L’hôtel Beau-Rivage Palace revit

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Bruno Vanspauwen Journaliste

C’est au bord du lac Léman que se niche l’un des hôtels les plus mythiques au monde: le Beau-Rivage Palace. Les stars du cinéma, de la musique, de la mode, de l’art et de la politique s’y côtoient depuis 1861. Pendant la pandémie, l’hôtel a fermé ses portes pour une rénovation complète. Ces portes se sont récemment rouvertes. Et nous y étions.

Lausanne se trouve à trois quarts d’heure de l’aéroport de Genève. La route traverse des vignobles aux pentes abruptes et passe le long du somptueux lac Léman, avec pour décor de majestueuses montagnes, dont le Mont-Blanc. Et soudain se dresse l’hôtel Beau-Rivage Palace, aussi impressionnant que la nature qui l’entoure. Il appartient en grande partie à la fondation familiale Sandoz, qui possède également d’autres hôtels de luxe. La famille a fait fortune dans la production de médicaments génériques ; sa société Sandoz fait désormais partie du géant pharmaceutique Novartis.

Le 20 mars 2020, pour la première fois en près de 160 ans d’histoire, le Beau-Rivage Palace a fermé ses portes pour une importante rénovation. Je suis accueilli par Benjamin Chemoul, le directeur, qui me confie qu’il ne pouvait en être autrement: «Personne n’aime fermer un hôtel. Encore moins quand il porte le titre de Palace, réservé uniquement aux hôtels les plus prestigieux, supérieurs aux cinq étoiles. Mais nous étions déterminés à ce qu’il soit plus beau que jamais à la réouverture.» La rénovation a été menée par l’architecte d’intérieur Pierre-Yves Rochon, célèbre notamment pour l’hôtel Waldorf Astoria de Beverly Hills, The St Regis Rome et le Four Seasons George V à Paris. Il a fait exécuter une première phase de travaux en 2014. La rénovation a été achevée pendant la pandémie. «Nous avions trois objectifs», dit Benjamin Chemoul. «Nous souhaitions préserver l’atmosphère intime et personnelle de l’hôtel grâce à des espaces modulaires, qui permettent, par exemple, de faire communiquer plusieurs chambres pour les familles. Car de nombreuses familles séjournent ici depuis plusieurs générations et s’y sentent chez elles. Nous étions également tenus de préserver le patrimoine architectural, car cet hôtel est un patrimoine national et un monument protégé. Mais, parallèlement, nous avons introduit de nouvelles technologies, comme un système domotique de pointe dans chacune des chambres. Enfin, nous avons voulu respecter le cadre naturel qui entoure l’hôtel et limiter l’impact écologique des travaux.»

New Look Les suites datant de 1861 ont été rénovées, mais elles ont gardé le même nom.
New Look Les suites datant de 1861 ont été rénovées, mais elles ont gardé le même nom. © National

De Crawford à Tatcher

La visite guidée révèle que c’est une belle réussite. En 1861, le Beau-Rivage Palace était le projet de deux architectes lausannois: Achille de la Harpe et Jean-Baptiste Bertolini. Des œuvres d’art originales, des gravures historiques et des miroirs anciens ornent les murs. Ils ont été sélectionnés dans les réserves de l’hôtel et restaurés par des artisans lausannois. Les fauteuils dans les halls sont des fauteuils originaux du 19e siècle. Les suites datant de 1861 ont été rénovées, mais elles ont gardé le même nom. Leur superficie varie entre 90 et 140 mètres carrés, avec des salles de bains en marbre blanc. On peut y loger pour 5 000 à 15 000 euros la nuit. Les chambres plus petites sont accessibles à partir de 600 euros par nuit (selon la saison). Des célébrités légendaires y ont séjourné: Charlie Chaplin, Gary Cooper, Joan Crawford et Coco Chanel, les stars du cinéma Jean-Paul Belmondo, Richard Gere, John Travolta et Woody Allen, les stars du rock Bono, Elton John, Grace Jones, Tina Turner et Rod Stewart, les grands sportifs Pelé, Ayrton Senna, Cristiano Ronaldo et Steffi Graf, les politiciens John Kerry, Edward Kennedy, Richard Nixon, Emmanuel Macron, Helmut Kohl, Margaret Thatcher, Mikhail Gorbachev, Nelson Mandela et Xi Jinping, des dignitaires, comme l’empereur Hirohito du Japon, la reine Beatrix des Pays-Bas, le Prince Albert de Monaco, le roi Juan Carlos d’Espagne et le roi Hussein de Jordanie. L’hôtel dispose de deux salles de bal magnifiquement restaurées qui ont été le décor des réceptions de mariage de Phil Collins et de Diana Ross, parmi d’autres.

