L’Ukraine nationalise en urgence la première banque du pays

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Le président ukrainien Petro Porochenko a appelé lundi la population à ne pas céder à la panique après la nationalisation de la première banque du pays, PrivatBank, décidée en urgence pour éviter un effondrement du système financier.

Après des mois de rumeurs concernant la santé de l’établissement contrôlé par le puissant oligarque Igor Kolomoïski, en conflit ouvert avec les autorités, et sous la pression croissante des bailleurs de fonds occidentaux de Kiev pour assainir le secteur bancaire, le gouvernement a annoncé en pleine nuit qu’il reprenait 100% du capital de PrivatBank pour “garantir le fonctionnement ininterrompu de cette institution et la sauvegarde de l’argent de ses clients”.

Quelques heures plus tard, Petro Porochenko s’est adressé aux Ukrainiens pour justifier une décision “sans précédent”. “La banque était menacée, mais aussi l’ensemble du système bancaire”, a-t-il expliqué dans un vidéo diffusée par la présidence.

“De l’état de cette banque dépend toute la situation économique et financière du pays”, a-t-il insisté, rappelant qu’elle comptait comme clients “environ la moitié de la population adulte et plus de la moitié des entreprises”.

“Gardez votre calme”, a-t-il demandé aux déposants, leur promettant que leurs économies seraient conservés dans leur intégralité.

Les difficultés des banques présentent toujours le risque d’entraîner une spirale si les clients perdent confiance et se mettent à retirer leurs fonds, aggravant une situation financière déjà précaire. Elles peuvent aussi entraîner une défiance généralisée au delà du seul établissement concerné, d’autant que les signaux d’alarmes se sont multipliés ces derniers mois concernant le secteur ukrainien.

Un effet domino aurait des conséquences dramatiques au moment où l’économie du pays reprend timidement des couleurs après plusieurs années d’effondrement aggravé par la guerre avec les séparatistes prorusses dans l’Est industriel.

L’un des membres de la direction de PrivatBank, Dmytro Doubilet, a ainsi qualifié ces difficultés de “prophétie auto-réalisatrice” résultant d'”attaques médiatiques”. “La décision de transférer la banque sous contrôle de l’Etat a été prise quand nous avons compris que nous ne pourrions pas survivre à cette attaque”, a-t-il expliqué sur sa page Facebook.

Bonne nouvelle pour le FMI ?

La situation de PrivatBank constitue un sujet explosif non seulement par sa taille mais aussi par l’identité de son principal actionnaire jusque là: le milliardaire Igor Kolomoïski, un temps gouverneur à poigne de la région de Dnipropetrovsk avant de devenir une cible du président Porochenko dans sa lutte contre la corruption.

Sans le nommer directement, M. Porochenko a justifié la nationalisation par l'”insuffisance” des mesures prises par “les propriétaires et les cadres-dirigeants”. Il a plus globalement critiqué la stratégie de la banque et souligné l’aggravation de la crise économique sur fond de guerre dans l’Est pour expliquer sa décision.

Lors d’une conférence de presse, la présidente de la banque centrale, Valéria Gontariéva, a dénoncé une “politique de crédits non équilibrée” car la quasi totalité des emprunts étaient accordés à des personnes liées aux actionnaires.

A ses côtés, le ministre des Finances Olexandre Danyliouk a estimé le renflouement nécessaire à plus de quatre milliards d’euros et assuré que le gouvernement remettrait PrivatBank en vente quand elle serait “complètement stabilisée”.

Le ministre a insisté sur le fait que le sauvetage de l’établissement permettrait à Kiev de “se rapprocher d’une coopération étroite avec le Fonds monétaire international pour recevoir une nouvelle tranche” d’aide financière.

L’assainissement du secteur bancaire fait partie des conditions posées par les alliés occidentaux de Kiev, menés par le FMI, pour maintenir leur perfusion financière, qui a déjà pris du retard ces dernières années à cause de la persistance de la corruption.

L’Ukraine espérait du FMI le feu vert au versement d’une tranche de 1,3 milliard de dollars en novembre, dans le cadre du plan de sauvetage financier de 17,5 milliards de dollars accordé en 2015. Mais à l’issue de sa dernière mission à Kiev, en novembre, le Fonds a estimé que le pays avait besoin de plus de temps pour remplir les conditions nécessaires.

Des tests de résistance menés récemment par la banque centrale ont montré que sur 39 établissements étudiés, 28 n’avaient pas les liquidités nécessaires pour survivre à une éventuelle nouvelle crise économique.

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