Dries Criel : « J’aime m’entourer de jeunes pour rester dans le coup »

Sa marque existe depuis à peine cinq ans et il crée déjà des bijoux pour Beyoncé et Dua Lipa. Solidement ancré aux États-Unis, il débarque maintenant en Belgique.

C’est un peu le monde à l’envers : se faire un nom États-Unis, puis chercher à mettre un pied en Belgique. Pourtant, c’est en toute connaissance de cause que Dries Criel a décidé de faire de sa marque de bijoux éponyme un succès sur le marché international. « J’ai une vision très claire de la joaillerie et de la façon dont je me positionne dans ce monde. Je savais que je devais me lancer sur des marchés plus aventureux. L’Europe a une vision très classique des bijoux. C’est une bonne chose, car cela signifie qu’il existe une niche à conquérir, avec peu de marques concurrentes. J’aime beaucoup travailler à Los Angeles et à New York, où il y a un très large public d’hommes et de femmes qui recherchent quelque chose de différent. Mes bijoux ont tout de suite suscité beaucoup d’enthousiasme aux États-Unis et j’ai su en tirer parti. Je n’y ai jamais vécu, mais je m’y rends tous les mois. Les Américains attendent une réaction immédiate, ils veulent tout, tout de suite. Il m’arrive de faire des allers-retours sur une journée pour un rendez-vous. Le décalage horaire n’est jamais une entrave. Je prends toujours immédiatement le rythme. Heureusement, je suis quelqu’un de très énergique. Ma devise ? C’est maintenant ou jamais. »

Anvers comme pied-à-terre

« Je travaille depuis Anvers parce que c’est ici que les matériaux sont disponibles et que les ateliers fournissent des produits artisanaux de grande qualité. Anvers jouit également d’une belle image à l’international dans le monde de la joaillerie. Suite à l’augmentation de la demande belge pour des pièces uniques ces dernières années, j’ai décidé d’ouvrir un espace dans ma ville natale : The Vault. Celui-ci mêle salle d’exposition, bureau et espace événementiel dans le centre d’Anvers. Cet espace a été conçu à l’origine par Glenn Sestig. Je l’ai laissé tel quel, à l’exception de quelques ajustements mineurs. J’ai tout peint en gris et en vert, mes couleurs fétiches. Pour l’ameublement, je travaille presque exclusivement avec des marques belges comme Serax et Ann Demeulemeester, et c’est même un ébéniste local qui a fabriqué la table.

Outre l’idée d’accueillir dans The Vault des clients en quête de pièces sur mesure, je veux que ce soit un lieu où d’autres marques peuvent exposer ou même organiser des événements culturels. Moi-même, j’organise un grand nombre d’événements et de dîners. Découvrir des choses ensemble est très stimulant pour moi et pour les clients. Par exemple, un spectacle d’un danseur belge ou des designers, comme Sofie Middernacht, avec qui je travaille. L’un de mes détaillants bruxellois m’a demandé d’organiser une soirée pour ses clients, avec d’autres marques. L’éventail est large. Mais mon réseau est toujours le point de départ. »

‘J’aime m’entourer de jeunes pour rester dans le coup’

Pas de vitrine

« Aujourd’hui, on ne peut plus forcément compter sur la visite spontanée de clients. C’est pourquoi j’adopte délibérément une approche différente en établissant un lien entre l’art dans son ensemble et The Vault. Je divertis mes clients, je les inspire et je les incite ainsi à acheter ou à commander une pièce. Je crois en l’activation client, en la combinaison de la vente avec des éléments qui divertissent et inspirent. Il ne faut plus miser seulement sur le produit. Il faut créer une expérience, un sentiment. Je veux donner aux gens l’impression qu’ils viennent prendre un apéritif à la maison. C’est pourquoi on se sent bien ici. Mon site web permet de prendre rendez-vous, mais j’apprécie le fait que presque tous mes clients en quête d’une pièce sur mesure viennent grâce au bouche-à-oreille. C’est un bonheur de constater que les clients belges sont finalement très friands de ce type de bijoux. »

