Nous et notre collier de dents de lait noué autour du cou et notre inexplicable envie d’être grand avant que notre temps ne soit venu, nous nous voyions déjà aussi dans des bolides
et, la peau intacte, nous ne voulions qu’une chose: étendre nos bras et ne sentir aucun mur, nous aurions sacrifié tous nos paisibles mercredi après-midi pour pouvoir rester debout une heure de plus, maintenant
nous sommes plus âgés et plus sourds et plus heureux, ou malheureux,
que nous ne l’aurions jamais cru possible, nous portons notre fatigue
avec fierté et nous avons lissé nos arêtes tranchantes jusqu’à nous
rendre irréprochables. Aujourd’hui, nous alignons des chroniques et des titres prestigieux dans des mensuels, et assez d’alcool
dans nos salons pour assommer un boeuf adulte, autrefois tu aurais tout donné pour arracher de ta poitrine l’enfant que tu avais en toi, et il t’arrivait de penser que tu y étais finalement parvenu, à échapper à ta propre ombre. Aujourd’hui, tu voudrais encore, ne serait-ce qu’une seule fois, tendre la main vers l’enfant que tu as été un jour
une seule fois, une main pour caresser une seule fois, et non pas pour porter un coup.