Trois entrepreneurs couronnés de succès se penchent sur l’importance de la détente malgré un agenda chargé
Qu’ont en commun Inge Onsea (créatrice de la marque Essentiel), Frank Fol (connu comme ‘le chef des légumes’) et Michiel Mertens (cofondateur du studio de design Going East) ? Tous trois ont développé des projets couronnés de succès. Ils ont par conséquent un emploi du temps plus que chargé. Mais comment parviennent-ils à se détendre en dehors de leur agenda professionnel exigeant ?
À une époque où notre lieu de travail est assombri par les burnouts à foison, il est essentiel d’aussi donner une place à la détente au sein de la vie en entreprise. Un équilibre avec lequel pas mal d’hommes et de femmes d’affaires semblent se débattre. Certainement maintenant qu’il n’y a quasi plus moyen d’échapper aux stimuli numériques et que les signaux sonores de nos médias sociaux ou de notre boîte mail nous ramènent à chaque fois en dehors de la réalité quotidienne.
Cela faisait dès lors déjà pas mal de temps que cette série d’interviews, au cours desquelles nous nous attardons sur la manière de trouver des îlots de paix au coeur d’une vie trépidante, se trouvait au planning. Mais à plusieurs reprises, les interviews ont été postposées afin de s’ajuster aux zones libres des agendas.
Inge Onsea, la lady à la direction de la marque de vêtements Essentiel, m’a envoyé un mail de la station thermale où elle se trouvait en Allemagne, où l’utilisation des smartphones est à vrai dire strictement interdite, avec le message ‘qu’elle commettait en fait un péché en écrivant ce mail, mais qu’elle désirait assurément être coopérative’. Frank Fol avait planifié l’interview au cours d’un voyage en voiture vers Maastricht et Michiel avait uniquement du temps après les heures de travail, entre plusieurs réunions importantes. Une vie bien remplie n’est, en bref, pas un concept incongru pour ces personnes.
Mais comment se détendre lorsque le monde dicte que l’on devrait effectivement être occupé ? Par la construction d’une carrière, l’entretien d’une famille ou une vie sociale qui prend la place centrale. Nous l’avons demandé à trois entrepreneurs qui, au quotidien, cherchent le juste équilibre par rapport à leur temps libre.
Inge Onsea est la créatrice de la marque de vêtements Essentiel et une ancienne workaholic
“Désolée, je suis pour l’instant dans une cure thermale en Allemagne pendant une semaine et dans ces circonstances, je suis littéralement coupée du monde et du wifi. Je suis donc très indisciplinée, pour l’instant.” Par ce mail – ironique, avouons-le – Inge Onsea a confirmé sa collaboration à cet article. “Faites-moi toutefois savoir quand, car mon téléphone n’est pas toujours allumé”, avait-elle conclu.
Je dois faire les choses de manière radicale, complètement éteindre l’interrupteur
Inge se rend une fois par an dans un établissement thermal pour se détendre complètement. Sans son compagnon et sans enfants. “Je m’y retrouve entièrement seule et on me parle par conséquent le moins possible. Pour moi, c’est la seule manière de me détendre réellement. Je dois faire les choses de manière radicale, complètement éteindre l’interrupteur. C’est forcé, oui, mais s’il y a de la distraction, je ne parviens tout simplement pas à me relaxer. Je suis une vraie workaholic (droguée du travail) et une controlefreak (maniaque du contrôle), ne rien faire est donc de toute façon un défi pour moi. Pour me détendre, je dois me contraindre à sortir complètement de ma zone de confort.”
L’emploi du temps chargé qu’Inge s’impose avec Essentiel ne peut dès lors pas être sous-estimé. Dans une interview antérieure pour Knack Weekend, elle avait expliqué la pression particulièrement grande pour elle de se montrer à la hauteur dans ses différents rôles, tant celui de femme d’affaires que celui de mère ou encore celui d’épouse. “Lorsque je rentre à la maison après ma journée de travail, j’aimerais aussi parfois ne rien faire un moment, simplement, mais je culpabilise ensuite à nouveau.”
Nos parents avaient encore leur week-end, alors que moi, cela fait des mois que je ne me suis plus mise dans un fauteuil à ne rien faire de la journée.
Pourtant, ce sont ses enfants qui l’ont aidée à se regarder dans le miroir. “Ce n’est qu’alors que j’ai pris conscience de mon problème lié à la détente. Je les vois souvent derrière leur smartphone ou leur tablette, alors que je fais en fait exactement la même chose. C’est la première chose dont je me préoccupe le matin et la dernière que je fais avant d’aller dormir.”
“Du fait des médias sociaux et internet, une telle boulimie d’information a vu le jour, à laquelle on ne peut pas vraiment échapper. Nos parents avaient encore leur week-end, alors que moi, cela fait des mois que je ne me suis plus installée dans un fauteuil à ne rien faire de la journée.” Mais une grande prise de conscience de l’importance de la détente est aussi à l’oeuvre, observe Inge. “Notre corps est continuellement mobilisé. Parfois, on doit simplement mettre sur pause pendant un moment, afin de continuer à supporter cette pression constante. C’est tout simplement indispensable.”
Michiel Mertens a créé, en partenariat avec Anaïs Torfs, le remarquable bureau d’architecture d’intérieur Going East. Ensemble, ils ont pourvu d’un nouvel habillage des projets comme Fosbury & Sons ou les Idealabs de Telenet.
