Fusalp: La rennaissance de la marque de mode

Lut Clincke Journaliste

Luxury Style
la renaissance de la marque de mode Fusalp

La marque de ski française Fusalp a longtemps été le choix de prédilection des amateurs de sports d’hiver à la pointe de la mode. Au-delà d’habiller les skieurs talentueux, elle dictait les tendances. Après plusieurs années dans l’ombre, la marque est en passe de remonter la pente. En montagne, mais aussi en ville.

TEXTE / Lut Clincke

Nous nous retrouvons au bureau parisien de Fusalp. La marque de ski française a connu des hauts et des bas au fil des acquisitions successives manquant de vision clairement définie. Fin 2013, les petits-enfants de René Lacoste, ancien champion de tennis et fondateur de la célèbre marque française au crocodile, l’ont ­tirée de sa torpeur. Lorsque le frère et la sœur Philippe et Sophie Lacoste ont vendu leurs parts minoritaires dans l’entreprise familiale à la holding suisse Maus Frères, ils ont croisé la route de Fusalp, une marque qui leur a rappelé de bons souvenirs de leurs premières vacances au ski. Mathilde Lacoste, styliste et épouse de Philippe, et Alexandre Fauvet, ancien numéro deux de Lacoste et aujourd’hui PDG de Fusalp, se sont joints à l’aventure.

« L’acquisition de Fusalp a été le fruit d’un ­heureux hasard », déclare Alexandre Fauvet. « Mathilde, Sophie, Philippe et moi-même avons eu l’idée d’inventer une nouvelle garde-­robe, pensée pour une vie active. Nous avons tous les quatre évolué chez Lacoste, ce qui a été une expérience incroyable. Lorsque nous avons repris Fusalp, nous voulions aller au-delà des sports d’hiver à proprement parler. L’idée de ­base était d’intégrer la technologie dans la ­mode, et vice versa. Fusalp est une fusion de la mode et de la technologie. C’est dans cette optique que nous voulons créer de nouvelles collections, adaptées tant aux montagnes enneigées qu’à la ville. La grande différence avec Lacoste, c’est que les vêtements de ski constituent le fleuron de la technicité. Nos vestes de ski techniques comportent à elles seules nonante composants. Nous avons beaucoup appris sur le plan technique au cours des dernières années. Et nous ­voulons placer la barre encore plus haut.

Nous attachons également une grande importance à l’aspect ‘mode’ de la collection. Peu après l’acquisition, nous nous sommes plongés dans les archives de Fusalp dans l’atelier ­d’Annecy. Nous voulions identifier la clé du succès de Fusalp, qui était autrefois une marque leader dans les vêtements de ski. La réponse ? Les fondateurs de la marque étaient des tailleurs. Les coupes tendance et bien ajustées de la marque étaient déjà ancrées dans son ADN. »

Des costumes aux tenues olympiques

À la fin des années 1940, l’entrepreneur René Veyrat ouvre son atelier de confection de costumes à Annecy. Il emploie notamment Georges Ribola, un tailleur de talent et passionné de ski originaire de la région de Chamonix. Ce dernier se lance dans la confection de ­vêtements pour les sports d’hiver et convainc son patron de commercialiser le fuseau des ­Alpes, un pantalon de ski totalement inédit. C’est ainsi qu’est née la marque Fusalp en 1952.

Les premiers modèles étaient dotés d’une bande élastique autour de la cheville. Le modèle suivant était fixé à la chaussure à l’aide de ­crochets et de lanières de cuir pour protéger de la neige. Pour optimiser l’aérodynamisme des tenues, Ribola invente un pantalon de ski moulant avec un ourlet élastiqué sur le côté, inspiré des pantalons d’équitation. Ribola ­continue d’innover en utilisant les matériaux les plus récents. La collection s’élargit également avec une tenue de ski complète. ­Conquise, la Fédération française de ski décide d’habiller l’équipe olympique en Fusalp, qui devient ainsi la marque des champions de ski olympiques. Grâce à la démocratisation des sports d’hiver, les classes moyennes affluent également dans les stations de ski. Cet engouement crée un nouveau marché, plus vaste, pour les vêtements de ski. Les skieurs amateurs veulent eux aussi porter la marque des champions. Fusalp est en pleine expansion et ouvre de nouvelles usines, dont la plus grande à Albertville. Le vêtement de ski est devenu un style de vie.

«Nous nourrissons de grandes ambitions à l’étranger. Cet hiver, nous ouvrirons un pop-up à Knokke»

Alexandre Fauvet, CEO Fusalp

Au milieu des années 1960, la styliste Ingrid Buchner marque la collection de son empreinte, avec des modèles ajustés et des couleurs ­vives n’ayant rien à envier au style des marques de mode avant-gardistes de l’époque. Bénéficiant d’une totale liberté artistique, ­Ingrid Buchner lance, entre autres, des ­salopettes et des jupes-culottes à la mode, ­assorties de jambières matelassées. Les tenues sont si branchées qu’elles envahissent également les rues. Parallèlement, la marque poursuit les innovations techniques et habille des champions de légende. Parmi eux, le triple champion olympique Jean-Claude Killy, la championne du monde de slalom Annie ­Famose et la championne de ski acrobatique Christine Rossi.

