Stella Wolf fait ses adieux : un regard dans les coulisses de la légende anversoise de la joaillerie Colman
Presque tous les bijoux qui se vendent chez Colman sont des cadeaux. La propriétaire Stella Wolf partage ces beaux moments avec ses clients depuis 30 ans. À la veille de son départ à la retraite, nous nous entretenons avec elle sur l’avenir du secteur de la bijouterie, l’art de choisir le bon cadeau et des diadèmes en diamants.
La bijoutière Stella Wolf met tout doucement fin à sa carrière. « J’ai 70 ans, il est donc temps de passer à autre chose. J’aspire à une vie plus calme », me confie-t-elle. Lors de notre entretien dans la boutique de Colman à Anvers, il n’y a cependant guère de signes de cette vie plus tranquille. Stella doit se rendre à une réunion, s’excuse parce qu’elle doit aider un client venu spécialement pour elle, et demande nonchalamment qui va enfin remplacer la plante effeuillée qui se trouve là dans le coin.
« Je ne suis pas loin », dit-elle en riant. « Je travaille encore quelques jours par semaine, mais je ne suis plus ici six jours sur sept. Hier, par exemple, j’ai fait de la poterie. Il est temps de passer le flambeau à nos fils. Des personnes plus jeunes, des idées différentes. Les garçons me demandent encore souvent conseil. C’est plutôt agréable, car cela me permet d’arrêter moins brusquement. Et je dois bien l’avouer : j’ai du mal à lâcher les achats. Parfois, je me dis que je n’aurais pas acheté cela (rires). J’ai des goûts plutôt osés, extravagants. Si je dis que je ne veux pas quelque chose, ils ne l’achèteront pas. Mais j’essaie de ne pas le faire, car les jeunes voient souvent les choses autrement, avec plus de fraîcheur. Pendant la saison des achats, j’implique délibérément des personnes qui ont des goûts différents des miens. Beaucoup de gens me connaissent, et c’est agréable. C’est sûr : ça me manquera quand je marcherai avec mon déambulateur (rires). Mais honnêtement, tout change si vite dans le monde. En fait, je suis contente que ce ne soit plus mon problème. »
Un nouveau vaisseau amiral
« J’ai toute confiance en ma succession. Nous sommes en train d’ouvrir un magasin à Bruxelles, sur le boulevard de Waterloo, une boutique multimarques dans une maison de maître. Ce sera notre vaisseau amiral. C’est le dernier projet que mon mari et moi portons. Il y aura également une salle dédiée à une vaste collection de bijoux en diamants, Jewels by Stella. Nous croyons en l’économie belge et en son avenir prometteur. Je vois beaucoup de locaux inoccupés dans les rues commerçantes du monde entier, de Florence à Amsterdam. Il est regrettable que de nombreuses grandes marques quittent les villes, y compris Anvers. Les magasins ont besoin de personnalité. Chez Colman, nous avons les grands classiques, bien sûr, mais aussi notre propre vision. Cette touche personnelle est importante. Nous avons aussi délibérément choisi un prix d’entrée de gamme bas. Les montres sont disponibles à partir de 900 à 1 000 euros. Pour les bijoux, nous avons Dinh Van et Messika qui proposent des prix de départ intéressants pour les petites pièces. »
Un Noël sans pic
« Le calendrier de la bijouterie a été bien chamboulé ces dernières années. Avant, il y avait des périodes d’affluence tout au long de l’année ; le mois de décembre en faisait partie. Les gens avaient l’habitude d’offrir de plus gros cadeaux à la Saint-Sylvestre qu’à Noël. Au Nouvel An, les hommes offraient traditionnellement des bijoux à leurs épouses… ou à leurs maîtresses, je n’en sais rien à vrai dire (rires). Nous réalisions nos plus grosses ventes de l’année entre Noël et le Nouvel An. Cette tradition a plus ou moins disparu. Les ventes de bijoux sont désormais beaucoup plus étalées sur l’année. »
