Avez-vous déjà une garde-robe olfactive?

Qui porte encore le même parfum tous les jours? Ces trois hommes illustrent la tendance dominante dans le monde de la beauté: la garde-robe olfactive. C’est une garde-robe, mais composée de parfums.

Hervé Seeuws

Hervé Seeuws © Eva Verbeeck

En été et a fortiori en vacances, Hervé Seeuws, fondateur de l’agence de communication Monsieur PR, ne porte aucun parfum. «Je préfère l’odeur du soleil, de la mer ou de la crème solaire sur le corps», dit Hervé. «Sans oublier l’odeur de la sueur. Pour moi, c’est le parfum le plus sexy du monde. En fait, je n’associe pas tant les parfums à l’été ou à l’hiver, mais plutôt à certaines périodes de ma vie. Je me souviens très bien de ma première expérience olfactive. Au collège Sainte-Gertrude de Nivelles — je devais avoir quinze ans à l’époque — les garçons portaient des vestes Millet, des chaussures Sebago, des chemises Façonnable et Azzaro pour Homme. Je trouvais ce parfum trop pénétrant, trop nouveau riche. Personnellement, je préférais Cacharel pour L’Homme, un parfum boisé et épicé plus discret que j’ai porté pendant des années. J’avais un petit côté traditionnel et romantique à l’époque. Ensuite, je suis passé par quelques autres grands classiques commerciaux: Fahrenheit de Dior, L’Eau d’Issey d’Issey Miyake et, de temps en temps, Le Mâle de Jean Paul Gaultier. Toute ma garde-robe sentait alors le parfum du moment. Car je ne parfume jamais ma peau. J’en mets sur mes vêtements. J’ai un jour essayé de me parfumer le corps, mais ce n’était pas une réussite. J’avais l’odeur de ma belle-mère, au grand dam de mon partenaire de l’époque. Vers l’âge de 30 ans, j’ai été attiré par l’odeur d’un homme qui est passé devant moi en dansant dans une discothèque de Londres. C’était Bois d’Argent, un parfum unisexe de Dior à base d’iris et d’encens. Je me souviens avoir pensé à l’époque que ce parfum était très onéreux, mais je l’ai quand même acheté et l’ai porté pendant au moins dix ans. J’ai ensuite porté le parfum ambré et floral “Ambre Nuit”, également de Dior. C’est à cette période que j’ai commencé à associer les parfums. J’en mets toujours un peu au hasard et je me laisse surprendre par le résultat. Je ne m’inquiète jamais de l’accord final. Je fais exactement la même chose pour mes tenues. Je combine le vintage avec le neuf, le cher avec les marques bon marché. Plus tard, j’ai découvert la collection de parfums de Salle Privée, une marque néerlandaise de parfums unisexes, à combiner. Ces derniers temps, j’aime associer “Ambre Nuit” de Dior avec les deux dernières senteurs de Salle Privée: l’eau de parfum boisée et épicée “Legal” et l’extrait de parfum boisé et aromatique “Illegal”, qui contient un peu de CBD. Je trouve assez drôle que l’un de mes parfums contienne du cannabidiol. La note de tête de Legal et Illegal est l’absinthe, un peu sucrée, avec le vétiver qui enracine les deux parfums d’une note de fond fumée et sensuelle. Ces jours-ci, je fais vraiment de la super superposition. Il m’arrive même de superposer cinq parfums: “Legal” et “Illegal” de Salle Privée, “Ambre Nuit” de Dior, L’Essence de Présence d’YVRA, Watch Oud de Fugazzi et, vraiment très récemment, Orange Mauresque et Miel d’Arabie, deux parfums de Chopard. Miel d’Arabie est vraiment très intense. Parfois, je combine trois parfums, d’autres fois cinq parfums. Mais je ne les utilise jamais consciemment dans le même ordre. Seul Ambre Nuit de Dior est toujours utilisé comme “base”. Ma garde-robe doit donc être très colorée et parfumée, car life should be colourful all year round»

