La créatrice de bijoux Christine Bekaert : “Dans mon travail, tout est passion”
Dans cette rubrique, nous interrogeons un·e entrepreneur·se sur sa manière de concilier style (de vie) et carrière. Cette semaine, nous avons eu le plaisir de rencontrer la créatrice de bijoux Christine Bekaert, dans son sublime duplex gantois. Une belle découverte que nous devons à la bijouterie Le Coloris à Liège.
Originaire de Courtrai, Christine Bekaert partage aujourd’hui sa vie entre Gand et Jaipur, après avoir fait un crochet par Paris et Londres. Historienne de l’art de formation et décoratrice d’intérieur de profession, elle a ajouté il y a quatre ans une nouvelle corde à son arc. Après avoir officié en tant que spécialiste de la peinture du 19e siècle chez Sotheby’s, elle s’est en effet lancée dans la création de bijoux. Une reconversion dans le sillage d’un mémorable voyage en Inde : “Je ne savais pas qu’on pouvait tomber amoureux d’un pays. Un jour, des amis m’ont proposé de faire une traversée de l’État du Rajasthan en train, à bord du Palace on Wheels. J’ai eu un coup de foudre absolu pour Jaipur, la capitale.”
De retour en Belgique avec quelques bijoux anciens – Kundan Jewellery -, elle n’a pas manqué de susciter l’intérêt de ses amis, qui lui ont demandé si elle en vendait. Elle a ainsi trouvé le prétexte parfait pour retourner en Inde, quelques mois seulement après son premier voyage. De fil en aiguille, poussée par une créativité débordante, elle s’est mise à concevoir elle-même des bijoux, puis à les faire produire. Depuis, elle gère deux ateliers en Inde et s’y rend cinq à six fois par an. Rencontre avec une passionnée sans cesse au carrefour de deux mondes.
Comment conciliez-vous vie privée et vie professionnelle ?
Christine Bekaert : “Il n’y a pas de barrière entre ma vie privée et ma vie professionnelle. Et c’est la seconde qui empiète sur la première. La passion a toujours été mon seul et unique moteur, que ce soit pour la création de bijoux, le design d’intérieur ou l’expertise d’art. Je n’ai donc pas l’impression de travailler, ce qui ne veut pas dire non plus que tout soit rose, loin de là. C’est un boulot très exigeant.
Je consacre l’essentiel de mon temps et de mon énergie au travail. Je suis toujours en train de dessiner, d’observer… En réalité, je ne saurais pas quoi faire d’autre et j’espère travailler jusqu’à mon dernier souffle. Je considère que j’ai beaucoup de chance, parce que je n’ai pas de vie domestique à gérer. Bien sûr, j’ai une vie familiale, mais comme je travaille avec ma fille Elise, tout se combine très bien.
Elise a rejoint l’aventure il y a un an, à l’issue de ses études de psychologie. Contrairement à moi, elle est très structurée. Elle m’aide à rester focused sur la tâche que je suis en train de réaliser, là où toute seule j’ai tendance à m’éparpiller. Pour ce qui est de la répartition des rôles, le deal est le suivant : je m’occupe de tout ce qui touche à la création et mise en production, tandis que ma fille prend en charge les volets business et communication.”
Avec la généralisation et la multiplication du numérique, tout le monde parle de se déconnecter. Parvenez-vous à vous offrir des moments hors ligne ?
CB : “Un peu, par principe, car je ne veux pas être dépendante de ça (elle prend son téléphone en main, NDLR), mais forcément on l’est tous, surtout quand on travaille dans un secteur où les contacts sont importants. Par ailleurs, le numérique présente des aspects effrayants. Au-delà de l’addiction, qui constitue un véritable problème, j’ai l’impression que nous sommes épiés par un système qui analyse chacun de nos faits et gestes.
Concernant le smartphone en tant que tel, je l’éteins quand j’en ressens le besoin. Quand je n’ai pas envie qu’on me dérange, parce que je suis en pleine création. En effet, il est très important à mes yeux de donner la priorité à l’impulsion créative. Personne n’a le droit de modifier l’ordre de mes priorités ni de me voler ces moments précieux. Souvent, quand je donne mon numéro de téléphone, je demande qu’on me laisse un message si je ne réponds pas. Parce qu’il m’arrive effectivement de ne pas répondre, ce qui énerve ma fille d’ailleurs (rires). Plus jeune, j’ai connu une période où tout ça n’existait pas. Je me demande parfois comment on faisait. Mais quoi qu’il en soit, on le faisait !”
Quel sommet professionnel souhaiteriez-vous atteindre ?
CB : “Au départ, je n’avais pas d’ambitions très claires, je voulais surtout aller en Inde et réaliser de belles choses. C’est toujours mon drive bien entendu. Mais aujourd’hui avec ma fille à mes côtés, la situation est quelque peu différente car un monde de nouvelles possibilités s’ouvre. On travaille de manière plus professionnelle, tout en développant une dimension plus internationale. J’aimerais que ma marque s’installe dans la durée, qu’elle gagne en notoriété, parce qu’Elise travaille dur pour y arriver, et je trouve qu’elle le mérite.”
Comment vous habillez-vous pour travailler ?
CB : “Quand je suis ici, je privilégie les tenues décontractées. En Inde, j’adapte les vêtements que je porte. D’abord en fonction du climat, parce que là-bas, il peut faire jusqu’à 50 degrés au mois de mai. J’opte donc pour des tuniques en lin ou en coton très fin. Ensuite, en fonction du style vestimentaire indien. Mais je ne vais pas jusqu’à porter un sari, car il ne s’agit pas juste d’un vêtement à mes yeux. Il représente tout un art de vivre. Je suis toujours un peu mal à l’aise de voir une Occidentale en sari. J’ai l’impression qu’elle est déguisée. Néanmoins, j’aime les vêtements ethniques. J’achète des tissus traditionnels comme le Kantha, un grand châle orné de broderies apparentes, que je porte avec énormément de plaisir.”
Quel est le plus grand luxe à vos yeux ?
CB : “Avoir du temps pour faire les choses que j’aime d’un point de vue créatif. J’aimerais consacrer plus de temps à concevoir de nouvelles pièces. Et je voudrais aussi apprendre de nouvelles choses : suivre des cours de sculpture ou de piano par exemple.
Être libre est aussi pour moi un luxe et un privilège. Je sais que je suis libre dans la tête. En vieillissant, je le deviens de plus en plus. Je ne me laisse plus impressionner par ce que les gens disent, ou les règles trop strictes de la vie sociale. Pour moi, la liberté, c’est parvenir à prendre de la distance, ce qui est véritablement lié à une forme de sérénité.”
Comment retirez-vous de la satisfaction de votre travail ?
CB : “Pour moi, il y a deux moments forts, qui sont sources d’une grande satisfaction. D’abord le moment où, en Inde, je vois comment mes créations prennent forme, comment les artisans leur donnent vie dans l’atelier. Cet instant où je vois une idée que j’avais en tête se réaliser. Et puis aussi, à la fin de tout le processus, quand les clientes sont heureuses, et que je perçois l’effet que mes créations ont sur elles, le bonheur que je peux leur apporter.”
Quelle est la meilleure leçon que vous a enseignée votre carrière ?
CB : “Elle tient en un seul mot : persévérer.”
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