À la recherche de la japow : notre journaliste est allé skier au Japon

À Hokkaido, l’île la plus septentrionale du Japon, le paysage est pittoresque, la neige légendaire et les rituels japonais omniprésents. Fixez vos skis pour une expérience sensorielle hors pair.

Pourquoi aller skier au Japon alors que l’Europe possède les plus grands et meilleurs domaines skiables du monde ? C’est la question qu’on me pose avant mon départ. Honnêtement, je me la pose aussi. J’aime skier, certes, mais pas au point de traverser la moitié de la planète pour ça. Et pourtant. Parce que mon compagnon en rêve depuis si longtemps, nous mettons le cap sur Hokkaido après notre city-trip à Tokyo. Curiosité et grandes attentes au rendez-vous.

Depuis le hublot de l’avion, on découvre un paysage comme peint au pinceau fin sur du papier de riz : des aplats blancs répétitifs, cadencés de fines lignes noires, s’organisent en un ensemble harmonieux. Au loin se découpent les sommets enneigés de la chaîne d’Hidaka.

À l’aéroport de Sapporo, un va-et-vient de skieurs venus des quatre coins du monde. Pourtant, la popularité du ski au Japon est un phénomène relativement récent. L’histoire commence au début du XXe siècle avec un officier autrichien, Theodor von Lerch. En Europe, on enseignait le ski depuis des décennies aux soldats afin de les rendre opérationnels en terrain montagneux. Une nécessité stratégique que le Japon, avec sa topographie accidentée, commençait à mesurer.

En 1911, le gouvernement japonais invite Von Lerch à partager son expérience d’alpiniste et de spécialiste militaire de la montagne. À Jōetsu, dans la préfecture de Niigata, il équipe les premiers soldats japonais de skis en bois. Une longue perche de bambou sert d’unique aide pour freiner et diriger. Ce qui débute comme un entraînement militaire devient peu à peu une passion nationale. Dans les années 1920 et 1930, les premiers ski-clubs voient le jour et des compétitions locales s’organisent. Le ski restera pourtant longtemps une affaire intérieure. Les montagnes japonaises, aussi impressionnantes soient-elles, demeurent en grande partie inconnues du reste du monde. Jusqu’aux Jeux olympiques d’hiver de 1972 à Sapporo. Soudain, tous les regards se tournent vers le Japon. Le pays se profile en paradis hivernal moderne et efficace, avec des montagnes, de la neige et des infrastructures comparables à celles de l’Europe et de l’Amérique du Nord. La véritable percée viendra avec les Jeux olympiques d’hiver de 1998 à Nagano, une région de ski près de Tokyo. De nouveaux domaines sont développés, des pistes existantes relookées, et le tourisme décolle. Les amateurs de glisse du monde entier découvrent alors le secret enneigé du Japon.

Première halte : Club Med Sahoro

Sous un ciel d’hiver d’un bleu acier, nous roulons vers le Club Med Sahoro, au pied du mont Sahorodake. Ouvert en 1987, le resort se cache dans une forêt féerique de pins et de bouleaux. Avec 25 kilomètres de pistes, Sahoro est un domaine à taille humaine, charmant, qui vise surtout les débutants, les familles et les amateurs de calme.

Notre chambre, élégante et spacieuse, offre un lit immense et une vue sur les pentes immaculées. Après une douche revigorante, nous enfilons nos tenues et prenons la télécabine. Au sommet, on nous salue d’une révérence et d’un doux « konnichiwa ». Un peu plus loin, un torii rouge marque l’accès à un petit sanctuaire. Même ici, à plus de mille mètres d’altitude, la tradition japonaise est palpable.

Nous glissons sur des pistes quasi désertes dans un décor digne d’un tableau impressionniste : bouleaux blancs et sapins élancés se découpent sur le fond neigeux, tandis que des tiges de bambou desséchées percent le paysage comme des traits de pinceau. De grosses boules de neige reposent sur les branches nues comme une décoration artistique. On savoure chaque descente, le silence assourdissant et ce décor mystique. L’absence de refuges bondés et d’ambiance d’après-ski est plus une bouffée d’air qu’un manque. Nous terminons la journée entièrement zen.

