Une destination culturelle belge dans le Luberon
Des maisons de vacances, un festival littéraire, une maison viticole et une promenade artistique. Le tout dans le somptueux décor du Luberon. Sophie Le Clercq, directrice de JCX Immo et héritière de l’empire du béton CIT-Blaton, ne fait pas de grands discours sur ses rêves, elle les réalise.
«En 2000, mon mari et moi cherchions une maison de vacances pour nous et nos enfants. Il avait trois enfants d’une précédente union, j’en avais deux et nous en avons aussi trois ensemble. Nous avions passé toute la journée à visiter des maisons aux alentours de Bonnieux et j’avais envie de retourner à l’hôtel. Mais l’agent immobilier nous a fait visiter ce lieu et nous avons instantanément été séduits.» Nous nous entretenons avec Sophie Le Clercq, directrice de JCX Immo et héritière de l’empire bruxellois du béton CIT-Blaton.
Le domaine qu’elle a acheté avec son mari, au cœur de la réserve naturelle du Lubéron, était plus rocailleux que le reste de la région et c’est, depuis des siècles, le biotope privilégié des chèvres et des moutons. Avec la végétation que l’on imagine. Le territoire vallonné de 320 hectares — soit deux fois la superficie du Zwin — est situé au point culminant du Lubéron, à six cents mètres d’altitude. Il est interdit de construire du neuf dans la réserve naturelle, mais on peut rénover les bâtisses existantes. En tant qu’experte en bâtiment, la rénovation de l’ancienne ferme était tout à fait dans les cordes de Sophie Le Clercq. La maison est décorée de magnifiques objets vintage et d’antiquités. Par exemple, les vases en céramique qui trônent sur un buffet ont été acquis par Sophie Le Clercq lors de la vente aux enchères de la collection d’art d’Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé. Un mobilier de jardin vintage rouge vif orne le patio devant la maison. Il a certainement une histoire, lui aussi.
Toute la journée, je passe d’un endroit à l’autre avec deux petits carnets remplis de problèmes et de solutions
Grands-parents et petits-enfants
«Quand je séjourne dans ma maison de vacances, je ne suis pas du genre à rester oisive toute la journée. Dès le départ, je voulais un domaine où faire des choses, même après la retraite. Dans un premier temps, il s’agissait d’une ferme avec un potager. Nous vendions les légumes et les fruits que nous récoltions ici en tant qu’agriculteurs biologiques, mais nous avons constaté que les gens du coin n’étaient pas très intéressés. Ils préfèrent acheter chez Carrefour, incroyable, mais vrai. J’ai dû apprendre à mes dépens que c’est tout à fait citadin d’avoir envie d’acheter des produits biologiques frais sur les marchés de producteurs.»
Entre-temps, Sophie Le Clercq a acquis d’autres terrains à proximité, le hameau Les Treimars et le hameau Cournille, tous avec de splendides panoramas sur la réserve naturelle du Lubéron. En haute saison, on peut donc lui louer un hameau provençal pour passer des vacances en toute tranquillité, par exemple avec un groupe de 25 personnes. «Notre public cible, ce sont les grands-parents qui ont envie de passer un moment avec leur famille et leurs petits-enfants.» Pour les mariages, elle montre moins d’enthousiasme, par souci de tranquillité.
Toutes les maisons de vacances sont aménagées avec le plus grand soin. Les textiles ont été créés par Amélie de Borchgrave, sœur de l’artiste et comtesse Isabelle de Borchgrave, et les murs sont ornés d’œuvres de Yves Zurstrassen. Sophie Le Clercq aime s’entourer de produits provenant de producteurs locaux. Ainsi, tous les produits pour le bain sont formulés à base d’huiles et de savons provençaux artisanaux.
Château d’Autet
Mais elle ne s’est pas contentée de l’aménagement de maisons de vacances. Peu à peu, un projet de viticulture a vu le jour, ce qui n’est pas évident à première vue, car le domaine est situé un peu plus en altitude que le reste de la Provence. Sophie Le Clercq a persévéré et, depuis 2021, un magnifique bâtiment, Le Chai, de l’architecte français Marc Barani, se dresse à cet endroit. La terrasse qui surplombe l’ensemble du domaine est d’une beauté inouïe. Le Chai produit 110 000 bouteilles de vin par an. Le préféré de Sophie est le vin rouge Dernières terres. Détail croustillant: l’un des vins blancs a été baptisé Château d’Autet. C’est à ce château que Sophie Le Clercq a acheté des terres pour y installer son domaine viticole. Pour les insiders: c’est au Château d’Autet que Kate Middleton a un jour été photographiée topless pendant ses vacances.