www.salle-privee.com, www.monsieurpr.com

Nick Vanderhaeghe

Nick Vanderhaeghe
Nick Vanderhaeghe @ Eva Verbeeck © Eva Verbeeck

Nick Vanderhaeghe, fondateur du cabinet de conseil en aménagement d’intérieur MHB Interior Consulting, a toujours un flacon de parfum sur lui. «J’emporte mon parfum de la salle de bain à la voiture, je le range dans ma mallette qui m’accompagne jusqu’à mon lieu de rendez-vous pour à nouveau le poser dans la salle de bain le soir», explique Nick. «La simple idée que je puisse sentir la transpiration à cause d’un système de climatisation en panne… Je veux pouvoir me parfumer à tout moment et je ne sors jamais sans m’être parfumé. Même à la maison, je porte du parfum. Mais je choisis toujours un seul parfum.»

Depuis le début de son adolescence, c’est toute une équipe de spécialistes qui conseille Nick pour ses parfums. «Quand j’avais 12 ans, ma mère, une dame tirée à quatre épingles, malheureusement décédée bien trop tôt, m’a emmené dans sa parfumerie préférée, Plâce Vendôme, à Wevelgem. J’ai pu y choisir mon premier parfum et j’ai été séduit par Hanae Mori Butterfly, une eau de parfum aux tons caractéristiques de fraise et d’amande, qui donne l’impression d’être très vanillée. Ensuite, influencé par la publicité, j’ai principalement porté des parfums commerciaux des maisons de haute couture, comme N° 7 Violette de Prada, One Million de Paco Rabanne… Jusqu’à ce que David et Steven, les propriétaires de Plâce Vendôme, me fassent remarquer la différence avec les parfums des vraies maisons de parfum. Elles ont une réelle expertise en parfums, alors que les maisons de haute couture se concentrent davantage sur la mode. Je devais avoir à peu près 26 ans quand je suis passé aux parfums de prestige plus capiteux et, sous l’influence de ma mère, qui a toujours porté du Shalimar, je suis devenu un grand fan de Guerlain. J’ai tous les parfums de la collection Les Absolus d’Orient de Guerlain dans ma salle de bains et je porte souvent Santal Royal, qui fait partie de cette gamme. Les jours où je télétravaille, je porte Habit Rouge, également de Guerlain, le premier parfum occidental à avoir utilisé la très précieuse senteur de résine “oudh”. C’est l’un des parfums plus frais de ma collection, idéal quand je vois peu de gens. Avant même de m’habiller le matin, je me parfume le cou, le torse et les poignets, que je presse ensuite l’un contre l’autre. Juste avant d’arriver à mon lieu de rendez-vous, je vaporise du parfum sur un poignet et le tapote contre l’autre. Il ne faut jamais frotter! Je choisis mon parfum du jour en fonction de mon humeur et de l’occasion: formelle ou informelle, professionnelle ou privée. Chez mes clients, j’aime porter un parfum assez neutre, dans le sens où mon parfum n’est pas omniprésent, mais perceptible. Lors d’un événement important, je m’assure que mon parfum est présent sans être perturbant. Pour les occasions privées, j’aime porter un parfum très persistant. Si je participe à une réunion d’affaires et que celle-ci est suivie d’un gala, le parfum sera déterminé par ce que je pense être le moment le plus important de la journée. Demain, par exemple, j’irai à la BRAFA Art Fair et je sais déjà quel parfum je vais porter: Oud Nude de la collection L’Art & la Matière de Guerlain, un parfum complexe mais élégant. Black Orchid de Tom Ford, mon parfum fétiche, est trop capiteux pour ce genre d’occasion. Ce parfum puissant et sensuel se prête davantage à un rendez-vous amoureux. Je porte toujours du noir pour garder une certaine neutralité vis-à-vis du client, de l’architecte et de la décoration intérieure. En revanche, mon parfum doit avoir du caractère et dégager une certaine exclusivité. Pour moi, le parfum est comparable à un bijou, mais il est encore plus personnel, car chaque peau réagit différemment. Les parfums ont également le grand avantage d’être invisibles et ne peuvent pas être volés.»

