Work the waves: passion du surf et business plan

L’entrepreneur belge Emmanuel Guisset est le co-fondateur et CEO d’Outsite, un réseau de lieux exotiques de co-working et de co-living, né de son amour pour le surf.

Le cadre de cette interview via Zoom n’est pas précisément celui que l’on attendrait pour un entretien avec le fondateur et CEO d’une entreprise internationale. Emmanuel Guisset (39 ans) se promène en effet, smartphone à la main, sur une plage portugaise. Un décor qui convient bien à ce créateur d’entreprise qui a fait d’une forme de rébellion sa marque de fabrique. “Pourquoi travailler seul chez soi quand on peut tout aussi bien le faire dans un paysage de “sea, surf and sun”?”

Cette philosophie très simple est à la base du succès d’Outsite, un réseau de lieux de co-living et de co-working.

Emmanuel Guisset tourne son smartphone de l’autre côté, donnant ainsi à voir la mer bleu azur et le ciel sans nuages. “Je me trouve actuellement au Portugal, à Nazaré. Dans la mesure où nous ne disposons pas d’un bureau central, nous organisons tous les trois mois des séminaires avec l’entièreté de l’équipe. L’une de nos activités de team-building, ici, aujourd’hui, consiste à découvrir les gigantesques vagues.”

La carrière d’Emmanuel Guisset se lit comme l’histoire d’un nomade digital contemporain, malgré des débuts assez traditionnels. Il a étudié le management international à l’ICHEC, une école de commerce bruxelloise, où il a eu l’opportunité de travailler pour une entreprise belge à l’étranger grâce à un programme d’échange. Son choix s’est porté sur une start-up et spin-off de l’université de Mons, qui développait un logiciel permettant aux utilisateurs d’organiser un voyage personnalisé. Et parce qu’elle souhaitait se concentrer sur le marché brésilien, il a eu l’opportunité de vivre et de travailler au Brésil durant quelques mois. “J’étais jeune, je voulais voyager et je suis donc parti là-bas sans trop réfléchir. A mon retour en Belgique, j’ai été recruté comme premier employé de l’entreprise.” Il y a obtenu une fonction commerciale et de marketing. Mais après trois ans, l’envie de partir à l’étranger l’a repris. “Et j’ai eu l’opportunité de rejoindre la nouvelle succursale à San José. Je m’occupais de vendre le logiciel et de conclure des contrats avec des organisations touristiques internationales.” Ce fut agréable durant quelques années puis, à nouveau, Emmanuel Guisset se lassa et il déménagea à San Francisco. “C’était l’époque où tout le monde mettait sur pied des start-up dans la Silicon Valley. Et j’ai eu l’envie de faire de même. J’ai démissionné de mon travail et j’ai développé une application photo avec un ami – elles étaient alors très à la mode. Soudainement, je n’avais plus de salaire fixe, avec pour conséquence que je pouvais aller habiter un peu partout. Et je n’avais plus de patron non plus.”

J’ai rencontré au moins dix investisseurs en pratiquantle surf.

Il est donc parti vers d’autres pays, moins chers – le Mexique et le Costa Rica – pour y travailler. Et y faire du surf. “Cela a été une période très agréable. Seule la logistique représentait une charge. Il fallait à chaque fois trouver un logement convenable et un lieu de travail adapté. Cela n’a pas toujours été simple. J’ai souvent séjourné dans des auberges de jeunesse, ce que j’appréciais peu. Parce qu’on y faisait beaucoup la fête et que ce n’était guère propice à une atmosphère de travail. Je me disais qu’il devait être possible de faire exister un contexte plus professionnel. C’est ainsi qu’a mûri l’idée de mettre sur pied ce qui deviendrait Outsite: un réseau de maisons où il était possible de loger pour une période d’une semaine à trois mois, de disposer d’un espace de travail et d’entrer en contact avec des personnes partageant les mêmes idées.”

1. DétenteLa pression due au travail ne doit pas être constante. Certainement pas à Bali.
1. DétenteLa pression due au travail ne doit pas être constante. Certainement pas à Bali.

DEUX DÉFIS MAJEURS

La première implantation d’Outsite a trouvé place à Santa Cruz, en Bolivie. Le plus grand défi a été non pas de trouver un bâtiment qui convienne, car le marché en comptait suffisamment, mais de convaincre un propriétaire de le louer pour y mettre en oeuvre ce concept de co-working et de co-living alors encore inconnu. Et cela s’est avéré plus difficile que prévu. “D’abord, parce que j’étais un étranger – je n’avais même pas de carte verte. Et parce que personne ne savait très bien qu’en penser, n’en ayant jamais entendu parler. Il m’a souvent été répondu par la négative.” Mais Emmanuel Guisset finit par trouver un bâtiment et un propriétaire confiant en son business plan. “J’ai dû payer une garantie conséquente avant que le contrat ne puisse être signé… toute mon épargne y est passée. Je n’ose imaginer ce qu’il se serait passé si cela n’avait pas fonctionné, parce que tout cela était assez risqué.”