En attendant la japow

Il fait hélas un peu trop doux pour la fameuse japow (« Japan powder », cette poudreuse ultralégère qui fait rêver les skieurs du monde entier. Elle naît lorsque l’air sibérien froid et sec rencontre l’humidité de la mer du Japon. Résultat : des flocons légers comme du duvet. Au bar, nous discutons avec un skieur australien qui vient à Sahoro depuis des décennies. « Skier en japow, c’est de la magie pure », dit-il en nous montrant des vidéos de descentes dans une neige vierge d’un blanc laiteux. Ses yeux brillent comme ceux d’un enfant. « Si les prévisions se confirment, demain pourrait bien être un grand jour. Fingers crossed ! »

En attendant, direction le Mina Mina, restaurant sobre et élégant. On se régale de snow crab ultra-frais à volonté et on observe mijoter morceaux de poisson, viande et légumes dans un nabe parfumé, pot-au-feu japonais traditionnelle. Un saké bien frais, délicatement sucré, clôt la soirée.

Deuxième étape : Kiroro Grand

Depuis Sapporo, nous roulons 130 kilomètres vers l’ouest en direction de Kiroro, un domaine moderne au pied du massif d’Asari. Le vent fouette les vitres et, comme prévu, il neige à gros flocons sans discontinuer. Tandis que nous rêvons de poudreuse, la route serpente en montagne.

Destination : le Club Med Kiroro Grand, un resort luxe tout compris, blotti au fond d’une vallée entourée de forêts de sapins et de montagnes ondoyantes. Kiroro reçoit en moyenne 21 mètres de neige par an, ce qui en fait, de décembre à avril, l’une des régions les plus assurées d’enneigement du Japon. Et cela se voit. Le premier jour, impossible de skier : trop de chutes, trop peu de visibilité. Qu’à cela ne tienne : massage bienfaisant, puis cocktail au chaleureux Yotei Bar. Le soir, cap sur le restaurant The Kaen pour un authentique yakiniku : sur un petit gril de table, on saisit du wagyu fondant, des fruits de mer ultra-frais et des légumes de saison. La sauce tare, indispensable, un bol de riz et une touche de kimchi complètent ce repas typiquement japonais.

Au matin, une épaisse couche de neige fraîche recouvre les pistes et petits et grands trépignent pour prendre la télécabine. Là encore, pas de files interminables ni de touristes braillards. Tout se déroule à la japonaise : efficace, calme, respectueux. Même notre matériel est pris en charge : les opérateurs le déposent avec soin dans le rack à skis. De la neige sur les sièges ? Un coup de brosse et c’est réglé. De quoi inspirer bien des domaines européens.

Là-haut, il fait glacial. Le vent mord les joues, une légère brume flotte entre les arbres. Le panorama est envoûtant : on croirait avoir atterri sur une autre planète, un monde blanc où chaque arbre semble délicatement vaporisé, branche après branche, aiguille après aiguille. Je remonte mon tour de cou sur le nez, plante mes bâtons dans la poudreuse et glisse sans effort. Mon compagnon file d’emblée en hors-piste entre les sapins, s’enfonce jusqu’à la taille et lance un grand « waouh ! » en traçant de larges courbes, une nuée de poudreuse derrière lui. J’essaie d’y aller plus calmement, mais je sens que le ski devient presque instinctif. La vitesse vient très vite. Je flotte, légère, presque en apesanteur. À chaque virage, c’est comme surfer sur un nuage de soie. Je repense à l’Australien de Sahoro et je comprends son enthousiasme. La japow n’a pas d’équivalent.

On enchaîne larges bleues, rouges exigeantes et hors-pistes ludiques. Débutant ou confirmé, Kiroro offre de quoi se dépasser. Et si l’on chute ? On tombe comme sur une couette bien épaisse.