Ilja Leonhard Pfeiffer
Après une conversation avec son amie et journaliste Béatrice Delvaux, elle-même amie du couple d’écrivains Sigrid Bousset et Stefan Hertmans, un nouveau projet fou s’est dessiné. En collaboration avec la librairie Le Bleuet, située dans le village voisin de Banon, Les Davids accueillent le festival littéraire Les Estivales du Haut Calavon. «J’étais assez anxieuse à l’idée, car un festival implique du son et des lumières, des flyers et autres, et je n’ai absolument aucune expérience dans ce domaine. De plus, Bart Van Aken, le fondateur de la librairie gantoise Paard van Troje, faisait le voyage jusqu’à Gênes spécialement pour l’occasion pour passer y prendre l’écrivain néerlandais Ilja Leonard Pfeijffer, je voulais donc que tout soit bien organisé.»
L’art paysager
«J’aime profondément la culture et je pense avoir une forme d’énergie artistique. Je n’invente rien moi-même, mais j’ai des talents d’organisatrice et de facilitatrice. Ce que l’esprit humain est capable de concevoir et de créer peut vraiment m’émouvoir. J’ai fait énormément de choses dans ma vie, mais c’est des Davids que je suis la plus fière. Je réalise des choses positives ici, pour la nature et pour ma descendance. La culture se partage, elle nous rend quelque chose qu’il est impossible d’exprimer en argent et c’est ainsi que nous avons eu l’idée d’une promenade artistique avec l’architecte paysagiste Bas Smets.»
Sophie a rencontré Bas Smets par l’intermédiaire d’Anne Pontégnie, l’une des fondatrices du WIELS à Bruxelles, construit par l’entreprise de Sophie Le Clercq. Anne Pontégnie, une référence mondiale en matière d’art contemporain, est la curatrice de la nouvelle promenade artistique pour Les Davids. Bas Smets est, lui aussi, connu dans le monde entier pour le parc qu’il a conçu à la demande du centre culturel Luma à Arles et pour sa participation à l’aménagement paysager autour de Notre-Dame à Paris.
Besoin d’action
Je demande à Sophie Le Clercq si cette source inépuisable de projets va un jour se tarir. «C’est la question que me pose souvent Yves, mon mari», dit-elle en riant. «Mais cela s’arrête avec cette promenade de Bas Smets» (voir encadré). Comment fait-elle pour toujours tout gérer? «J’ai l’esprit d’entreprise dans le sang, mes parents étaient tous deux entrepreneurs, mais c’est la résolution de problèmes qui m’apporte la plus grande satisfaction ; toute la journée, je passe d’un endroit à l’autre avec deux petits carnets remplis de problèmes et de solutions. C’est une chose que j’ai apprise, cela n’a pas toujours été comme ça, mais rien de ce qui est matériel ne peut me perturber. Je trouve toujours une solution, et croyez-moi, il y a toujours quelque chose de cassé parmi toutes les maisons de vacances. » Sophie Le Clercq ne donne pas l’impression d’avoir l’intention de se reposer sur ses lauriers de si vite, car elle nous parle d’un autre de ses rêves. «J’aimerais, quand je prendrai enfin ma retraite, écrire un livre illustré, car j’adore dessiner, plein de conseils sur les activités à faire dans cette région.» En d’autres mots: à suivre!
www.lesdavids.fr cet été encore, des écrivains et des musiciens seront en visite au domaine, du 25/07 au 8/08.
L’architecte paysagiste Bas Smets: «Je veux révéler l’existant»
Trends Style a eu l’honneur et le plaisir d’emprunter avec Bas Smets le parcours de deux kilomètres non encore construit du domaine Les Davids, pour en découvrir la variété du paysage. Après une petite ascension ça et là et un battage en retraite à cause de trois ânes en liberté, nous contemplons, en guise d’apothéose, une prairie fleurie d’une splendide beauté à côté du hameau Les Treimars.
La promenade ouvrira cet été. Bas Smets souhaite sensibiliser les visiteurs à la végétation unique du Lubéron par une série de landmarks. «Au départ, Sophie me demandait d’aménager un lieu pour installer des sculptures, mais j’ai changé le projet et en ai fait une promenade avec pour thème Révéler l’existant, mettre en valeur ce qui est là. C’est d’ailleurs toujours ce que je fais. Je veux révéler la puissance des arbres remarquables et attirer l’attention sur les parties originales du paysage, comme un tumulus sur le site, pour faire découvrir aux visiteurs la richesse du Lubéron. Il y aura également une tour d’observation et une œuvre de l’artiste gallois David Nash.»
Lorsque nous demandons à Bas Smets ce qui l’inspire en tant qu’architecte paysagiste, il nous regarde d’un air un peu perplexe. «Les paysages. Les Dolomites, par exemple, ou Les Alpilles pas loin d’ici, ou Yosemite aux États-Unis, mais aussi Central Park à New York. J’adore observer les conséquences des interventions humaines, qu’il y a eu partout, finalement. Je ne veux pas ajouter grand-chose, car comme le dit Buckminster Fuller: «La Terre a un problème d’espace, nous sommes tous des passagers du vaisseau spatial Terre.»
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