Easyvest, la fintech belge qui emploie des ‘robots’ pour gérer votre argent

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Fondé par deux jeunes Belges, Easyvest lance le premier site internet de gestion de portefeuille entièrement automatisée. Sorte de banque privée low cost, la start-up espère franchir la barre des 100 millions d’euros de fonds sous gestion d’ici deux ans.

Passer par un robot-conseiller pour faire fructifier ses économies à moindre coût et sans efforts, c’est désormais possible grâce à Easyvest. Installée dans une élégante maison de maître, la petite start-up bruxelloise propose depuis quelques semaines une solution entièrement automatisée pour gérer un portefeuille d’actions en ligne, très facile d’accès, transparente et bon marché. Une première en Belgique. Il suffit d’abord de se rendre sur la plateforme et de répondre à quelques questions pour déterminer son profil de risque. On vous propose ensuite un portefeuille personnalisé auquel sont associées des performances passées et futures. Il ne reste plus alors qu’à signer les documents nécessaires avant de verser l’argent sur un compte dédié. Le suivi du portefeuille se fait ensuite par des algorithmes qui le rééquilibrent en fonction des événements de marché.

La banque privée pour tous

Créé en 2015, mais lancé officiellement en janvier dernier, le site ne comptait après trois semaines en ligne qu’une vingtaine d’utilisateurs actifs pour un total de tout de même 2,5 millions d’euros sous gestion. Mais une centaine de personnes ont demandé de pouvoir ouvrir un compte.

Pour Matthieu Remy, cofondateur d’Easyvest, il était important de faire tester le concept par des proches pour s’assurer de sa validité. L’idée est en effet d’offrir au grand public la même qualité de conseil que les banques privées qui gèrent des grandes fortunes et de pouvoir effectuer cette gestion soi-même. “Nous voulons ouvrir cette boîte noire de la finance qu’est la gestion de portefeuille et mettre à disposition de tous les Belges ce service d’ordinaire réservé aux plus fortunés.” Avec comme credo la gestion-conseil. “Outre les alertes régulièrement envoyées par e-mail, nous appelons d’office les clients une fois par an, poursuit Matthieu Remy. Nous ne proposons pas de gestion discrétionnaire. Le client donne son accord sur nos conseils. C’est lui qui décide, pas nous.”

Le projet remonte à 2011. A l’époque, Matthieu Remy poursuit un MBA à Harvard. “Un jour, mon père m’a appelé, se souvient le jeune entrepreneur. Il n’était pas de très bonne humeur. Son banquier privé lui avait envoyé le rapport de performance de son portefeuille pour l’année et les résultats n’étaient pas bons. Non seulement il n’avait pas réussi à battre le marché, mais en plus il lui avait prélevé des frais de gestion importants pour cette maigre performance. J’étais persuadé qu’il y avait moyen de faire mieux et beaucoup moins cher, ajoute Matthieu Remy. J’ai donc consacré mon travail de fin d’étude à remodeler les formules de Markowitz et les appliquer à la gestion d’un portefeuille que j’aurais utilisé pour moi et ma famille. C’est ainsi que des professeurs de finance m’ont aidé à définir l’ADN d’Easyvest.”

Un concept venu des Etats-Unis

A l’époque, ce concept de gestion automatisée est en vogue aux Etats-Unis, auprès de la génération des millenials et des “HENRY” (pour high earnings, not rich yet). Plusieurs robo advisors (littéralement robots-conseillers) connaissent déjà un certain succès : Wealthfront, l’un des plus connus, gère aujourd’hui deux milliards de dollars, après trois ans d’existence seulement.

S’inspirant de ces exemples américains, Matthieu Remy se met en tête de transposer chez nous ce modèle de plateforme d’investissements faisant la part belle à l’intelligence artificielle pour réduire les frais et séduire une plus large clientèle. Dès son retour en Belgique, il s’associe avec Corentin Scavée, jeune financier passé par le cabinet de consultance Roland Berger, afin de faire germer Easyvest. Mais les deux compères se rendent vite compte des difficultés. Obtenir toutes les autorisations nécessaires auprès de notre gendarme bancaire (la FSMA) n’est pas simple. Cela prend beaucoup de temps et coûte cher. “Le type de services offerts par Easyvest étant extrêmement réglementé, nous avons rapidement cherché à conclure un partenariat avec une institution financière installée, confie Corentin Scavée. C’est ainsi que nous sommes arrivés chez Leleux Associated Brokers avec qui le courant est tout de suite passé. C’est un challenger qui joue depuis longtemps la carte de l’innovation. Leleux a été le premier agent de change à être directement relié à la Bourse de Bruxelles dans les années 1970. Leleux a aussi lancé le premier site de transactions en ligne en 1998. Grâce à ce partenariat, nous bénéficions de son agrément auprès de la FSMA du point de vue réglementaire et de son back-office sur le plan opérationnel (transaction, compte).”

Gestion passive

Après trois ans de gestation, Easyvest est à présent une réalité. Le fonctionnement du site est relativement simple. Il propose 10 types de profil de risque et est accessible pour de très petits portefeuilles (pas de minimum). Les frais s’élèvent à quelques euros par mois, selon les montants mis en gestion (allant de 1 % pour un portefeuille compris entre 5.000 et 25.000 euros à 0,5 % pour des avoirs supérieurs à 250.000 euros, cela alors que la moyenne des frais de gestion de patrimoine en Belgique tourne autour de 1,5 %). Le service est même gratuit pour un portefeuille inférieur à 5.000 euros. L’astuce ? D’un point de vue technique, les portefeuilles proposés sont construits en utilisant des trackers (aussi appelés ETF, pour exchange traded funds), instruments qui répliquent des indices boursiers et qui restent très abordables en termes de coûts. “Nous ne voulons pas battre le marché, explique Corentin Scavée. Raison pour laquelle nous utilisons des trackers et pas des fonds. Si le marché gagne 10 %, votre portefeuille gagnera 10 %. Si par contre il perd 15 %, votre portefeuille perdra 15 %. Nous visons deux types de clientèle : la génération de nos parents, des anciens entrepreneurs en fin de carrière ou en début de retraite, qui sont déçus de leur banquier privé, et les jeunes trentenaires actifs qui commencent à se constituer un petit patrimoine.”

Nouvelle étape

Reste à voir si Easyvest réussira à s’imposer. Il est bien sûr trop tôt pour le dire. Certes, la start-up bénéficie d’un solide appui avec Leleux qui envisage à terme d’entrer dans le capital. “C’est une initiative originale, raisonnable et professionnelle, soutient son patron Olivier Leleux. Le genre d’initiative qui manque dans le secteur financier belge.” Ceci dit, Easyvest s’aventure dans un univers complexe. Certains ETF sont plus risqués que d’autres. La concurrence promet aussi d’être acharnée. De Nutmeg au Royaume-Uni à Marie Quantier en France en passant par la plateforme suisse TrueWealth ou la formule proposée depuis peu par Keytrade, nombreux sont les acteurs qui fourbissent leurs armes sur le marché européen. Quant aux maisons de gestion établies (Delen, etc.), elles emboîtent aussi le pas du digital. Reste que le marché du private banking est vaste et celui des robots-conseillers promis à un bel avenir. Selon le consultant A.T. Kearney, les robots-conseillers devraient gérer 5,6 % des actifs en 2020, soit 10 fois plus qu’aujourd’hui. L’avenir dira donc si collecter 100 millions d’euros de fonds en deux ans est un objectif réaliste pour Easyvest. Une nouvelle étape dans la digitalisation des services bancaires est en tout cas enclenchée.

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