À la nuit tombée, des projecteurs géants illuminent les pistes. Les mordus peuvent skier jusqu’à 21 h. Nous, on préfère l’onsen, le bain japonais traditionnel. Hommes et femmes séparés, je suis le rituel de purification : assise sur un petit tabouret de bois, douchette en main, je me savonne de la tête aux pieds. Puis je me glisse lentement dans le bain extérieur fumant, le rotenburo. La chaleur est intense, mais en quelques secondes la peau s’habitue, la respiration ralentit, le corps se détend. En silence, je contemple arbres enneigés et flancs de montagne. De gros flocons se posent sur mes joues rosies. Au bout d’un quart d’heure, de fines perles de sueur se forment sur mon front. Je me sèche et passe une yukata propre. Ma peau picote, mon esprit est clair. On sent l’effet « reset ». Les Japonais appellent cela « gokuraku » : une béatitude céleste. Et oui, c’est exactement ça.

En Pratique

S’y rendre

Un passeport international suffit pour un voyage au Japon. Idéalement combiné avec un city-trip à Tokyo : on rejoint Sapporo en vol intérieur (1 h 45) pour 55 € ou en train (8 h) pour 185 €. De là, comptez 2 h jusqu’aux domaines skiables, en navette, taxi ou voiture de location. Si vous conduisez vous-même, faites traduire votre permis en japonais avant le départ.

Vols Bruxelles–Tokyo aller-retour à partir de 600 € via Shanghai, À partir de 1 000 € en direct.

Meilleure période

La saison idéale à Hokkaido s’étend de fin décembre à fin février, quand la neige est la plus épaisse et la japow à son apogée. Janvier est réputé pour ses chutes de poudreuse, février offre souvent plus de soleil et des pistes plus calmes. La saison se termine fin avril.

Séjour all-inclusive

. Le Club Med Sahoro Hokkaido est un resort familial tout compris, au cœur d’une vaste forêt de pins, loin de l’agitation. Après le ski, détendez-vous dans la grande piscine intérieure ou le bain canadien extérieur, suivez un cours de yoga ou offrez-vous un soin au spa.

À partir de 620 € par jour all-in pour 2 personnes.

. Le Club Med Kiroro Grand est plus luxueux, avec quatre restaurants, un vaste wellness, un Kids Club et — point d’orgue — un onsen japonais traditionnel. Confort et nature s’y rejoignent parfaitement.

À partir de 757 € par jour all-in pour 2 personnes.

. Le Club Med Kiroro Peak est un élégant adults-only à trois minutes de Kiroro Grand. Architecture épurée, dégustation de saké et spa avec vue sur les sommets immaculés complètent le tableau.

À partir de 595 € par jour all-in pour 2 personnes.

Toutes les infos sur clubmed.be

À faire

Visiter Otaru

Charmante ville portuaire à une heure de route de Sapporo. Flânez-y le long du canal éclairé par des lampes à gaz, admirez aussi les anciens entrepôts, goûtez des sushis de classe mondiale et profitez en février du magique Otaru Snow Light Path Festival.

visit-otaru-en.info

Déguster du whisky japonais

À moins d’une heure d’Otaru se trouve la distillerie historique Nikka, fondée en 1934 par Masataka Taketsuru, pionnier du whisky japonais. Formé en Écosse, il ramena ce savoir au Japon, avec pour résultat l’une des maisons de whisky les plus célèbres du pays. Lors de la visite, vous parcourez le site et, bien sûr, vous dégustez du whisky. L’entrée est gratuite et des audioguides en anglais sont disponibles. La réservation en ligne à l’avance est conseillée, surtout en haute saison.

nikka.com

Découvrir la culture aïnou

Les Aïnous sont les habitants originels d’Hokkaido, avec une riche tradition — en partie redécouverte — d’artisanat, de danse et de récits spirituels. Visitez l’Upopoy National Ainu Museum and Park à Shiraoi, au sud de Sapporo, pour découvrir leur héritage unique, leur musique et leur lien à la nature.

visit-hokkaido.jp/en

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