2012-2018). “Sky, c’était la référence en termes de performance dans un sport qui met particulièrement en avant le nom du sponsor”, décrypte pour l’AFP Vincent Chaudel, fondateur de l’Observatoire du sport business.
– “Stratégie à la Red Bull” –
Le football est évidemment aussi dans la ligne de mire de la stratégie marketing d’Ineos. Les investissements y sont cependant moins clinquants, puisque Jim Ratcliffe ne s’est pas encore offert un grand d’Europe, même si d’insistantes rumeurs disent ce supporter de Manchester United intéressé par Chelsea.
Après Lausanne Sport, racheté en 2017 mais qui végète toujours en deuxième division suisse, c’est l’OGC Nice qui est tombé dans son escarcelle l’été dernier avec l’ambition d’emmener le club en Ligue des champions rapidement.
“Lausanne, c’est un investissement pour être au plus proche des instances du sport. A Nice, l’investissement dans le stade, le centre d’entraînement et le centre de formation est déjà fait, le coach est en place. Et puis la Riviera, ça veut dire quelque chose, il y a un potentiel marketing et un retour sur investissement possible”, détaille Vincent Chaudel en évoquant l’Allianz Riviera, le nouveau stade niçois.
La marque a également construit pour 110 millions d’euros le monocoque Britannia qui s’alignera en 2021 sur la très prestigieuse Coupe de l’America, l’une des plus anciennes compétitions sportives existantes, où se font et se défont les innovations de l’architecture navale.
“C’est une stratégie à la Red Bull: ils sont propriétaires de leurs actifs, pas simple sponsor. Pour le marathon, ils ont été l’initiateur de l’évènement ce qui veut dire qu’ils l’ont monté de toutes pièces et ont maîtrisé tous les aspects de l’opération”, explique Virgile Caillet, le délégué général de l’Union sport et cycle, qui représente 1.400 entreprises du monde du sport.
“C’est un grand groupe international qui travaille dans un secteur qui n’est pas le plus vertueux. Le vélo, la course à pied, la voile, ce sont des sports qui incarnent une forme de respect de l’environnement”.
Sur le podium des plus grandes fortunes de Grande-Bretagne avec 18 milliards de livres, “Sir” Jim Ratcliffe possède une capacité d’investissement quasi illimitée mais qui reste pour l’heure “cohérente” et “maîtrisée”, selon les deux experts.
Ce milliardaire de 66 ans, qui a grandi dans une cité à Manchester, serait pourtant presque discret. Outre un domicile à Monaco, principauté connue pour son fisc peu intrusif, il n’a jamais coté en bourse son groupe fondé en 1998, malgré ses ventes annuelles pesant 60 milliards de dollars et ses 18.000 employés.
Selon la presse britannique, faire courir le marathon en moins de deux heures à Kipchoge aura coûté une vingtaine de millions de dollars à M. Ratcliffe. Une bagatelle. “Nous faisons des milliards de bénéfice. Qu’y a-t-il de mal à en investir un peu dans le sport ?”, avait-il lancé lorsque ce projet avait vu le jour.
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