La danse et une touche d’Égypte

« J’ai développé ma collection en poursuivant une vision très claire. Toutes mes créations ont un caractère intemporel. Mes pièces n’ont pas vocation à être dissimulées dans un coffre-fort, mais à être portées de jour comme de nuit. J’étais danseur, mais j’ai malheureusement dû mettre fin à ma carrière à cause d’une blessure. Les lignes directrices de mon travail ont toujours un lien avec la danse ou avec l’Égypte ancienne, mon autre grande passion. Pour moi, c’est l’une des cultures les plus passionnantes de l’Histoire. Toutes les pièces sont fabriquées à la main dans des ateliers belges. C’est très important à mes yeux. Mes bijoux ont du caractère et sont architecturaux. Je n’ai donc que des clients au caractère affirmé, tant des hommes que des femmes. D’ailleurs, de plus en plus d’hommes achètent des bijoux. C’est une belle évolution.

Je n’emploie jamais le terme “collections”. Chaque saison, j’enrichis mon univers de pièces emblématiques. Je n’emploie jamais le terme “nouveau” non plus. En Amérique, c’est la première chose qu’on demande : What’s new? Il n’y a rien de nouveau. Il y a toujours une expansion, bien sûr, mais j’ai conçu mes boucles d’oreilles Brute il y a quatre ans. Elles étaient aussi belles à l’époque qu’elles le sont aujourd’hui. Je crée des pièces qui perdurent. J’adapte évidemment les tailles et les couleurs. L’être humain est inéluctablement sensible aux tendances. »

De spécialiste en marketing à designer

« Je travaille dans la joaillerie depuis dix ans. J’ai commencé comme spécialiste en marketing et je me suis reconverti en designer. Cela m’a permis d’avoir une vision très large du secteur avant de lancer ma propre marque. Grâce à ce bagage, j’ai élaboré mon idée il y a cinq ans et je n’ai pas encore dû m’écarter de mon plan. Je suis fier de mes réalisations. Je veux construire quelque chose qui laisse un héritage, et cela prend du temps. Aux États-Unis, je travaille avec des indépendants pour la vente et les relations publiques. En Belgique, je fais surtout cavalier seul. Aujourd’hui, je suis satisfait de la taille de mon entreprise. Cela ne veut pas dire que je travaille à petite échelle. J’aime être sur tous les fronts. J’ai du mal à sous-traiter. Je veux garder le contrôle du cœur de mon activité le plus longtemps possible. Trop de personnel me distrairait, même si, d’un autre côté, j’aime être entouré de jeunes. J’aime vivre dans l’instant présent. Je n’ai que 32 ans, mais je me dis souvent que je dois davantage fréquenter des jeunes de 20 ans, pour rester dans le coup. Par moments, j’ai peur de perdre cette pertinence. Je suis jeune, mais les choses peuvent parfois aller vite (rires). »

Chacun sa marque ?

« Aujourd’hui, la tentation de créer une marque de bijoux est très grande. Les gens pensent pouvoir réaliser de belles marges. Mais ce n’est pas aussi simple. L’offre est surabondante. Il faut avoir un style clair. Dans la bijouterie fine, il faut être très spécialisé pour faire une différence. Soit les clients se tournent vers Cartier et les autres grands noms avec une valeur classique particulièrement intéressante, soit ils veulent quelque chose d’extrêmement spécialisé que tout le monde ne connaît pas. Tout ce qui est dans l’entre-deux est en difficulté, je pense. Pour faire la différence en Belgique, il faut une reconnaissance internationale, être crédible en tant que marque. Pour moi, le défi consiste à réussir à me développer et à devenir une marque suffisamment importante sans perdre mon caractère de niche. C’est un équilibre auquel je veille scrupuleusement. Je n’ai pas besoin d’être dans tous les magasins. Mes créations peuvent rester “exclusives”, bien que je n’aime pas employer ce terme, il est tellement vide de sens. La création d’une marque de bijoux est un projet à long terme. »

driescriel.com

par Kristin Stoffels

Dries Criel (32 ans)

. Propriétaire et créateur de sa marque éponyme Dries Criel Jewelry.
. Des célébrités telles que Dua Lipa, Beyoncé et Lady Gaga portent ses créations.
. Il a commencé sa carrière dans le secteur de la bijouterie en tant que spécialiste en marketing.
. Il a ouvert The Vault à l’automne 2024, où il vend des bijoux et organise des événements.

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