Airbus en colère: “Nous n’avons jamais été traités comme ça”
La Pologne a annoncé mardi l’achat d’au moins 21 hélicoptères américains Black Hawk, après avoir abandonné des négociations sur les hélicoptères Caracal d’Airbus, avionneur européen dont le PDG a estimé “avoir été mené en bateau pendant des mois”.
Le ministre de la Défense Antoni Macierewicz a déclaré que deux Black Hawk fabriqués en Pologne à Mielec (sud-est) seraient livrés par Lockheed Martin avant la fin de l’année, puis huit en 2017 et onze l’année suivante.
“D’autres suivront, fournis tant par Mielec que par Swidnik” (sud-est) où se trouve une usine du groupe multinational Leonardo/Finmeccanica, a-t-il ajouté, lors d’une visite dans une usine d’hélicoptères près de Lodz.
Il s’y est rendu avec la Première ministre Beata Szydlo pour rassurer le personnel sur son avenir, car Airbus y envisageait d’importants investissements.
La déclaration du ministre intervient à peine 24 heures après son annonce lundi qu’il allait “ouvrir dès cette semaine” des entretiens sur cette transaction. Elle laisse penser que des contacts avec Lockheed Martin ont été noués avant même l’abandon officiel des pourparlers avec Airbus annoncé par Varsovie le 4 octobre.
Cette hypothèse a été aussitôt avancée par l’opposition centriste qui a demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les contrats d’armement.
De son côté, le patron d’Airbus Group, Tom Enders, s’en est pris violemment mardi à Varsovie, estimant avoir “l’impression d’avoir été menés en bateau pendant des mois par l’actuel gouvernement polonais” conservateur.
“Nous n’avons jamais été traités comme ça par un gouvernement client comme nous l’avons été par ce gouvernement”, a-t-il indiqué dans une déclaration d’une rare véhémence de la part d’un industriel à l’encontre d’un gouvernement, obtenue par l’AFP.
“Nous allons demander réparation”, a-t-il ajouté, sans plus de précision.
Dommages et intérêts
La question d’éventuels dommages-intérêts qu’Airbus pourrait demander à Varsovie a été déjà soulevée dans les médias polonais. “C’est plutôt la Pologne qui devrait demander une compensation à la suite du refus de signer l’accord d’offset par la partie française”, a déclaré le ministère de la Défense dans un communiqué, le 7 octobre.
Le gouvernement polonais avait accusé Airbus d’être responsable de l’abandon des négociations sur les hélicoptères multirôles, lui reprochant d’avoir tardé dans les négociations et d’avoir fait une offre insuffisante de compensations industrielles ou offset.
Varsovie avait demandé que la compensation comprenne aussi la TVA de 23%. La valeur du contrat hors TVA était de 10,8 milliards de zlotys (2,53 milliards d’euros), ce qui serait la dépense réelle pour la Pologne et la recette d’Airbus.
Cette taxe n’est pas habituellement incluse dans le calcul de l’offset mais il a accepté de l’ajouter ce qui portait son engagement à 13,4 milliards PLN (3,14 milliards d’euros), explique dans une lettre ouverte du PDG d’Airbus Helicopters, Guillaume Faury, à la Première ministre polonaise Beata Szydlo, rendue publique mardi.
Airbus Helicopters assure notamment que la valeur de cette offre était supérieure aux recettes que ce contrat lui aurait apportées.
Selon le constructeur, Airbus Helicopters a proposé de nouvelles concessions pour parvenir à un accord, dans une lettre du 3 octobre, soit la veille de l’annonce par Varsovie de la fin des pourparlers.
“Airbus voulait vraiment investir en Pologne et nous voulions contribuer à la création d’une industrie aérospatiale compétitive dans ce pays. Mais le gouvernement polonais nous a claqué la porte au nez. Nous en prenons bonne note”, a regretté M. Enders.
Dans sa déclaration, Tom Enders en a remis une couche, affirmant que “les déclarations controversées et contradictoires du gouvernement polonais au cours du processus d’appel d’offres a créé le sentiment d’une confusion sans précédent”.
“Cette confusion a été accrue par les dernières déclarations du gouvernement polonais concernant l’acquisition d’hélicoptères de la part de groupes qui avaient décidé de présenter des offres non conformes à l’appel d’offres et avaient été disqualifiés”, a martelé Tom Enders, visant sans le nommer Lockheed Martin.
L’annonce de la décision de Varsovie le 4 octobre a jeté un froid dans les relations franco-polonaises, le président François Hollande reportant une visite prévue à Varsovie le 13 octobre.
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