La Lituanie adopte l’euro pour mieux s’ancrer à l’Occident
Les Lituaniens adhèrent à l’euro le 1er janvier pour renforcer encore leurs liens avec l’Occident face à d’hypothétiques ambitions du Kremlin, tout en craignant de voir les prix s’envoler dans les magasins.
Avec l’abandon de sa monnaie nationale, le litas, la Lituanie devient le 19e membre de la zone euro, au bout d’une année de grands frissons causés dans la région par l’intervention de la Russie en Ukraine. Les chasseurs de l’Otan ont décollé 150 fois en 2014, trois fois plus qu’en 2013, pour “accompagner” des avions militaires russes volant à proximité des pays baltes, selon le ministère lituanien de la Défense.
“La monnaie unique européenne c’est aussi plus de sécurité et c’est très important, compte tenu de notre voisinage”, dit à l’AFP Vytautas Komka, un quinquagénaire travaillant dans un service culturel à Vilnius.
Sur trois millions d’habitants, quelque 53% soutiennent le passage à l’euro et 39% sont contre, selon un sondage publié en novembre par la banque centrale. “Je dois admettre que des raisons de sécurité sont parmi les causes du soutien populaire à l’euro”, a dit à l’AFP le ministre lituanien des Finances Rimantas Sadzius.
Mais l’appui à la monnaie européenne était parfois descendu en dessous des 50%, essentiellement à cause de craintes de hausses de prix plutôt que des critiques dont elle fait l’objet en Occident. “L’euro n’augmentera pas nos retraites ou nos salaires, il ne fera augmenter que les prix. Mais ils ont déjà décidé!”, dit la retraitée Danute Petkeviciene, pointant du doigt le bâtiment de la banque centrale où une horloge égrène le compte à rebours.
“La 3e étape la plus importante dans l’intégration de la Lituanie”
Pour le ministre des Finances, les prix ne devraient augmenter que de 0,2% ou 0,3%, et il s’agit de “la troisième étape la plus importante dans l’intégration de la Lituanie à la communauté ouest-européenne”.
A la différence du zloty polonais qui flotte librement, le litas lituanien est soudé depuis 2002 à l’euro et dépend de la Banque centrale européenne (BCE). La Lituanie avait espéré rejoindre la zone euro en 2007, mais a manqué de peu le critère du taux d’inflation, puis a été fortement touchée par la crise globale, son PIB chutant de 15%.
Une cure d’austérité douloureuse l’a remise en selle, sa croissance atteignant en moyenne 3% ces dernières années. Mais les coupes dans le budget de la sécurité sociale et d’autres dépenses publiques ont déclenché aussi une migration record vers les pays riches, dont la Grande-Bretagne. Les deux autres pays baltes, l’Estonie et la Lettonie, ont adopté l’euro en 2011 et 2014. Vilnius a traîné, préférant attendre jusqu’après les législatives de la fin 2012.
Maintenant le gouvernement souligne qu’il est logique de faire partie du même bloc monétaire que les principaux partenaires économiques du pays, et s’attend à plus d’investissements et des crédits moins chers. La dette publique de la Lituanie est inférieure à 40% du PIB et son économie en bien meilleur état que celles de plusieurs autres pays de la zone euro, très endettés. Toutefois, certains économistes mettent en garde contre une perte graduelle de la compétitivité, si on n’améliore pas la productivité, alors que les salaires progressent de 5% par an.
La monnaie lituanienne sera convertie au taux de 3,4520 litas pour un euro, le même qu’avant l’adhésion. Les deux monnaies seront en circulation ensemble pendant deux semaines. Le pays a importé 132 millions billets de banque fournis par la Bundesbank allemande et a frappé ses propres pièces métalliques, ornées de l’emblème national, un cavalier muni d’une épée et d’un bouclier, selon une tradition remontant au 14e siècle.
Le 31 décembre à minuit (23h00 HB), des projections vidéo salueront l’arrivée de l’euro dans les grandes villes, tandis que des cocktails “euro” sans alcool seront servis dans les bars.
Les Lituaniens ont dit adieu au litas en construisant une pyramide avec un million de pièces de monnaie, un record, enregistré dans le Livre Guinness.