Masami Charlotte Lavault, visage du nouveau parfum de Kenzo: « Nous ne pourrons pas continuer à négocier avec la planète. Un jour, elle dira stop »
Si une marque beauté moderne veut une vraie égérie, « just a pretty face » ne suffit pas. Prenez Masami Charlotte Lavault : visage du nouveau parfum Flower by Kenzo et fondatrice de la toute première ferme florale de Paris.
Par un lundi après-midi ensoleillé du mois de juin, une promenade quelque peu erratique nous mène à une porte verte tout au fond du cimetière de Belleville. « Au début, je n’aimais pas tellement traverser le cimetière tous les jours pour me rendre à la ferme florale mais, maintenant, j’apprécie ce trajet », nous confie Masami Charlotte.
« Dans un monde occidental où l’on cache la mort, le cimetière me rappelle que la mort fait partie de la vie. Lorsque je mourrai, certaines plantes pousseront, d’autres mourront et seront remplacées par de nouvelles. Les structures en bois se décomposent, les pièces métalliques perdurent un peu plus longtemps mais finissent par disparaître. Nous avons tous un impact. Moi aussi, j’ai un téléphone, mais j’aime que mon travail ait une empreinte minime. »
« Auparavant, j’étais designer industrielle à Londres, mais les longues heures de bureau, la lumière bleue, la forte pression et, surtout, l’utilisation inconsidérée des matières premières pour produire des accessoires me dérangeaient. Un jour, j’ai été chargée de concevoir très rapidement un sac de voyage en cuir. Lorsque j’ai appris que la fabrication d’un seul de ces sacs nécessitait une peau de vache entière, j’ai été choquée. J’ai réalisé que ma nouvelle création contribuait à un terrifiant système de surconsommation. Ce que je faisais était tout sauf life changing et je voulais arrêter. Mais pour faire quoi ? J’ai réfléchi à ce qui pourrait être le contre-pied positif de ce que je faisais et je me suis tournée vers l’horticulture. Il s’agit également d’une forme de création, puisque vous donnez vie aux plantes, mais l’objectif est de préserver les ressources (ne pas utiliser trop d’eau, par exemple) et de rendre à la terre ce qu’elle nous donne. »
« Nous ne pourrons pas continuer à négocier indéfiniment avec la planète. Un jour, elle dira stop »
Masami Charlotte Lavault
« En l’espace de trois semaines, j’étais en route pour une ferme biodynamique au Maroc. Je n’y connaissais absolument rien. En outre, fille d’une libraire japonaise et d’un policier, je n’avais aucune affinité avec l’horticulture. J’ai grandi à Paris, très loin de ce monde-là. Je suis ensuite partie au Japon, pays natal de ma maman, où je me suis plongée dans la fermentation des micro-organismes. J’ai alors soumis une proposition à la mairie de Paris : créer la première ferme florale de la ville, ‘Plein Air Paris’, sur un terrain en location. Ça a vraiment été comme une renaissance. Ce métier complexe qui exige d’utiliser son cerveau pour rester en phase avec la nature est extraordinaire. Il faut imaginer des systèmes d’irrigation assez complexes, gérer la ferme ET avoir de solides compétences entrepreneuriales. »
Le métier idéale
« C’est vraiment l’un des métiers les plus complets que j’aie jamais exercés. Il est aussi très enrichissant parce qu’il me fait prendre conscience du monde », poursuit Masami Charlotte. « Je suis tout le temps dehors et exposée aux conditions météorologiques qui, finalement, nous affectent tous. On ne peut pas négocier avec les éléments ; soit il pleut, soit il ne pleut pas. Je pense qu’il est important de vivre avec cette prise de conscience : nous ne pourrons pas continuer à négocier indéfiniment avec la planète. À un moment donné, elle dira stop et se révoltera. Même si c’est souvent difficile, je suis très heureuse. »
« Je cultive 350 variétés de fleurs et 100 000 pousses envers lesquelles j’ai une véritable obligation morale »
Masami Charlotte Lavault
