Alain Manders connaît le luxe d’une véritable expérience : De son Jack Russell à son concept de vêtements pour hommes

© Eva Verbeeck

Il a mis ses talents en marketing au service du spot publicitaire de Noël de Coca-Cola et a accompagné des marques comme Jupiler, Danone et Proximus. Avec Metamorphosis, Alain Manders a une nouvelle mission: bousculer l’uniformité masculine. «Peu de gens réalisent le pouvoir du personal branding»

Alors que Lana, un Jack Russell Terrier, trottine furtivement de son panier-cœur rose Balenciaga à son sac de voyage glamour pour chiens Gucci, Alain Manders nous présente son tout dernier bébé: Metamorphosis. En tant que directeur artistique de cette toute nouvelle initiative, il veut bousculer l’uniformité masculine belge en lui assénant un uppercut de couleur et d’originalité. Metamorphosis mise sur ce que l’on appelle le personal branding.

ALAIN MANDERS «J’ai travaillé pour plus de 600 marques internationales et lancé plus d’une centaine de nouvelles marques. En réalité, chaque être humain sur cette planète est une marque. On dégage une certaine image, non seulement par les paroles, mais aussi par l’apparence. Très peu de gens réalisent que leur tenue et leur expression racontent leur histoire.»

Est-ce le bon moment pour ce lancement?

ALAIN MANDERS. «Quand je me balade à Paris ou à Milan, je constate une grande différence entre les Belges maussades et les Parisiens ou Milanais très soucieux de la mode. Cela n’a rien à voir avec le budget. À Milan, on se donne beaucoup de mal pour s’habiller avec élégance, même si les moyens financiers sont modestes. Chez nous, les femmes sont souvent tirées à quatre épingles, mais généralement, les hommes ont l’air mornes. Parfois, je me demande si j’assiste à un vernissage ou à un enterrement. Je refuse de m’y résoudre. Quand les gens m’abordent à propos de ma tenue lors d’un événement et que je leur propose d’essayer mon blazer, ils sont surpris de constater qu’il leur va plutôt bien. C’est ainsi qu’est née l’idée de proposer des essayages. Comme quand on donne un échantillon. Je leur fais découvrir le produit en leur proposant un service impeccable et une expérience émotionnelle agréable, «the brand in the hand». Ils y goûtent, apprécient et achètent avec le sourire

Le j’aime virtuel sur Instagram ne peut pas rivaliser avec quelqu’un qui vous regarde dans les yeux, vous étreint et vous dit à quel point vous êtes beau aujourd’hui

Quelle est votre ambition avec Metamorphosis?

MANDERS. «Pour la seconde partie de ma vie, j’ai envie de me lancer dans un projet plus purpose driven. Quand nous parvenons à faire ressentir aux gens la sensation de porter certains vêtements, quand nous découvrons ce qui leur va et que nous leur proposons même de porter une tenue lors d’un dîner ou d’un vernissage, les réticences sont déjà partiellement balayées. L’idée est de louer certains articles pour une courte durée pour les encourager ensuite à acheter certaines marques sur nos conseils. Et c’est bien plus qu’un coup de pouce vestimentaire. Avec Metamorphosis, nous travaillons également sur l’expression de nos clients ; nous leur offrons des conseils de soins personnels et un coaching fitness et nutrition, sous la houlette de mon partenaire Andres.»

Pour la première fois de ma vie, à l’âge de cinquante ans, j’ai trouvé le calme grâce à Lana, ma petite chienne

Votre style à vous ne passe pas inaperçu, jusqu’où irez-vous avec votre clientèle?

MANDERS. «La mode n’est pas forcément excentrique. Je porte aussi beaucoup de noir, de gris et de bleu, mais je les associe à une touche de couleur. Nous avons des tenues pour toute occasion et pour toute personnalité. En faisant toujours la part belle au luxe, qui est une sorte de récompense. Quand on travaille dur, on a envie de se faire plaisir. C’est comme s’offrir une belle voiture ou un grand voyage. Je veux faire découvrir le luxe et la mode aux hommes et aux chiens de manière ludique, pas en écumant des dizaines de boutiques bondées, où ils voient une seule collection d’une seule saison et une seule marque à la fois ; je peux leur proposer une dizaine de marques avec une centaine de collections intemporelles. Je veux leur proposer une cabine d’essayage personnalisée et multimarque, en toute tranquillité, à l’abri des regards indiscrets, et leur permettre de voir ce qui leur va et ce qui ne leur va pas, en une seule séance et avec des résultats à la clé.»

