Entre art et come-back: Venus Williams remonte au filet

© Kenny Germé @ Total World

Vénus, une planète rouge? Cette Venus-ci, Venus Williams, est une planète bleue. Bleue comme la terre sur laquelle elle se pose aujourd’hui, ne fût-ce que brièvement. Lieu de l’événement: Wimbledon. Pourquoi s’inflige-t-elle cela? Ni pour étoffer son palmarès ni pour l’argent. «Le tennis est le plus beau jeu du monde.»

On parie? Quand vous lirez ces lignes, au plus tôt le jeudi 6 juillet, Venus se sera déjà volatilisée. Ou peut-être aura-t-elle survécu au premier tour de Wimbledon. C’est peu probable. Le premier tour est le plus atteignable. Mais ces jours-ci, Venus Williams a besoin d’une wild card même pour celui-ci.

Pronostic. À peine apparue, elle aura déjà disparu. Comme le 13 juin… Elle avait encore 42 ans (43 aujourd’hui) et affrontait la débutante suisse Céline Naef, âgée de 17 ans, ce qui fait plus de la moitié de son âge, au premier tour du tournoi de Bois-le-Duc, aux Pays-Bas. Cette dernière a déclaré: «Je n’arrive pas à croire que j’ai eu la chance de jouer contre elle. Peu de gens de mon âge peuvent dire cela. Elle est mon idole et un modèle pour tout le monde.» Qu’est-ce que vous imaginiez? Venus a été impitoyablement éjectée, qui plus est sous les yeux de sa sœur Serena (de deux ans sa cadette, en retraite sportive depuis l’année dernière, enceinte de son deuxième enfant).

© Kenny Germé @ Total World

Pourquoi s’inflige-t-elle cela, a-t-on demandé à Venus après son 1087e match? Son palmarès (49 titres WTA, dont sept Grands Chelems) et son compte en banque (40 millions d’euros rien qu’en primes de victoire) sont richement fournis. Ces dernières années, elle a surtout accumulé les blessures. Sa dernière consécration remonte à 2021, elle est classée 696e au classement mondial. Venus: «Le tennis est le plus beau jeu du monde.»

TANTE INÈS, RINUS ET VENUS

Comment cette histoire aurait-elle pu avoir lieu sans ce come-back à Bois-le-Duc? Entrée en scène de la peintre Inés Van den Kieboom, âgée de 92 ans. Originaire d’Ostende, c’est l’une des tantes d’Arno. Quand la Tim Van Laere Gallery lui consacre une exposition au printemps dernier, le nom de Venus Williams retentit. «Elle a acheté quatre œuvres. J’ai dû me pincer. Une star mondiale de cette envergure qui aime votre travail.» Mieux encore. En mars, Venus passe à la galerie d’Anvers et dîne avec quelques artistes. Le portrait de Serena Williams réalisé par Inès Van den Kieboom est aujourd’hui exposé dans la maison de Venus.

Venus a également acheté une œuvre de Rinus Van de Velde (qui est, lui aussi, associé à la Tim Van Laere Gallery). Mais il n’a pas eu la chance de la rencontrer… et heureusement, ajoute-t-il, contre toute attente. «Elle voulait venir à un vernissage et me rencontrer. Ce n’est pas vraiment mon plus grand rêve. Souvent, rencontrer quelqu’un en vrai est moins intéressant que les conversations que l’on imagine avoir avec cette personne. Je n’étais donc pas déçu quand elle a annulé en raison du COVID. Pourtant, je suis totalement fasciné par le tennis et j’ai énormément de respect pour cette femme.»

Tim Van Laere (le frère de Tom d’Admiral Freebee) est reconnaissant envers Venus Williams. C’est un peu grâce à elle que sa galerie est célèbre dans le monde entier. Le résultat d’un incident banal. Le joueur de tennis américain Reilly Opelka a dû payer une amende de 10 000 dollars à l’US Tennis Association pour placement de produits: il portait un sac pendant l’US Open qui affichait trop ostensiblement le logo de la Tim Van Laere Gallery. L’incident a pris de l’ampleur, y compris dans les médias, surtout quand Venus Williams s’est fendue d’un tweet sur le sujet.

Amatrice d’art pur sang. Venus Williams a profité de son séjour aux Pays-Bas pour se rendre au Moco Museum (le musée d’art moderne) à Amsterdam. Après son élimination au premier tour, elle avait le temps.

TOUJOURS NON

Venus Williams a aussi du temps pour d’autres activités. Elle a suivi des cours de dessin et obtenu un certificat en décoration d’intérieur. En 2002, elle a fondé l’entreprise de design V Starr Interiors, œuvrant sur le marché résidentiel haut de gamme, mais également spécialisée dans le design commercial. Venus a aussi créé la ligne de vêtements EleVen, une marque de streetwear et de vêtements de tennis. Elle est aussi l’initiatrice de Happy Viking, marque de superaliments végétaux.