www.guerlain.com

Mathias Heinrichs

Mathias Heinrichs
Mathias Heinrichs © Eva Verbeeck © Eva Verbeeck

«De la même façon qu’il m’arrive de faire du power dressing, je fais parfois du power perfuming», déclare Mathias Heinrichs, associé et chef des opérations de l’agence de marketing et de communication Nightingale. «Dans ma salle de bains, il y a autant de parfums qui me font me sentir bien que des parfums qui sont comme une affirmation. Pour une réunion d’affaires où je veux mettre en avant ma personnalité, mon choix de parfum sera délibérément différent que pour une réunion où je dois être un peu plus en retrait. Pour le premier cas de figure, j’aurais plutôt tendance à choisir un parfum composé de musc, d’oud et de cuir comme Rock The Myrrh de Dries Van Noten. Dans le deuxième cas de figure, je porterais plus volontiers un parfum plus sucré ou qui évoque le savon. Par exemple Oud Affair de Vilhelm Parfumerie ou 1996 de Byredo. Ce dernier est d’ailleurs mon parfum de prédilection, c’est mon cocon réconfortant. J’ai découvert ce parfum il y a des années chez Necessities à Anvers, une parfumerie de prestige. J’aime ce que ce parfum représente sur papier, la douceur subtile, mais aussi l’histoire de ce parfum qui s’inspire d’une photographie qu’Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin ont prise en 1996 d’une petite fille pâle aux lèvres rouge feu. C’est un parfum subtil, élégant et toujours engageant. Le parfum que je porte dépend de mon humeur. J’ai quelques parfums emblématiques que j’aime toujours porter et qui, selon mes proches, me caractérisent. Ce ne sont pas ce que l’on pourrait appeler des senteurs légères, car l’oud, le palo santo, le musc, l’ambre et le cuir sont des principes olfactifs très persistants. Il y a aussi des parfums que je choisis en fonction de ma tenue. Je ne me parfume jamais de la même façon si je porte un costume, un jean ou une tenue décontractée.»

«J’aime les senteurs complexes et persistantes qui évoluent, ce qui oriente assez vite le choix sur la catégorie des eaux de parfum et des élixirs. Nous sommes amants. M.D. de D’Orsay aux notes puissantes de cuir et de tabac évolue sur ma peau à tel point que quand je me parfume le matin, au bout d’un moment, on pourrait croire que je suis sorti fumer une cigarette, alors que je ne fume pas du tout. Mes parfums ne sont pas forcément chers. Solid Cream d’Unifrom, une marque scandinave, par exemple, n’est pas cher du tout et pourtant exclusif. J’aime porter ce baume parfumé quand je passe un dimanche relax à la maison. Mais souvent, un baume ne suffit pas. Je l’associe alors avec une eau de parfum. Sortir sans parfum, c’est comme sortir sans pantalon pour moi. Sans parfum, je ne me sens pas prêt pour la journée et je me sens nu. Les parfums font partie intégrante de ma garde-robe, de mon être.»

«Dès le plus jeune âge, j’ai senti que j’avais besoin d’un parfum qui me rendrait reconnaissable. Je n’ai jamais aimé que deux personnes portent le même parfum. Pour moi, cela portait à confusion. Ma mère portait Dune de Dior. Si cette senteur m’accueillait quand je rentrais de l’école, je savais qu’elle était là. J’ai eu moi aussi envie de choisir un parfum qui me caractérisait, difficile à trouver, ce qui m’a assez vite orienté vers la haute parfumerie. La première fois que je suis allé chez Necessities, c’était une vraie révélation. Chaque parfum que j’y ai découvert ne ressemblait à aucun autre parfum. Tabac Mandarine Extrait de Parfum de Byredo, Safran Superfluide de Les eaux primordiales… parfois je sors de la parfumerie et ça m’a coûté un bras, mais ce sont des cadeaux que je me fais. Ce n’est pas le prix qui compte, mais le fait qu’ils me remplissent de joie tous les matins et qu’ils me donnent force et confiance en moi tout au long de la journée. Je m’en vaporise quelques gouttes sur les poignets et dans le cou et je me sens prêt pour attaquer la journée. Bien plus qu’avec les vêtements. Pour moi, le parfum ajoute une touche d’émotion. D’ailleurs, si je pouvais recommencer, je deviendrais nez — ou avocat. La parfumerie est un monde tellement fascinant et, en quand on est avocat, il faut avoir du flair.»

www.necessities-antwerp.be

www.nightingale.world

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