© Eva Verbeeck

Pourquoi accordez-vous autant d’importance à la mode?

MANDERS. «Toute ma vie est un jeu d’équilibre entre le rationnel et l’émotionnel. C’est un mariage entre la fonctionnalité, en portant les étoffes les plus confortables et la bonne couleur, la coupe dans laquelle je me sens bien ou une marque à laquelle j’ai envie de m’associer. Il suffit de penser au savoir-faire et à l’histoire de certaines maisons de haute couture. Ce sont des choses qui m’inspirent et auxquelles je veux m’identifier. Lorsque les gens vous complimentent sur votre tenue, c’est bien sûr agréable. Le «j’aime» virtuel sur Instagram ne peut pas rivaliser avec quelqu’un qui vous regarde dans les yeux, vous étreint et vous dit à quel point vous êtes beau aujourd’hui. Nous devons davantage nous battre pour une société où l’on fait l’effort de donner et de recevoir des compliments. D’ailleurs, une simple tenue peut être le début d’une histoire ou d’un lien qui se tisse avec quelqu’un.»

On dégage une certaine image, par les paroles mais aussi par l’apparence. Très peu de gens réalisent que leur tenue et leur expression racontent leur histoire

Vous êtes généticien, comment avez-vous abouti dans la mode et le marketing?

MANDERS. «Après mes études, j’ai travaillé pour l’université de Gand et une amie m’a demandé de la remplacer pour une mission de promotion. J’ai tellement été mordu par le marketing que, pendant un temps, j’en ai fait en parallèle de mon travail de chercheur scientifique, jusqu’à ce que l’agence de pub, basée à Bruxelles, me demande de travailler à temps plein. Après quelques années, j’ai décidé de créer ma propre agence, Demonstr8. Il me semblait qu’il restait un créneau pour une agence spécialisée dans la création d’expériences de marque créatives, d’expériences uniques et de rencontres entre les marques et les consommateurs. C’est ainsi qu’en 1999, nous avons donné vie à la publicité de Coca-Cola mettant en scène le père Noël, par exemple. Nous sommes allés chercher le fameux grand camion aux États-Unis pour inviter chaque année le père Noël dans les salons belges. Ce genre d’événement peut littéralement émouvoir les gens aux larmes, c’est très rare que cela se produise avec un spot télévisé ou une affiche de pub dans la rue. D’ailleurs, notre slogan a évolué après quelques années, passant de Story Telling Marketing à Memory Making Marketing

© Eva Verbeeck

Vous créez des émotions inoubliables, mais où cherchez-vous l’émotion pour vous-même?

MANDERS. «Dans la culture en général, dans l’art, la musique, le cinéma et la mode. La mode est une forme d’art, c’est du design et le design recèle aussi la notion de mode. Ce qui est bien, c’est que ma formation scientifique m’a donné un côté très rationnel et analytique. C’est aussi en partie la recette de la réussite depuis toutes ces années ; apporter de l’émotion est une chose, mais il faut aussi une base scientifique et une analyse des résultats pour toujours s’améliorer.»

Vous souvenez-vous de votre premier achat de mode?

MANDERS. «Absolument. Je faisais un job d’étudiant consistant à nettoyer les vitrines des magasins. Il y avait, à l’époque, les grandes marques, avec Versace en-tête, mais c’était un budget irréaliste pour moi. Matinique était plus accessible. Un jour, en nettoyant la vitrine de cette marque, j’ai vu un beau manteau bleu marine avec des coutures rouges qui coûtait 30 000 francs belges. Comme je ne gagnais que 10 000 francs belges par mois à l’époque, j’ai travaillé pendant des mois pour acheter le manteau de mes rêves. Malheureusement, je l’ai perdu lors d’un déménagement.»

Vous vivez et travaillez dur. Comment vous détendez-vous?

