Le bien-être fait-il peur aux hommes ? ‘La beauté au masculin reste un sujet tabou’
Les hommes qui s’accordent quelques jours de thalasso semblent être une minorité. Stijn De Wandeleer, rédacteur pour Trends Style, a consciencieusement troqué sa chemise contre un peignoir afin d’investiguer sur les causes de ce phénomène. ‘Les jeunes hommes osent davantage franchir le pas.’
Appelez ça de la pudeur si vous voulez, mais la thalasso n’a jamais été mon truc. Je suis tout sauf détendu à l’idée de me faire palper par des mains étrangères et cinq minutes dans un sauna déclenchent chez moi un sentiment d’oppression. Me retrouver allongé sur une table de massage tout juste vêtu d’un string dans un centre de bien-être réputé de la ville côtière française de Saint-Malo ressemble donc fort à un coup tordu du destin.
(Le fait que je porte un peignoir douillet au moment même où je rédige ces lignes peut constituer une circonstance atténuante.)
Pour éviter tout malentendu : je ne suis pas ici uniquement pour mon plaisir, comme vous l’aviez probablement compris à la lecture de ce qui précède, mais bien parce que, comme moi, de nombreux hommes n’imaginent pas passer un week-end dans un centre de bien-être. Serge Raulic, directeur des Thermes Marins de Saint-Malo, estime que 70 % de ses clients sont des femmes. Par ailleurs, la majorité des hommes qui fréquentent ce centre réputé pour ses soins à l’eau de mer ne semblent être là que pour accompagner leur partenaire.
Où sont les hommes ?
Aucune trace d’hommes impatients en revanche, bien que Serge Raulic m’affirme que, s’ils sont moins nombreux, ces spécimens existent bel et bien.
Ce déséquilibre entre hommes et femmes me frappe également quand, le premier jour, j’accroche ma tenue de civil à la patère et me blottis dans la chaude étreinte de ma sortie de bain. Dans la partie spa de l’hôtel, les femmes et leur compagnon vont nonchalamment d’un soin à un autre. Quelques duos mère-fille affichent des mines réjouies à la perspective de ce qui les attend. Aucune trace d’hommes impatients en revanche, bien que Serge Raulic m’affirme que, s’ils sont moins nombreux, ces spécimens existent bel et bien.
La thalassothérapie resterait l’apanage des femmes : étrange mais facile à expliquer. L’image des centres de bien-être n’est ni virile ni chargée de testostérone. ‘Chez les seniors en particulier, la beauté au masculin reste un sujet sensible’, commente Serge Raulic. ‘Nous observons néanmoins un changement de mentalité chez les jeunes. La répartition classique des rôles entre les hommes et les femmes a énormément évolué ces dernières décennies. Désormais, les hommes reconnaissent plus facilement leur besoin d’avoir des moments pour eux et nous ne pouvons que nous en réjouir. Cela les a fortement aidés à franchir le pas vers les spas.’
Par conséquent, l’établissement mise sur cette tendance en composant des programmes spécialement pour les hommes. L’hôtel a même créé une formule qui leur propose de pratiquer du sport en matinée et de plonger dans un bain d’eau de mer l’après-midi pour offrir à leurs muscles un repos bien mérité. Ainsi, une catégorie d’hommes qui ne voyaient peut-être pas l’utilité de la thalasso voit tout à coup une bonne raison de découvrir ces soins en tout genre.
Aujourd’hui, le centre de bien-être – un lieu où règnent par définition confort et sérénité – rebute certains hommes pour qui la douceur reste synonyme de faiblesse.
Mais soyons honnêtes, le souhait de cibler davantage les hommes n’a rien à voir avec une quelconque volonté de briser un tabou : la gent masculine constitue tout simplement un segment encore inexploité. Un séjour dans cet hôtel coûte en moyenne 300 euros par jour. Le marché de la beauté au masculin ouvre donc la porte à un vaste potentiel de clients.
Un homme en pantoufles pour femme
Aujourd’hui, un centre de bien-être – un lieu où règnent par définition confort et sérénité – rebute certains hommes pour qui la douceur reste synonyme de faiblesse.
Il est toutefois indéniable que l’hôtel accueille surtout des couples : en déballant avec enthousiasme mes pantoufles couleur crème de leur emballage en plastique, je constate d’emblée qu’on m’a remis un modèle pour femme. Plus inconfortable que décevant. Ceux qui m’ont vu déambuler toute la journée dans le complexe avec des pantoufles dans lesquelles seuls mes orteils entraient vous le confirmeront.
La sous-représentation des hommes dans ce centre de bien-être n’est pas due à des soins dédiés à la morphologie féminine. L’hôtel propose des séjours “minceur et perte de poids”, certes, mais les femmes ne sont certainement pas les seules à vouloir se débarrasser de leurs poignées d’amour. La raison principale de cette disparité est qu’un centre de bien-être – un lieu où règnent par définition confort et sérénité – rebute certains hommes pour qui la douceur reste synonyme de faiblesse.
Le nombre de clients masculins dans les spas en dit long sur notre perception de la masculinité. Aujourd’hui, les jeunes hommes grandissent dans un environnement qui les autorise à parler de leurs sentiments. Ces messieurs qui le vendredi soir appliquent un masque à l’argile ne sont plus d’office la cible de moqueries. Ce n’est donc pas un hasard si la thalasso gagne en popularité auprès de cette catégorie d’individus en particulier.
L’esprit tortueux d’un millennial
Mais l’esprit tortueux du millennial auteur de ces lignes peut-il réellement trouver l’apaisement dans des soins à l’eau de mer et autres massages ? À la seule perspective de rester inactif pendant plusieurs heures, le cogiteur que je suis ressent déjà un certain malaise. Force est de constater qu’après 20 minutes de trempette dans un bain d’eau de mer, j’avais surtout rédigé une bonne partie du présent article dans ma tête, fait le point mentalement sur les chats qui devaient se débrouiller sans moi et envisagé de sortir prématurément de ce milieu aquatique.
Nous avons pris l’habitude d’occuper nos journées à passer d’une appli à l’autre. L’ennui est devenu un luxe
Or, c’est précisément cela que j’ai appris à apprécier au terme de quelques jours de thalasso, plus que les bienfaits promis des différents soins sur ma peau. Nous avons pris l’habitude d’occuper nos journées à passer d’une appli à l’autre. Et que celui qui ne se retrouve pas régulièrement entraîné dans un tourbillon de vidéos sur YouTube m’envoie un e-mail pour m’expliquer son secret. L’ennui est devenu un luxe.
Après quatre jours, mon peignoir me fait l’effet d’une seconde peau et je vais d’un soin à un autre avec la même indolence que la plupart des autres curistes. Même si je ne suis toujours pas totalement convaincu que ce sont ces soins qui me permettront de regagner mes pénates en étant moins stressé, le calme mental procuré par un séjour sans smartphone ni autres sources de distraction est en soi déjà impressionnant. Et c’est un bienfait que tant les hommes que les femmes apprécieront.
Traduction : virginie·dupont·sprl
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