Plat parfait Le style gastronomique d’Anne-Sophie Pic se caractérise par de somptueuses présentations et des textures délicates.
Plat parfait Le style gastronomique d’Anne-Sophie Pic se caractérise par de somptueuses présentations et des textures délicates. © National

Sylvie Gonin, concierge depuis 32 ans et mémoire vivante de l’hôtel, raconte que d’importants accords politiques ont également été négociés ici, notamment l’accord nucléaire entre les États-Unis et l’Iran, et l’accord de paix au Liban. Pourquoi ici précisément? «Car la Suisse est politiquement neutre, et parce que cet hôtel est facile à sécuriser», déclare Elisabeth de Pins, responsable des relations publiques. Nous continuons la visite jusqu’au spa Cinq Mondes, d’une superficie de 1 500 mètres carrés, qui a également fait l’objet d’une rénovation complète. C’est un autre architecte qui s’est vu confier cette mission. Alexandre Pierart a lui aussi prêté ses talents pour de nombreux hôtels de luxe de par le monde. Stéphane Reumont, gérant du spa, nous emmène à travers un espace mystérieux et poétique, qui imprègne autant le corps que l’esprit. On y trouve huit cabines de soin privées, un hammam, un sauna, une ice cave, un fitness avec vue sur le lac, un studio de yoga et de méditation et deux piscines chauffées (une à l’intérieur et une à l’extérieur).

Plat parfait Le style gastronomique d’Anne-Sophie Pic se caractérise par de somptueuses présentations et des textures délicates.
Plat parfait Le style gastronomique d’Anne-Sophie Pic se caractérise par de somptueuses présentations et des textures délicates. © National

Pic Parfaite

L’aspect gastronomique est aux soins de la Française Anne-Sophie Pic, la chef cuisinière possédant le plus d’étoiles Michelin au monde (sept au total). En France, le patronyme Pic fait partie intégrante de l’histoire de la gastronomie, au même titre que Troisgros, Bocuse et Escoffier.

Son restaurant trois étoiles de Valence se trouve toujours à l’endroit même où son grand-père André a fondé La Maison Pic en 1936. Mais après le décès inopiné de son père Jacques en 1992, elle s’est vue obligée de se mettre aux fourneaux dès l’âge de 23 ans. Elle y a révélé des talents naturels qui ont insufflé un nouvel élan d’énergie et de fraîcheur à cet établissement historique. Notamment par des influences gastronomiques du monde entier, ce qui était encore tabou en France à l’époque. Avec son époux, elle a élargi le groupe Pic, notamment par ce restaurant gastronomique du Beau-Rivage Palace, avec lequel elle a déjà raflé deux étoiles.

Nous y sommes accueillis par la directrice, Diane Blanch, à qui on a récemment décerné, en France, le prestigieux Trophée du Maître d’Hôtel. Elle nous raconte qu’Anne-Sophie Pic vient régulièrement encadrer ses équipes. D’ailleurs, la plupart des employés en cuisine et en salle ont été formés dans son restaurant à Valence. Son style gastronomique se caractérise par de somptueuses présentations et des textures délicates, mais aussi par des saveurs remarquablement intenses et puissantes qu’elle obtient à partir de végétaux, d’herbes et de boissons de cultures gastronomiques du monde entier. Notons la sensation de légèreté ressentie après le repas, une grande différence par rapport au passé gastronomique français. Elle n’utilise plus de farine et peu de crème, et travaille principalement avec des jus et infusions naturels. La cuisine d’Anne-Sophie Pic a une signature caractéristique à nulle autre comparable. Outre son restaurant, la luxueuse brasserie de l’hôtel, Le Café Beau-Rivage, propose des plats abordables et traditionnels, comme le pâté en croûte, l’aile de raie, la sole meunière, le tartare de bœuf et la blanquette de veau, tous impeccablement préparés avec des produits frais. Nous dînons également au restaurant japonais Miyako, qui propose sushis, sashimis, tempuras et teppanyakis. Le 57° Grill, un restaurant de grillades, se trouve à cinq minutes de l’hôtel. On peut notamment s’y installer au comptoir qui encercle une cuisine ouverte dans laquelle trône une impressionnante rôtissoire.

Anne-Sophie Pic La chef vient régulièrement encadrer ses équipes à Lausanne.
Anne-Sophie Pic La chef vient régulièrement encadrer ses équipes à Lausanne. © National

Nous explorons également les alentours de l’hôtel, qui est bordé d’un parc de quatre hectares. Le centre de Lausanne se trouve à un quart d’heure à pied. En juin de l’année dernière, on y a inauguré une nouvelle esplanade artistique du nom de Plateforme10. Elle abrite un musée des beaux-arts, de la photographie, du design contemporain et des arts appliqués, et accueille également des festivals (de cinéma et de musique). Et saviez-vous que le célèbre artiste Jean Dubuffet, à qui l’on doit le concept d’art brut, a fait don de ses archives et de plus de cinq mille œuvres d’art à la ville de Lausanne? Elles sont aujourd’hui exposées en alternance au musée Collection de l’Art Brut.

www.brp.ch

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