MANDERS. «Je n’ai réellement réussi à trouver le calme qu’à l’âge de cinquante ans. J’appréciais beaucoup les voyages, mais je n’arrêtais jamais vraiment de travailler, de réfléchir et de faire des photos pour glaner de l’inspiration pour les campagnes et les projets à venir. Jusqu’à ce que Niki, la mère d’un employé, me demande au début de l’année 2020 de m’occuper de sa chienne Lana, âgée de 12 ans, pendant qu’elle était hospitalisée. Ma première réaction a été de me demander ce que j’allais bien pouvoir faire de cette bestiole.» Après seulement deux jours, j’ai dû admettre que ce petit chien m’avait apporté la paix pour la première fois de ma vie. Au bout de trois semaines, je ne pouvais plus imaginer la vie sans elle et j’ai supplié qu’on me la laisse.»

Et Lana a plongé avec vous dans votre garde-robe colorée?

MANDERS. «La dame chez qui je l’avais adoptée m’a dit qu’elle n’aimait pas marcher dans le froid ou sous la pluie, alors je lui ai directement acheté une petite veste dans une quelconque animalerie. Le problème fonctionnel était résolu, mais le look de ma chienne ne me plaisait pas. C’est ainsi que je suis tombé sur Moncler, qui s’était alors associé à Poldo Dog Couture, une marque italienne de haute couture pour chiens. Mon rêve s’est réalisé, car les manteaux pour chiens étaient identiques aux versions pour adultes. Comme j’étais un client fidèle de Moncler, ma fille adoptive et moi pouvions nous habiller de la même manière.

Et cela ne s’est pas arrêté à Moncler?

MANDERS. «Pendant la pandémie, de nombreuses marques ont pris conscience que pour certaines choses, il n’y a aucune limite: les bébés et les animaux de compagnie. Cet amour va très loin, car lorsque j’aime un t-shirt et qu’il n’existe pas en version pour chien, j’en achète deux et j’en fais adapter un par un tailleur. Et je ne me contente pas des vestes pour chiens: il y a aussi le harnais, la laisse, les jouets, le panier, jusqu’aux bijoux Fendi. Ou bien j’enlève les longues manches d’une chemise Prada et j’en fais un bandana ou un t-shirt pour ma chienne.»

Quelles sont les tendances actuelles de la mode selon vous?

MANDERS. «Nous entrons dans une période de diversité où chacun peut s’exprimer. Peu importe le genre ou l’orientation sexuelle. Certaines marques se tournent vers une sorte de quiet luxury, mais ces derniers temps, les grandes marques ont démontré qu’une couleur flashy ou un imprimé audacieux sont absolument les bienvenus. Pour l’été prochain, Kim Jones propose une association de couleurs fluo et de tweed pour Dior Homme et Raf Simons réinvente les chemises hawaïennes pour Prada, avec des imprimés floraux innovants et des franges.»

Pourquoi tenez-vous tant à assister à tous les défilés de mode à Paris et à Milan, alors que votre emploi du temps est si chargé?

MANDERS. «Je m’y gorge d’énergie et d’émotions et à aucune seconde, je n’y pense à mon travail. Quand j’assiste à un défilé de mode, souvent accompagné de Lana, c’est vraiment un moment «Press Pause» pour moi. Les vingt minutes du défilé me semblent avoir duré vingt secondes. Et quand j’y croise Kim Kardashian qui me fait un compliment sur ma tenue, c’est la consécration.»

Qui est Alain Manders (52 ans)?

– Il est originaire de Lokeren et a étudié la génétique animale.

– En 1997, il a fondé Demonstr8, une agence de marketing expérientiel qui compte aujourd’hui une équipe de 40 employés permanents et plus de 1 200 freelances

– C’est un artiste passionné d’art contemporain

– Sa garde-robe est une gigantesque collection de pièces prestigieuses de maisons de haute couture françaises et italiennes, pour lui, pour Andres, son compagnon, et pour Lana, sa chienne.

– Il lance aujourd’hui Metamorphosis, un service destiné à aider les hommes à faire des choix vestimentaires plus personnalisés

www.metamorphosis.style

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