« Je travaille presque tous les jours depuis dix ans. Même le week-end. Les vacances sont loin d’être une préoccupation. Je cultive ici environ 350 variétés de fleurs et peut-être 100 000 pousses envers lesquelles j’ai une véritable obligation morale. Je dois leur donner ce dont elles ont besoin pour vivre. Mais je suis dehors, à l’air libre, toute l’année. Au final, les personnes de mon entourage qui travaillent en ville ne respirent pas. Je suis consciente d’avoir un grand privilège. C’est pourquoi j’essaie autant que possible d’ouvrir ce lieu au public, car la verdure et la nature ne sont pas facilement accessibles à Paris, et j’ai l’impression que les gens en souffrent beaucoup. Lors de mes journées portes ouvertes, il m’arrive de voir des visiteurs pleurer. Ma ferme florale ne laisse pas indifférent. »
Rencontre fortuite
« Femme fleuriste alors unique en son genre, je ne pouvais pas imiter un modèle existant. J’ai donc expérimenté. Au début, je faisais la récolte moi-même et je livrais aux fleuristes », raconte Masami Charlotte. « La logistique des livraisons était abominable. J’ai ensuite décidé de vendre directement aux particuliers et de faire des bouquets en live. Cela a rapidement attiré des centaines de personnes, je devais donc tout récolter à l’avance. Ensuite, pendant la période de Covid, je suis passée à la vente en ligne. En m’associant il y a quelques années à Désirée, un magasin de fleurs éco-responsable de Paris, nous avons remporté un appel à projet de la ville de Paris et nous sommes vu attribuer un nouveau terrain de cinq hectares, à 60 kilomètres de Paris. Aujourd’hui, je cultive, récolte et livre à Désirée depuis Plein Air Paris (50 ares), et bientôt depuis ‘Les Fleurs de Sonchamp’, notre nouvelle ferme de cinq hectares. Fondée par Audrey Venant et Mathilde Bignon et spécialisée dans les fleurs 100% françaises, la boutique Désirée exige un approvisionnement constant en fleurs tout au long de l’année, même en hiver. Désirée assurera la logistique et la distribution, ce qui me permettra de me concentrer sur d’autres choses. Je travaillerai sur la production en priorité, mais je veux également faire de la nouvelle ferme une école enseignant tant le métier d’horticulteur que de fleuriste. »
Le nouveau parfum Flower by Kenzo La Récolte Parisienne est également né dans le champ de fleurs de Masami Charlotte Lavault, au cœur de Paris. Les fleurs, sélectionnées pour leur beauté, leur parfum, leur tenue en vase et leur compatibilité avec le climat parisien, sont cultivées en biodynamie, dans le respect de la nature. « La rencontre avec Kenzo a été fortuite », explique Masami Charlotte. « J’avais fourni les fleurs pour l’un de ses événements à Paris, et c’est là que tout a commencé. La collaboration avec Kenzo m’a beaucoup aidée à préparer la nouvelle ferme et, par exemple, à restaurer un verger négligé des années 1950 pour créer un paradis de fruits et de fleurs. »
Recueillir le parfum des fleurs sans même les cueillir
Aujourd’hui, Kenzo et M.C. Lavault poursuivent une mission commune : faire connaître la floriculture douce et respectueuse de l’environnement. Pour la nouvelle Eau de Parfum Flower by Kenzo La Récolte Parisienne, Kenzo a puisé son inspiration dans le champ de fleurs de Plein Air Paris. La maison de luxe française y a extrait le parfum des dahlias, ingrédient phare de la fragrance, grâce à la technique Nature Print®, qui permet de capter leurs molécules odorantes sous une cloche en verre, au moment où les dahlias libèrent leur parfum dans leur plus bel état. Les parfumeurs recréent ensuite cette senteur particulière. « J’aime le parfum vert du dahlia qui se dégage quand on coupe la tige lors de la récolte » explique Masami Charlotte.
Pour cette nouvelle fragrance florale fraîche et épicée, la parfumeuse Dora Baghriche a illuminé la signature emblématique de Flower (rose de Damas et musc blanc) avec le parfum de dahlias rosés et les a associés à la mandarine jaune acidulée, au poivre rose épicé et à la fève tonka douce et sucrée pour créer un parfum léger et contemporain, tel un bouquet de fleurs fraîchement cueillies.
Par Anja Van Der Borght
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