La designer Chanel Kapitanj: “La pratique artistique me permet de m’exprimer autrement que par la parole”

Chanel Kapitanj © Vanda Khallati
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Dans cette rubrique, nous interrogeons un·e entrepreneur·se sur sa manière de concilier style (de vie) et carrière. Cette semaine, nous sommes entrés dans l’antre de la designer et ferronnière Chanel Kapitanj.

“Depuis toute petite, on me reproche de ne pas être très loquace. Je pense que ce qui m’a poussée vers la pratique artistique, c’est justement la possibilité de m’exprimer autrement que par la parole. Mes réalisations parlent d’elles-mêmes.”

Née à Liège en 1992 et titulaire d’un master en design industriel, Chanel Kapitanj se forme ensuite au métier de métallier soudeur avant de lancer son studio de design et de ferronnerie en 2017. “Le designer dessine et conçoit une pièce. J’ai eu envie de voir l’envers du décor et de participer à la fabrication en atelier.”

C’est avec une approche à la fois minimaliste et minutieuse que Chanel aborde ses projets, qu’elle réalise sur commande et sur mesure pour des clients particuliers ou professionnels à partir d’acier, de laiton et de cuivre. Difficile d’officier dans un monde majoritairement masculin ? “Je n’ai jamais rencontré de véritables problèmes. Dans notre milieu, les gens sont relativement ouverts et compréhensifs. Néanmoins, il faut sans cesse s’imposer et prouver de quoi on est capable quand on est une (jeune) femme. Les a priori se dissipent rapidement une fois sur chantier, car je peux montrer ce que je sais faire. Mais en clientèle, c’est parfois plus délicat : les clients ont peut-être tendance à être plus familiers avec moi qu’avec un homme.”

Comment conciliez-vous vie privée et activité professionnelle ?

CK : “Je ne concilie pas vraiment. Il m’arrive souvent de passer des nuits blanches quand je travaille sur un projet. Nous avons la chance d’avoir une grande maison, je n’embête donc pas trop ma compagne. Ceci dit, elle a des horaires plus fixes et me donne un coup de main de temps en temps. Depuis que je me suis lancée comme indépendante en activité principale, je n’ai quasi pas pris de congé. Si je le fais, je m’en veux et je sens très vite le stress monter. Mais je n’en souffre pas car j’ai fait de ma passion mon métier.”

Face à la généralisation du numérique, parvenez-vous à vous offrir des moments hors ligne ?

CK : “Non. Je suis tout le temps à la recherche d’inspiration sur Instagram et Pinterest. Je suis des comptes de designers et d’architectes, des magazines comme Dezeen et Minimalissimo.”

Comment vous habillez-vous pour travailler ?

CK : “Je dois avouer que je ne respecte pas trop les normes de sécurité liées à la soudure en atelier. Normalement, je devrais porter des vêtements en coton ininflammables, qui protègent contre les brûlures et les blessures, de préférence larges pour éviter que les projections de soudure ne tombent dans les chaussures. Mais je suis souvent en slim et en vieux pull.”

Comment retirez-vous de la satisfaction de votre travail ?

CK : “En prenant de belles photos d’un projet terminé. (Elle hésite, ndlr.) Je ne sais pas trop. Je dois avouer que je ne suis pas souvent satisfaite de mon travail. Si le client est content, je le suis aussi forcément. Mais il arrive que sa demande ne corresponde pas à mon univers. Le point positif dans ces cas-là, c’est que ce type de commande me permet de pouvoir ensuite assumer financièrement des projets plus personnels et risqués, fabriquer des prototypes et, je l’espère, être un jour éditée.”

La coiffeuse, projet personnel
La coiffeuse, projet personnel© Chanel Kapitanj

Quelle est le plus grand luxe à vos yeux ?

CK : “C’est un luxe matériel : avoir la chance de m’offrir du mobilier de designers. Dernièrement, j’ai acheté un arrosoir de la marque Hübsch pour mes plantes (monsteras et cactus).

Par ailleurs, nous avons acheté une maison à retaper entièrement. Nous y vivons pendant la durée des travaux, que nous réalisons nous-mêmes, pas à pas. J’ai donc la chance de pouvoir imaginer entièrement notre futur aménagement intérieur, de repenser l’agencement des pièces, le salon, la cuisine, la salle de bains, ce qui est un véritable luxe à mes yeux.”

Quel sommet professionnel souhaiteriez-vous atteindre ?

CK : “Mon but est de développer mon activité à plus grande échelle. D’avoir un plus grand atelier, d’engager du personnel peut-être, de travailler sur davantage de projets personnels, de concevoir du mobilier pour des personnalités. J’aimerais aussi vendre des pièces et être exposée dans des galeries d’art à l’étranger. Paris et New York sont par exemple des villes qui me font rêver.”

Quelle est la meilleure leçon que vous a enseignée votre carrière ?

CK : Il ne faut faire confiance à personne. C’est sans doute un peu cliché mais plus j’avance, plus je le pense. Par ailleurs, il faut toujours aller de l’avant et ne pas se laisser abattre. Je veux m’améliorer sans cesse après chaque projet tout en continuant à prendre du plaisir dans mon travail. J’essaie de voir toujours plus loin, que ce soit dans la conception ou dans les possibilités de mise en oeuvre.”

Retrouvez les créations de Chanel Kapitanj à l’occasion de deux expositions à Liège.

D’hier et de deux mains, à la Maison des métiers d’art

Le but de cette exposition est de mettre en parallèle des pièces de la collection du Musée de la vie wallonne avec des oeuvres de designers contemporains.

Lieu : Maison des métiers d’art, rue des Croisiers, 7 à 4000 Liège.

Dates : du vendredi 28 août au samedi 24 octobre 2020.

Vernissage : potentiellement le jeudi 27 août 2020 à 18h, en attente de confirmation.

Une exposition sera également organisée à la Design Station durant trois semaines.

Lieu : Design Station, rue Paradis, 78 à 4000 Liège.

Dates : du lundi 28 septembre au vendredi 16 octobre 2020.

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