Actions chinoises : risquées mais bon marché

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La valorisation moyenne des actions chinoises équivaut désormais à celle qu’avaient les actions américaines dans les années 1930, ou les actions japonaises juste après la catastrophe de Fukushima, en 2011.

Sur fond de conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis, les investisseurs préfèrent jusqu’à présent très nettement les actions américaines. Dont les cours intègrent toutefois désormais beaucoup de bonnes nouvelles, contre beaucoup de mauvaises pour les actions chinoises.

Ces dernières s’échangent à des cours plus de 35 % inférieurs à ceux de leurs consœurs américaines. L’argument de la diversification géopolitique plaide en leur faveur lui aussi : les différends commerciaux avec les Etats-Unis, de même que la guerre en Ukraine, divisent toujours plus le monde en blocs économiques autonomes. Investir dans ces différents blocs revient dès lors à s’exposer à des dynamiques économiques et monétaires hétérogènes et donc, à diversifier ses choix.

Toujours dignes d’achat

Trois grands arguments plaident selon nous en faveur des actions chinoises.

Premièrement, le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour relancer la Bourse, en s’imposant notamment un objectif de croissance économique de 5 % par an. C’est ambitieux, au vu de la faiblesse de la croissance ailleurs dans le monde et des problèmes auxquels les marchés immobiliers chinois demeurent confrontés, par exemple.

Deuxièmement, pour soutenir la croissance, la Banque populaire de Chine a abaissé ses taux directeurs au mois de juillet. Il s’agit de sa neuvième initiative en ce sens depuis 2020. C’est en partie grâce à cela que, malgré les droits de douane élevés qu’imposent les Etats-Unis et l’Europe, le secteur automobile tourne à plein régime. Face à une classe moyenne en pleine expansion et à la demande venue d’autres marchés émergents, les mesures occidentales n’ont en réalité que peu d’effet. La Chine a même été le plus grand exportateur de voitures de tourisme l’an dernier. Non content de vouloir des marchés de capitaux efficaces, son gouvernement entend hisser le renminbi au rang de monnaie de réserve, au côté du dollar. Ses actions contre les grandes entreprises technologiques ont été qualifiées d’anticapitalistes, mais il n’y a pas que cela : le big business est considéré comme une menace non seulement pour le pays, mais aussi pour la dynamique du marché. De grands noms comme Toyota et Tesla recourent depuis peu à la technologie chinoise, en l’occurrence celle de Baidu – le monde a toujours besoin de produits peu chers en provenance de Chine pour maintenir l’inflation sous contrôle.

La faiblesse de la valorisation est notre troisième argument. Les grandes entreprises technologiques chinoises sont deux fois moins onéreuses que leurs pendantes américaines. Ensemble, des groupes comme Alibaba, Tencent et autres Baidu valent autant que la capitalisation boursière d’Amazon. Alors qu’ils sont plus rentables. Les Etats-Unis considèrent d’ailleurs le secteur technologique chinois comme l’unique concurrent du leur.

Différentes possibilités

Le choix d’investir en actions de Grande Chine ou en actions chinoises A ou H dépend de l’appétence au risque, des objectifs d’investissement et de la vision que l’on a du marché.

Les actions A se négocient sur les Bourses continentales (Shanghai et Shenzhen) et reflètent les sentiments du marché domestique. Beaucoup sont issues d’entreprises d’Etat. Potentiellement plus volatiles, elles offrent aussi des opportunités de croissance plus importantes. Les actions H sont cotées à Hong Kong. Elles sont plus accessibles aux investisseurs internationaux et assurent une plus grande stabilité, tout en étant exposées aux humeurs des places boursières internationales. On trouve en leur sein relativement plus d’actions de la “nouvelle économie”, dont celle des secteurs de la santé et de l’Internet. Enfin, en investissant dans des sociétés cotées à Hong Kong, à Taïwan et à Macao, les actions de Grande Chine offrent davantage de perspectives de diversification.