“Cela peut parfois s’avérer très chargé. Cela provient du fait que nous désirons mettre dans nos projets davantage d’énergie et de temps que strictement nécessaire, dans l’espoir de délivrer ainsi quelque chose d’unique. Nous y mettons vraiment notre âme et nous nous donnons entièrement. C’est la raison pour laquelle il est aussi tellement important que nous nous arrêtions de temps en temps. Sinon, ce n’est pas possible de continuer.”
De temps en temps, nous constatons que nous avons deux heures devant nous. Nous buvons alors un café en terrasse. Nous appelons cela des ‘petits moments volés’.
Aux rares moments où la détente est bel et bien une possibilité, Michiel et Anaïs essaient de sortir de la ville ou d’aller se promener. “C’est le plus relaxant. Si nous visitons une ville, nous continuons à visiter des choses ou à regarder des intérieurs. Dans la nature, nous parvenons réellement à nous détendre.”
Comme Michiel et Anaïs sont également un couple en dehors du travail, ils parlent aussi pas mal de leurs projets professionnels en dehors des heures de travail. “Cela rend la déconnexion complète très difficile”, considère Michiel. “De temps en temps, nous constatons que nous avons deux heures devant nous. Nous buvons alors un café en terrasse. Nous appelons cela des ‘petits moments volés’. Si nous désirons nous détendre plus longtemps, cela doit vraiment être planifié dans notre agenda. Cela ne se fait pas spontanément.”
Si nous visitons une ville, nous continuons à visiter des choses ou à regarder des intérieurs.
Le duo travaille aussi le samedi. Il délimite le dimanche comme journée réservée au repos. Pas simple, dit Michiel. “On attend constamment de nous que le projet suivant soit au moins aussi bon ou encore mieux que le précédent. Après des grands projets, nous essayons toutefois toujours de nous accorder du repos ou de repousser quelque peu le travail de telle sorte qu’il y ait à nouveau un peu d’espace pour respirer. La plupart du temps, cela ne fonctionne pas vraiment, en réalité, mais nous essayons malgré tout.” (il rit).
“Surtout après Fosbury and Sons (le plus important projet jusqu’à présent, dans le cadre duquel Going East a habillé un espace de coworking de 3.000 mètres carrés d’un nouvel intérieur), nous nous sommes accordés un moment pour nous détendre.” Ce qui est très caractéristique des intérieurs que Going East élabore, c’est la touche imprimée par les voyages du duo. “Mais nous ne partons jamais en voyage avec l’intention de trouver de l’inspiration, cela se fait sans plus.”
Frank Fol, ou ‘le chef des légumes’, a déjà enchaîné et combiné pas mal de projets, au cours de sa carrière. Il avait créé sa propre carte avec son restaurant Sire Pynnock, mais il est aujourd’hui surtout actif dans des initiatives comme We’re Smart World, une plateforme grâce à laquelle il stimule des entreprises et des actions pour souligner l’importance de la santé et l’écologie.
“J’ai longtemps connu le rythme de vie d’un restaurant, où nous étions en fait occupé non-stop. Si vous comparez cela avec ce que je fais maintenant, c’est tout de même un changement radical. C’est encore très chargé, je le reconnais, mais je peux au moins planifier mon agenda moi-même. En ce sens, la situation actuelle est beaucoup plus vivable pour moi.”
Fol délimite également volontairement des moments libres. “Il le faut bien, parce que le travail est tellement intense. Il demande beaucoup de moi. Je ne fais pas qu’une seule chose hé, mais je m’occupe chaque jour de projets différents. Ils sont certes toujours liés à l’alimentation, et surtout aux fruits et légumes.”
J’ai remarqué que ma préférence va à la créativité. Pour imaginer les meilleures idées, il est important que je prenne suffisamment de repos.
J’essaie toujours d’examiner les projets très soigneusement et j’évalue si ce qui se présente s’inscrit bien dans mon histoire. Cela signifie aussi que je dois souvent dire non. J’ai remarqué ces dernières années que ce que je préfère le plus, c’est être créatif. Afin de trouver les meilleures idées, il est important que je prenne suffisamment de repos. Cela me réussit aussi d’imaginer un concept s’il y a une deadline, vous savez, mais je remarque tout de même que les idées viennent plus naturellement lorsque je suis en vacances, par exemple.”
Ces vacances peuvent aussi se dérouler à la maison, considère-t-il. “J’essaie surtout de m’accorder une période au cours de laquelle je n’allume pas mon ordinateur et où je laisse mon smartphone sur le côté. Ces stimuli numériques sont parfois vraiment une torture. Ils rendent la vraie détente beaucoup plus difficile. Il est maintenant beaucoup plus difficile de se permettre ce luxe. L’accessibilité constante est devenue une évidence.”
Lorsque j’étais malade, j’ai rédigé une liste des choses que je désire absolument faire. Mes moments libres y sont dès lors surtout dédiés.
Il y a quelques années, Frank a été sérieusement malade. Le diagnostic: cancer à cause de l’administration d’une mauvaise médication. “Je suis heureusement désormais guéri, mais vous êtes soudainement confronté à la perspective de la mort. J’ai toujours été quelqu’un qui ne s’est jamais arrêté à cet aspect-là. À un tel moment, vous relativisez énormément les choses comme le travail, mais vous vous faites aussi des soucis. L’ensemble de ma société est construit autour de moi en tant que personne. Si je ne travaille pas, il n’y a donc pas de revenus. J’ai alors fait une bucketlist des choses que je voulais absolument faire. Les périodes de temps libre que je m’accorde maintenant sont surtout consacrés à l’élimination des choses de cette liste.”
Qu’a-t-il écrit dans le haut de cette liste ?
“J’aimerais énormément aller avec ma famille en Australie. C’est planifié pour 2019. Espérons que cela se réalisera.”
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