En 2010, Venus a coécrit le best-seller du New York Times: The Path to Winning: Business Leaders, Artists, Doctors and Other Visionaries on How Sports Can Help Achieve the Heights of Their Profession, pour lequel elle a interviewé des professionnels accomplis, comme Sir Richard Branson et Condoleezza Rice à propos de leurs expériences dans le sport.

Et en 2015, elle a obtenu un diplôme en gestion d’entreprise à l’Université de l’Indiana. Avec Serena, elle est actionnaire de Shares, une application française de trading, dont elle assure la promotion. Elle est également partenaire de la société de capital-risque américaine Topspin Consumer Partners. Vous avez dit «partenaire»? Venus a même le temps d’avoir une vie privée. De 2007 à 2010, elle était en couple avec le joueur de golf Hank Kuehne. Ensuite, on l’a repérée au bras du mannequin cubain Elio Peace qu’elle a rencontré lors d’un shooting pour sa ligne de vêtements EleVen. Jusqu’à fin 2019, elle a partagé sa vie avec Nicholas Hammond, financier et héritier de la famille Annenberg (Walter Annenberg a vendu son empire médiatique Triangle Media à Rupert Murdoch pour 3 millions de dollars). Mais cette relation a pris fin, elle aussi. Aujourd’hui, Venus est célibataire et comme elle l’indiquait sur Instagram au début de l’année: «On me demande souvent si je suis mariée, si je vais me marier ou si je veux les épouser. La réponse est toujours non.»

© Kenny Germé @ Total World

KING RICHARD

Comment cette histoire aurait-elle pu avoir lieu sans ce come-back de Venus à Bois-le-Duc et la tante d’Arno? Revenons au moment où Will Smith gifle Chris Rock lors de la cérémonie des Oscars (le 13 mars 2023). Will Smith y était pour recevoir un Oscar pour son interprétation de Richard Williams, le père de Venus et Serena, dans le film «King Richard».

Ce biopic ne fait pas honneur à la réalité, car la véritable histoire de Richard Williams (aujourd’hui âgé de 80 ans, partiellement paralysé par un accident vasculaire cérébral et atteint de démence) est celle d’un homme, infidèle chronique, voleur et bagarreur qui a eu plus de vingt enfants avec plusieurs femmes, mais ne s’est jamais occupé que des deux qui étaient douées pour le tennis.

Richard Williams a eu une révélation lorsqu’il a vu la Roumaine Virginia Ruzici remporter Roland Garros en 1978 et a appris qu’elle avait empoché 40 000 dollars pour cette victoire. Soudain, il décide de faire deux enfants (à sa seconde épouse, Oracene Price) et de les transformer en championnes de tennis. Ainsi soit-il.

Le père Richard impose à ses filles, Venus et Serena, un rythme de vie impitoyable. Pourtant, elles sont fières de leur père. Et du film «King Richard», qui, pour bien clarifier le contexte, a été produit par leurs soins. «C’est si émouvant que chaque fois que je le regarde, j’ai les larmes aux yeux», confie Venus.

BIEN-ÊTRE MENTAL

Tout le monde pense que Serena Williams (23 titres majeurs à son palmarès, considérée comme une GOAT — Greatest Of All Times) est une meilleure joueuse que Venus. Détrompez-vous. Car qu’aurait été la carrière de Venus sans les blessures et la maladie? En 2011, on lui diagnostique le syndrome de Sjörgen, une maladie rhumatismale auto-immune chronique. Les symptômes: dessèchement des yeux et de la bouche, fatigue et douleurs musculaires et articulaires.

En 2021, Venus Williams s’est confiée à propos de cette maladie dans The New York Times. «J’ai travaillé avec les médecins sur les aspects physiques de ma maladie, mais j’ai aussi consulté des psychologues, pour mieux comprendre la situation et empêcher mes peurs de déformer ma réalité et pour apprendre à vivre dans l’instant présent. Mais avant tout, ce nouvel obstacle m’a appris à faire preuve de plus de bienveillance envers moi-même. Je suis une joueuse de tennis professionnelle, mais cela ne fait pas de moi quelqu’un d’exceptionnel. Je suis comme tout le monde. Nous sommes tous confrontés à des défis de santé mentale. Qui que l’on soit, on a besoin de soutien. Demander de l’aide ou se confier sur ses problèmes émotionnels n’est jamais simple. C’est bien parce que j’ai pris soin de mon bien-être mental que j’aime toujours le tennis après tant d’années. Je collabore avec BetterHelp, un service qui se bat pour réduire le sentiment de honte lié aux troubles psychiques. Je suis heureuse de contribuer à la déstigmatisation des maladies mentales. Et cela commence en étant présent pour soi et pour les autres et en ayant la conscience de ce qui est nécessaire pour être vraiment fort.»

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