Certaines entreprises chinoises sont également disponibles, via des ADR (American Depositary Receipt), sur les marchés boursiers américains. D’intéressantes différences peuvent être constatées. Ainsi Jinko Solar, le plus grand fabricant de panneaux solaires, affiche-t-il en tant qu’action A un ratio cours/bénéfice (C/B) de 11, qui tombe à quatre fois seulement lorsque le titre est coté en tant qu’ADR aux Etats-Unis, soit un écart de 65 %. Se mettre en quête d’un gestionnaire qui tire activement profit des inefficiences (temporaires) des différents segments du marché boursier chinois peut se révéler intéressant.

Entrer au plus bas

Cela fait trois ans déjà que la Bourse chinoise est au plus bas. Les cours sont proches des niveaux planchers atteints en 2020 ainsi qu’au début de 2024, dans lesquels on a pu voir des fenêtres d’entrée. La valorisation moyenne équivaut désormais à celle qu’avaient les actions américaines dans les années 1930, ou les actions japonaises juste après la catastrophe de Fukushima, en 2011. Le Royaume-Uni, le Canada et la France pèsent davantage dans l’indice MSCI ACWI ex USA que la Chine ! Le phénomène est dû non seulement à la faible valorisation des actions chinoises, mais aussi à la décote de gouvernance appliquée par le fournisseur d’indices MSCI.

Il convient de souligner que de grands investisseurs occidentaux menant une politique durable ont progressivement vendu leurs positions, alors que dans les marchés émergents et au Moyen-Orient, des investisseurs fortunés continuent de miser sur la Chine. Il est évidemment impossible de savoir quand le recul prendra fin, mais le lecteur qui dispose d’un horizon long et qui ne souhaite pas investir passivement 65 % de son portefeuille d’actions aux Etats-Unis et 2 % “seulement” en Chine, peut en toute sérénité porter à 4-5 % environ son exposition à la Chine, tout en mettant résolument l’accent sur les valeurs technologiques, très bon marché, du pays.

Le Vietnam, pour remplacer avantageusement la Chine

L’investisseur que la gouvernance de la Chine, ou sa position vis-à-vis de la Russie, rebute, n’hésitera pas à opter pour le Vietnam, qui, d’un des pays les plus pauvres du globe, s’est rapidement mué en un acteur majeur de l’économie mondiale. Sa main-d’œuvre est plutôt bien éduquée, très travailleuse et, surtout, bon marché (le salaire minimum va de 137 à 196 dollars par mois, selon la région).
Les entreprises occidentales peu soucieuses de subir les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine ne sont que trop heureuses de s’installer au Vietnam (tout comme en Malaisie, en Thaïlande et en Indonésie). La Chine elle-même commerce beaucoup avec le Vietnam, où elle délocalise une partie de sa production. Le Vietnam a signé de nombreux accords de libre-échange ; il peut se prévaloir d’une industrie touristique émergente, d’une classe moyenne en pleine expansion et d’une politique de lutte contre la corruption extrêmement stricte.
Le marché boursier vietnamien se porte depuis des années comparativement mieux que d’autres marchés frontaliers ou émergents. Avec un ratio C/B de 14, ses actions sont certes légèrement plus onéreuses que les actions chinoises (ratio de 10 en moyenne), mais beaucoup moins que les titres américains, alors que le bénéfice par action croît plus rapidement. L’investisseur qui juge trop audacieux de consacrer 4 à 5 % de son portefeuille à la Chine pourra investir une partie de ce pourcentage au Vietnam (ou en Asie du Sud-Est).

La National Team chinoise

De même que les Etats-Unis ont une Plunge Protection Team, qui soutient les marchés boursiers en temps de crise, la Chine a sa National Team, composée d’organismes financiers qui évoluent dans le giron de l’Etat. Ces grandes banques, compagnies d’assurance et fonds d’investissement, qui interviennent surtout quand les marchés sont volatils ou en crise, ont la capacité d’influencer les cours en achetant ou en vendant de grandes quantités d’actions pour soutenir le marché ou empêcher un repli excessif. Ces interventions peuvent affecter l’humeur du marché et la confiance des investisseurs, et engendrer de la sorte des distorsions de cours.

La National Team a acquis énormément d’actions cette année, surtout par l’intermédiaire d’ETF, de manière à créer un plancher pour les cours. Ce qui suggère que le gouvernement est déterminé à prévenir toute nouvelle instabilité du marché, du moins à brève échéance (source : South China Morning Post).


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