Ce que vous portez fait vendre
Stella Wolf
« Malgré la couverture négative dont fait l’objet le secteur du luxe, nous n’avons vraiment pas à nous plaindre. Ce n’est pas une période d’euphorie, mais nous nous en sortons bien. Bien entendu, toutes ces actualités négatives n’arrangent rien, car les gens ont de plus en plus peur de dépenser de l’argent. Même si je n’ai pas vraiment le droit de le dire. La semaine dernière, quelqu’un a déclaré : ‘C’est fou, madame. On se croirait chez le boulanger le dimanche matin.’ Les gens achètent différemment. Ils viennent souvent voir avant de se décider. Il faut dire que nous nous trouvons à Anvers, où l’offre de diamants est énorme. Pour nos propres bijoux en diamants, les prix sont donc très compétitifs, souvent moins chers que dans d’autres villes. La qualité est supérieure. J’ai travaillé dans le secteur diamantaire quand j’avais une vingtaine d’années ; je sais donc ce que j’aime et ce que je n’aime pas dans un diamant. Je suis très à cheval là-dessus. Les autres magasins offrent souvent une qualité inférieure, ce qui peut se traduire par des prix plus bas. Mais j’ai essayé d’éduquer nos clients à ce sujet et j’ai en grande partie réussi. Nous sommes une valeur sûre dans la ville. »
Chaque jour la fête
« À l’approche des fêtes de fin d’année, c’est un peu chaque jour la fête dans la boutique. Le seau à champagne en argent est rempli de bouteilles de champagne. Il y a des plateaux de bonbons partout et nous portons des paillettes et des tenues de fête pendant cette période. Les membres du personnel sont d’habitude en uniforme, mais pendant les fêtes, ils sont autorisés à porter leurs propres tenues de fête, de préférence les plus étincelantes possible. Cela crée une atmosphère et les clients le remarquent. »
Le cadeau parfait
« Pour les hommes, nous vendons souvent des montres durant la période de Noël. Nous suivons les tendances en matière de bijoux pour hommes. De toute façon, la montre restera toujours plus populaire pour les hommes. S’ils doivent choisir quelque chose pour une femme, je leur recommande toujours un bracelet ou un collier. Les boucles d’oreilles doivent être assorties au visage et, dans le cas des bagues, ils ne connaissent souvent pas la taille. Un collier fait toujours l’affaire. »
« La tendance actuelle est aux bijoux colorés. C’est aussi une question de prix. Une pierre semi-précieuse est moins chère qu’un diamant. Toutefois, les personnes qui ont un petit budget choisissent souvent un diamant parce que c’est un achat intemporel. Les clients qui achètent beaucoup de couleurs en ont souvent déjà beaucoup et veulent essayer quelque chose de différent. »
« J’ai évidemment reçu beaucoup de bijoux dans ma vie. Parmi les pièces les plus spéciales, il y avait un sautoir avec des diamants bruns. Pour mon 65e anniversaire, mon mari m’a offert un grand solitaire. Je lui ai dit que je voulais un 7 carats pour mes 70 ans et sa réponse a été : ‘J’espère que tu ne vivras pas jusqu’à 100 ans’ (rires). J’attends mon cadeau avec impatience. Sur ma liste personnelle de souhaits pour Noël, il y a des perles jaunes. Les perles sont moins populaires aujourd’hui, mais si je commence à en porter dans le magasin, les clients en achèteront à nouveau. Ce que vous portez fait vendre. L’objet le plus exclusif que nous ayons jamais vendu est un diadème en diamants de Chaumet. Je l’ai d’ailleurs essayé sur moi à l’époque (rires). C’est ce qui fait la beauté du secteur de la bijouterie : je suis souvent amoureuse. Après plus de 30 ans, il m’arrive encore presque tous les matins d’entrer et de me dire : ‘Oh, ce que j’adorerais avoir cette pièce’. »
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