Le deuxième défi a consisté à faire connaître ce nouveau concept. “Je l’avais déjà un peu testé: j’avais publié une fausse annonce sur AirBnB qui expliquait le concept avec une photo de maison jointe. Plusieurs personnes ont voulu d’emblée réserver et j’ai indiqué que ce ne serait disponible que plus tard (rires).” Lorsqu’il a pu attirer quelques investisseurs, tout s’est accéléré. “Il apparaissait vraiment nécessaire de travailler avec des investisseurs. On peut aisément gérer un bâtiment seul, mais si l’on désire créer une marque et une plateforme, on est obligé de rassembler des fonds. Le plus génial étant que l’un de mes premiers clients est devenu également un investisseur.” Le résultat de cette coopération apparaît plutôt impressionnant: aujourd’hui, Outsite compte 40 travailleurs et 33 implantations dans 20 villes et 7 pays. Et la demande en nouveaux lieux est supérieure à l’offre. Emmanuel Guisset en tire une certaine fierté. “Nous allons en ouvrir de nouveaux, principalement en Espagne et au Portugal, maintenant que nous avons trouvé un investisseur européen. Et nous souhaitons aussi être présents à Miami.”

2. Co-workingLe café co-working d'Outsite à Lisbonne: pour qui aime le travail en réseau et les conversations informelles.
2. Co-workingLe café co-working d’Outsite à Lisbonne: pour qui aime le travail en réseau et les conversations informelles.

L’AMOUR DU SURF

Mais si forte puisse être la pression, son amour du surf demeure aussi puissant que les vagues de Nazaré. Sur son blog, il écrit même qu’il a renoncé à son travail à San José parce qu’il ne pouvait pas y faire du surf. “Je sais que cela sonne bien mais c’est un peu exagéré (rires).” Ce qui ne signifie pas que le surf soit devenu moins important maintenant qu’il est à la tête d’une entreprise internationale. “J’ai commencé le bodyboard à l’âge de 13 ans – cette petite planche sur laquelle on surfe couché. Etudiant, je suis parti en Erasmus au Portugal et c’est là que j’y ai vraiment pris goût.” Une passion qui ne l’a plus jamais quitté. Non pas qu’il la pratique chaque jour. “Cela dépend. J’essaie de surfer trois fois par semaine mais il peut arriver que je m’abstienne durant deux semaines.” Selon lui, le surf le détend plus que toute autre activité. “Sur l’eau, je suis totalement déconnecté, même si c’est seulement lié au fait que je n’ai pas mon téléphone sur moi (rires). Lorsqu’on surfe, on ne peut penser qu’à cela. Je n’ai besoin ni de méditation ni de yoga, le surf me suffit. Selon moi, c’est comparable au ski ou au snowboard, bien que je n’en sois pas très fan – je n’aime pas trop la montagne.” Mais il dit aimer être à la merci des éléments. “De plus, il ne faut pas sous-estimer l’aspect physique du surf. Lequel exige d’être en bonne condition physique. Le sentiment éprouvé en glissant sur les vagues est fantastique. C’est très intense car, en fin de compte, on ne reste debout, immobile sur la planche que 10% du temps. Le reste, on tente d’attraper la bonne vague. Ce qui est génial, c’est que l’on est totalement indépendant de la technique: il n’y a que moi, les vagues et ma planche.”

Les surfeurs sont parfois appelés “les rebelles du sport”. Ne l’est-il pas un peu, lui aussi? “C’était le cas autrefois mais, aujourd’hui, le surf est devenu davantage un sport ordinaire. Et très à la mode – il s’agit même de la discipline sportive qui connaît la croissance la plus rapide dans le monde, après le padel. Cela s’observe aussi en Belgique: on voit de nombreux surfeurs à Ostende, même en hiver. Ce n’était pas le cas il y a dix ans.”

Sans doute, le projet Outsite a-t-il eu pour point de départ une motivation un peu égoïste: Emmanuel Guisset voulait simplement pouvoir travailler dans des endroits où il pouvait également faire du surf. Mais n’est-ce pas génial que son égoïsme sportif ait ainsi mené à une histoire passionnante? “Au début, Outsite était effectivement destiné à des gens tels que moi, désireux de travailler dans d’agréables spots de surf. Dans ce sens, la pandémie a été positive pour nous: les gens ont pris conscience qu’ils ne devaient pas continuer à travailler en ville mais qu’ils pouvaient tout aussi bien être productifs dans des endroits agréables. D’ailleurs, j’ai rencontré au moins dix investisseurs par le biais du surf. Lequel m’a, de fait, apporté beaucoup.”

www.outsite.co

3. Co-livingLa partie co-living d'Outsite dans la capitale portugaise: pour qui préfère travailler dans un espace plus privé.
3. Co-livingLa partie co-living d’Outsite dans la capitale portugaise: pour qui préfère travailler dans un espace plus privé.

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