SpaceX et la NASA : une histoire de survie et de codépendance

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Valorisée à près de 400 milliards de dollars, SpaceX est aujourd’hui l’une des entreprises spatiales privées les plus influentes au monde. Mais ce succès n’a pas été un long fleuve tranquille : la société a frôlé la faillite à plusieurs reprises et doit en grande partie sa survie à la NASA, devenue depuis son partenaire incontournable.

Un nouveau vol d’essai de la mégafusée Starship de SpaceX était prévu ce dimanche. Malheureusement, en raison d’une fuite d’oxygène liquide, le lancement a dû être annulé 15 minutes seulement avant l’heure prévue du décollage. Un nouveau revers pour l’entreprise d’Elon Musk, confrontée à une série d’essais marqués par des explosions.

Mais ce n’est pas la première fois que l’entreprise aérospatiale fait face à des difficultés. En réalité, sa création et ses premières années ont été parsemées d’obstacles, si bien que SpaceX a risqué de mettre la clé sous la porte à plusieurs reprises, avant que la NASA lui tende la main.

Un pari fou

En 2002, Elon Musk fonde Space Exploration Technologies Corporation grâce à la fortune tirée de la vente de PayPal, le service de paiement en ligne qu’il a aidé à concevoir. Son ambition : réduire drastiquement le coût d’accès à l’espace grâce à des fusées réutilisables, avec en ligne de mire un objectif encore plus audacieux : coloniser Mars.

Un projet jugé irréaliste à l’époque : Musk n’avait ni expérience aérospatiale, ni alliés institutionnels. De plus, en 2002, Musk n’avait pas encore la réputation de génie excentrique acquise plus tard. Il n’était même pas encore à la tête de Tesla.

Des débuts catastrophiques

Dès 2003, SpaceX tente de se faire connaître en exposant son premier lanceur, Falcon 1, à Washington pour attirer l’attention des agences fédérales. L’initiative séduit : la DARPA et l’US Air Force apportent un premier financement.

Mais l’argent ne suffit pas. Entre 2006 et 2008, les trois premiers vols de Falcon 1 se soldent par un échec. Le projet semble condamné. Il faudra attendre septembre 2008 et un quatrième essai réussi pour que l’entreprise reprenne espoir.

La NASA, providence salvatrice

Quelques mois plus tard, la NASA accorde à SpaceX un contrat décisif : 1,6 milliard de dollars pour assurer douze missions de fret vers la Station spatiale internationale (ISS). Ce contrat est une aubaine pour l’entreprise d’Elon Musk, car à l’époque, elle se trouvait au bord de la faillite, a assuré Chris Quilty, président et co-PDG de Quilty Space, une société de recherche axée sur l’espace, a CNBC.

En 2014, l’agence spatiale renouvelle sa confiance avec un nouveau programme de 2,6 milliards, cette fois pour développer et exploiter des véhicules habités. En parallèle, SpaceX met au point Falcon 9 et la capsule de transport Dragon, concrétisant son pari de réduire les coûts d’accès à l’espace.

Pourquoi SpaceX est devenue indispensable à la NASA

Cette collaboration ne profite pas qu’à SpaceX. Elle offre surtout une issue de secours à la NASA. Après l’accident de la navette Columbia en 2003 et des coûts faramineux, les États-Unis décident d’abandonner leur programme de navettes spatiales permettant le transport d’astronautes vers l’ISS. Faute de vaisseau habité, la NASA doit alors acheter des sièges à bord des fusées russes Soyouz, pour 70 à 90 millions de dollars pièce. Une dépendance humiliante et onéreuse, qui pousse l’agence à miser sur le secteur privé.

En 2014, Boeing et SpaceX sont choisis pour développer des “taxis de l’espace”. Malgré des retards de la part des deux entreprises, c’est SpaceX qui réussit la première : en 2019, son Crew Dragon devient le premier vaisseau privé à transporter des astronautes vers l’orbite.

Une relation désormais structurelle

Depuis, SpaceX a confirmé son statut de géant du spatial privé. Avec ses coûts imbattables et la régularité de ses lancements, l’entreprise a séduit investisseurs et institutions et multiplié les projets. Elle tend aujourd’hui vers une valorisation de près de 400 milliards de dollars.

Désormais active sur plusieurs secteurs, toujours en lien avec l’espace, SpaceX développe notamment un réseau Internet par satellites avec Starlink. Avec plus de 8.000 satellites en orbite, son réseau (actif) est le plus largement déployé. À côté de cela, la firme poursuit ses efforts pour atteindre l’objectif d’Elon Musk : coloniser Mars. C’est dans ce cadre qu’elle développe Starship. Enfin, SpaceX poursuit également des objectifs commerciaux, avec une offre de tourisme spatial.

Quant à sa collaboration avec la NASA, elle s’est renforcée : SpaceX a été retenue comme fournisseur du module d’alunissage du programme Artémis, qui doit ramener les Américains sur la Lune. Une version lunaire de Starship doit être développée à cette fin.

Boeing a également été missionnée pour prendre part au programme Artémis, avec la construction de la fusée Space Launch System qui doit propulser les missions de la NASA vers la Lune. Mais cette dernière cumule, là encore, les retards et problèmes de développement. Ce qui fait de SpaceX le partenaire le plus fiable de la NASA.

Depuis le début de leur collaboration, la relation entre SpaceX et la NASA a évolué en véritable codépendance : sans la NASA, SpaceX n’aurait sans doute pas survécu – mais sans SpaceX, la NASA n’aurait pas retrouvé sa capacité autonome à envoyer des astronautes dans l’espace, lui permettant de se concentrer sur ses projets plus ambitieux tels que reconquérir la Lune.

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