#NeverNotWorking: ‘Pourquoi étalons-nous si volontiers une éthique de travail malsaine sur les médias sociaux ?’
Se vanter en ligne d’un équilibre de travail malsain est devenu bon ton. Les hashtags comme #NeverNotWorking y participent ardemment. Qu’est-ce que cela dit de la société dans laquelle nous vivons ?
‘Je suis mort de fatigue, mais celui qui veut atteindre ses objectifs doit pouvoir faire des sacrifices pour y arriver.’ Si vous faites une recherche sur le hashtag #NeverNotWorking sur les médias sociaux, vous trouverez pas mal de messages préoccupants.
#NeverNotWorking est utilisé par des jeunes personnes ambitieuses dans le but de partager leurs succès ou de s’encourager les uns les autre à continuer, malgré la résistance et le doute. Mais ce qui semble à première vue un mouvement positif et empathique ne l’est plus si vous creusez davantage le phénomène. Car est-ce vraiment souhaitable d’être constamment occupé à travailler ?
Le fait que le hashtag #NeverNotWorking soit déjà utilisé depuis tellement longtemps sur les médias sociaux en dit beaucoup sur l’état d’esprit de l’époque dans laquelle nous vivons. Nous nous raccrochons à des histoires inspirantes qui nous promettent que si nous travaillons suffisamment dur, tout est quasiment possible. Que nous pouvons poursuivre nos rêves les plus grands si nous gardons notre ordinateur portable ouvert quelques heures de plus. Qu’il est noble de renoncer à un rendez-vous avec des amis pour respecter une deadline en travaillant à la maison.
Ce qui semble à première vue un mouvement positif et empathique ne l’est plus si vous creusez davantage le phénomène. Car est-ce vraiment souhaitable d’être constamment occupé à travailler ?
Bien qu’il serait facile de tout simplement juger ce comportement et de le qualifier de fanfaronnade insignifiante, cela recèle probablement bien davantage. Dans une société où la médiocrité est souvent critiquée, nous essayons tous d’exceller dans quelque chose.
Nous pouvons tendre vers la perfection en travaillant tout simplement davantage, plus longtemps et plus dur que les collègues. La manière de travailler ne doit dès lors pas toujours être aussi efficace, vous pouvez au moins éloigner un moment l’idée que vous seriez davantage à votre place dans un emploi de soigneur pour animaux.
‘Sleep deprivation is your drug of choice’
‘You eat a coffee for lunch. You follow through on your follow through. Sleep deprivation is your drug of choice. You might be a doer.’ Ce slogan, accompagné de la photo d’une femme qui fixe l’appareil photo d’un regard fatigué, a déclenché une vraie campagne de dénigrement sur les médias sociaux. Le service de freelances Fiverr a affiché la campagne publicitaire sur les murs des stations de métro. Elle synthétise parfaitement ce qui dénote dans notre image sur le travail.
Car ce slogan n’est bien sûr pas tombé du ciel, pour Fiverr. Il a été alimenté par ce que la génération de freelances déclare dans les médias sociaux à propos de combien ils trouvent le travail important et jusqu’où ils sont prêts à aller. Ce n’est que lorsque quelqu’un décrit le comportement que nous affichons souvent sur les médias sociaux comme souhaitable, que nous comprenons mieux combien il est erroné et néfaste.
Se vanter de trop travailler n’est bien sûr pas une nouvelle tendance. Par le passé, amis et collègues aimaient déjà parler de leur surcharge de travail et de leur sommeil lacunaire. Mais le fait que s’enthousiasmer pour un équilibre malsain entre travail et vie privée peut à présent également prospérer en ligne, entraîne que, pour les personnes qui veulent bel et bien séparer travail et vie privée, il devient plus difficile d’y échapper.
Le hashtag #NeverNotWorking est utilisé pour décrire un rythme de travail malsain comme ‘cool’ et ‘glamour’. Un déséquilibre entre travail et vie privée devient ainsi presque admirable.
Un mea culpa est ici de rigueur. Moi aussi, je me suis à plusieurs reprises rendu coupable de tweeter à propos de deadlines. Moi aussi, j’ai déjà mis une photo en ligne où j’indiquais, autour de minuit, ‘ne plus devoir atteindre que trois deadlines’. Cela n’impliquait pas nécessairement que j’allais encore travailler effectivement encore beaucoup d’heures après avoir posté cette photo, mais le mal était alors déjà fait.
Répandre sur les médias sociaux l’idée que le fait que vous soyez constamment occupé à travailler est souhaitable contribue uniquement à susciter des sentiments de culpabilité inutiles
Tout le monde a bien sûr le droit de bricoler lui-même son équilibre entre travail et vie privée. Le nombre d’heures de travail ressenties comme ‘lourdes’, est bien sûr différent pour tout le monde. Mais répandre dans les médias sociaux l’idée que le fait que vous soyez constamment occupé à travailler est ok, et plus fort, même souhaitable, contribue uniquement à susciter des sentiments de culpabilité inutiles.
Dans une période où les burn-outs sont si éminemment présents et que le risque de burn-out est dans tous les esprits, #NeverNotWorking laisse soudain un arrière-goût très désagréable. Nous voulons tous un travail qui suscite un intérêt sincère lors des fêtes de famille et qui nous donne si possible aussi l’impression de contribuer quelque peu à l’entreprise pour laquelle nous fournissons ce labeur.
Nous publions un selfie de nos yeux fatigués sur les médias sociaux non pas parce que cela nous fait nous sentir fantastiquement bien, mais plutôt parce que dans notre société, la médiocrité suscite énormément de honte.
Et donc nous publions un selfie de nos yeux fatigués sur les médias sociaux, nous partageons les moments où nous avalons du café à minuit ou ceux où nous sommes le dernier à fermer la porte du bureau.
Pas tellement parce que cela nous fait nous sentir fantastiquement bien, mais plutôt parce que dans notre société, il y a peu de choses qui suscitent autant de honte que la médiocrité. Qualifiez donc surtout le hashtag #NeverNotWorking d’appel au secours. Dans un monde dans lequel il se doit d’être excellent, il n’y a rien de plus terrible que de ne pas être vu.
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