La Los Angeles de Katrien Van der Schueren

«Dix conseils à Los Angeles? C’est comme si vous me demandiez les dix meilleures adresses dans toute la Belgique. L.A. est tellement vaste et a tellement de facettes.» De plus, la deuxième plus grande ville des États-Unis a la réputation d’être éprouvante pour les touristes. A great city to live in, not a great city to visit. Katrien y vit avec son mari belge, son fils et sa fille depuis 2001. «Je me vois encore faire du roller à la plage les premières semaines. La mer m’a directement attirée. J’appréciais particulièrement que la plage ne soit pas encombrée de cabines de plage. Mais je trouvais aussi qu’il y avait beaucoup de laideur. Il faut un certain temps pour comprendre L.A.»

Un poster d’Einstein

Avec Voila! Creative Studio, Katrien Van der Schueren gère aujourd’hui une entreprise d’art et de travail sur mesure pour des projets résidentiels et commerciaux de prestige. Elle encadre aussi des œuvres pour les collectionneurs d’art et les galeries. Elle allume le feu sous la Bialetti et les premiers conseils commencent à fuser: «Il faut absolument découvrir la nature. Et louer un bateau, c’est incontournable. Ou une promenade à cheval dans Griffith Park!» En arrière-plan, son fils Louis (15 ans) épice ses pains artisanaux. Après l’école, sous le nom de Louis The Loafer, il cuit des milliers de pains au levain dans l’abri de jardin. «C’est ma fille Emma (18 ans) qui s’est chargée du marketing.»

Pour Katrien Van der Schueren aussi, tout a commencé dans une petite pièce, dans l’arrière-boutique d’un couple d’amis. «J’importais des posters vintage d’Europe et je les encadrais. Un jour, le gourou de la décoration d’intérieur Martyn Lawrence Bullard est entré et nous avons discuté. L’un de ses clients était Elton John. Il était en plein déménagement et il nous a demandé d’encadrer des pièces de sa collection d’art. Après cette mission, son conseiller artistique s’est mis à nous recommander pour les encadrements.» Aujourd’hui, le petit carnet de la clientèle Voila! compte les Kardashian, Gwen Stefani et autres noms célèbres. On lui a confié des œuvres de Warhol et de Chagall. «Je m’émerveille encore tous les jours de ce qui passe sous nos yeux.» Mais la commande la plus impressionnante était une citation manuscrite d’Albert Einstein datant de 1936: mundus vult decipi. The world wants to be deceived. Katrien Van der Schueren rit: «J’étais l’ado bizarre qui avait affiché un poster d’Einstein au mur.»

Les plus riches et les plus pauvres

Katrien Van der Schueren a la double nationalité depuis plusieurs années. Mais ses origines belges n’ont pas tout à fait disparu: «On y va à vélo?» Nous arrivons devant Urban Light: une installation emblématique de 202 réverbères anciens marquant l’entrée du Los Angeles County Museum of Art. Katrien désigne le bar près de l’entrée. On peut y commander pas moins de vingt eaux différentes. «C’est aussi ça, L.A.!» Nous passons devant de magnifiques parcs où des familles font du sport au soleil, mais aussi devant des tentes plantées en bord de route. La ville semble impuissante devant la crise des sans-abri.

Katrien a aussi appris à parler couramment l’espagnol. «La plupart des gens, comme moi, ne sont pas nés ici et ont une histoire. Ces innombrables récits de vie se rencontrent et c’est infiniment fascinant.»

Elle a récemment terminé un mur géant sculpté dans le plâtre dans un resort à Cabo. «Sans transition, vous passez du jet privé d’un client à un chantier, les mains dans le ciment, entourée de travailleurs saisonniers. Je rencontre les plus riches et les plus pauvres de la ville. Avoir l’occasion de goûter à tous ces mondes, c’est un privilège. Cela oblige à rester open minded, on est constamment mis au défi d’ajuster sa vision du monde.» Éternelle immigrée

Nous mettons un cadenas sur nos vélos à The Original Farmers Market. Le marché ouvert, avec ses boutiques spécialisées est animé à l’heure du déjeuner. Des couples se penchent sur lmoules fumantes, des vingtenaires se régalent du meilleur taco. Nous commandons des plats méditerranéens chez Moishe’s et trouvons une table libre. Katrien semble parfaitement à l’aise dans ce chaos de cultures et d’influences. «Dans mes créations, je mélange tout. Je déteste que l’on mette les choses dans des cases. Ce qu’il y a de bien dans cette ville, c’est que l’on peut être plein de choses à la fois. Personne ne s’étonne que j’aie une entreprise d’encadrement, que je fasse de l’art et que je conçoive en plus mes propres meubles. De manière générale, ma façon de voir la vie, c’est: the goal is the journey, not the destination.»

Quelques kilomètres plus loin, nous arrivons juste en retard pour prendre un café au café-restaurant Republique. Le service de midi est terminé, le personnel prépare tout pour le rush du soir. «Viens, on rentre vite une minute, car l’intérieur est magnifique.» Qu’est-ce qui lui donne le plus d’énergie? «Avoir les mains plongées dans le plâtre. Ou créer des échantillons le dimanche dans un studio déserté.»

Pour le dîner, nous sommes obligés de prendre la voiture. «En fait, à L.A., on ne peut pas se passer d’une voiture. Même en tant que visiteur. À moins de rouler en Uber.» Les panneaux en bord de route indiquent que nous sommes en route pour Koreatown. «Le docu City of Gold du critique gastronomique Jonathan Gold révèle en beauté comment l’âme de L.A. se cache dans sa diversité ethnique. Résultat: les meilleures adresses se trouvent souvent dans un parking lot anonyme. À côté d’un Shiny Nails.» C’est le cas du Parks BBQ, un restaurant de barbecue coréen très prisé, également fréquenté par les stars. «Les Américains ont un sentiment injustifié d’infériorité culturelle. You must think we’re stupid! Ils parlent presque en s’excusant de leur architecture, de leur culture et de leur cuisine. Et ce faisant, ils se dévalorisent. Ils sous-estiment leur richesse et leur force culturelles. L.A. est vraiment un modèle de diversité culturelle. D’ouverture et de curiosité.» Après une journée dans le sillage de Madame Voila, nous en sommes convaincus: la vraie beauté de L.A. ne se trouve pas sur le Walk of fame. Mais dans un bateau sur le Pacifique, dans la multitude de récits de vie, et ici, bien caché sur un parking lot anonyme.

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