En 1976, Veyrat et Ribola vendent Fusalp, alors une entreprise florissante, au groupe Empain, qui n’a que peu d’affinités avec le secteur. Six ans plus tard, Fusalp passe entre les mains du groupe financier Le Refuge, avant de tomber dans les oubliettes à la suite d’un nouveau rachat.

Identité retrouvée

Les collections actuelles de Fusalp reprennent ostensiblement des éléments des années soixante et soixante-dix, période phare de la marque. La marque doit sa signature distinctive, rendant inutiles les logos tape-à-l’œil, à la directrice artistique, Mathilde Lacoste, et son équipe. C’est une femme humble, qui parle peu, mais forte d’une longue expérience dans l’industrie de la mode.

« Je suis née dans un milieu artistique. Mon père est sculpteur. J’ai étudié les arts appliqués, avec une spécialisation dans la mode, à l’école Duperré à Paris. J’ai pu commencer à travailler chez Lacoste assez rapidement et j’ai occupé plusieurs postes au sein de l’équipe artistique. Je trouve la mode intéressante, à condition qu’elle soit fonctionnelle. La mode en tant que simple élément décoratif ne ­m’intéresse pas. Passer à Fusalp n’était pas gagné d’avance.

Les vêtements de ski sont nettement plus ­complexes. Cet élément technique était pour moi un terrain inconnu. En outre, l’ADN de Fusalp avait été dilué par une réflexion opportuniste à court terme. Remettre la marque sur les rails n’a pas été facile. J’ai bénéficié des conseils de la responsable du design à l’apogée de Fusalp, Ingrid Buchner, qui a dessiné la ­collection de 1965 à 1984. Elle avait encore de nombreux croquis, qu’elle m’a donnés. Grâce à la loyauté des employés de la première heure, nous avons pu reconstruire l’ADN original de la marque. En tant qu’acquéreur, nous avons été chaleureusement accueillis par l’équipe, qui a immédiatement senti que nous avions un beau projet pour l’entreprise. Nous avons élargi les archives en achetant des pièces ­vintage, notamment le stock ancien mais intact d’une boutique des années 1950.

En regardant ces pièces du passé, on réalise à quel point la technologie a évolué sur le plan des tissus. Nous travaillons sans relâche avec nos fournisseurs de tissus pour placer la barre toujours plus haut. Il faut parfois deux ans pour créer un produit final répondant à nos exigences. Nos tenues de ski se portent également en ville ou lors d’une virée en ­moto. Cette multifonctionnalité nous tient à cœur. Les personnes qui investissent dans une veste de qualité veulent en profiter ­même après les vacances de sports d’hiver. Les fashionistas apprécient de plus en plus les vêtements d’extérieur techniques. Alors que les marques de haute couture offrent le look, nous offrons le look et la technicité. Notre collection urbaine est très discrète, simple mais chic et toujours reconnaissable. Nous devenus progressivement une marque lifestyle complète, avec des accessoires. Nous venons par exemple de lancer une petite collection de lunettes de soleil unisexes inspirées des masques de ski classiques. Ce clin d’œil à nos racines est toujours présent. »

Fusalp en Belgique

« Depuis deux ans, nous vendons plus de ­tenues urbaines que de vêtements de ski techniques », ajoute Alexandre Fauvet. « Ce qui ne nous empêche pas de continuer à investir dans des vêtements de ski high-tech. Nous habillons à nouveau les équipes participant aux Jeux olympiques d’hiver, notamment l’équipe britannique. Nous voulons ­redevenir la marque de ski des champions. Lorsque l’on conçoit des vêtements de ski de compétition, la qualité se doit d’être ­irréprochable. C’est pourquoi nous travaillons avec des skieurs professionnels qui nous donnent leur avis sur nos créations. C’est très inspirant. Cela nous fait avancer. Lorsque nous maîtrisons le savoir-faire pour offrir aux champions une qualité supérieure, nous pouvons traduire cette connaissance en produits du quotidien de haute qualité. Nous nourrissons de grandes ambitions, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Nous enregistrons une croissance continue depuis ces dix dernières années. Nous ­sommes également très bien implantés en Belgique avec notre boutique de Bruxelles. L’hiver prochain, nous ouvrirons un pop-up à Knokke sur la place M’as-tu vu. Nous ­avions déjà une belle clientèle belge dans les boutiques de nos stations de ski et dans notre boutique de Lille. Avant même de nous implanter à Bruxelles, nous savions qu’il y avait un fort potentiel en Belgique. Les Belges ont le sens de la qualité. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content