Jonathan Servais, cuisinier libre au Moment: “C’est Marie la boss”
Dans cette rubrique, nous interrogeons un·e entrepreneur·se sur sa manière de concilier style (de vie) et carrière. Cette semaine, nous avons fait une belle rencontre, au bon Moment, en compagnie de Jonathan Servais, cuisinier libre.
Faute avouée à moitié pardonnée, non ? À la base, nous n’appréciions guère la cuisine et l’atmosphère du Moment. Mais aujourd’hui c’est incroyablement bon et agréable. La preuve en est que nous sommes allés manger dans ce restaurant deux fois en quinze jours.
Amoureux de Barcelone et fan de padel, Jonathan Servais a accepté de nous recevoir entre le service du midi et celui du soir. Guidé par les conseils précieux de son ami étoilé Thomas Troupin, cet autodidacte a troqué sa casquette de gérant contre une toque de cuisinier après le confinement. Adepte de gomasio, kombucha et légumes lactofermentés, il propose aujourd’hui une cuisine 100% maison, axée sur le végétal, le bien-être animal – la viande provient de l’élevage biologique de la Ferme de Tabreux – et le zéro gaspi. Le tout réuni sur une carte qui change quasi tous les jours, en fonction de son inspiration et des produits du moment.
Le but de l’éducation est de transformer les miroirs en fenêtres – Sydney J. Harris
Fort d’une démarche cohérente du potager à l’assiette et d’une hospitalité sans pareille (coucou Morgane), le Moment renaît depuis sa réouverture ! Cocktails insolites, plats savoureux, musique cool et cadre enchanteur forment les ingrédients d’une recette unique à Liège, élaborée de main de maître par un couple à la vie et au restaurant : Marie à la gestion et en salle, et Jonathan en cuisine, sans oublier l’équipe dévouée qu’ils fédèrent autour d’eux depuis qu’ils ont repris les rênes de leur restaurant.
Comment conciliez-vous vie privée et activité professionnelle ?
Jonathan Servais : “Avec Marie, on forme un binôme fort et complémentaire. Nous sommes ensemble depuis 15 ans, et nous travaillons ensemble depuis 15 ans aussi. On sait quand on doit breaker : on s’offre des moments à deux et avec nos amis, on se fait plaisir, on aime bien manger et bien boire, et partir à Barcelone, notre ville de coeur. Mais c’est vrai que notre travail fait partie de notre vie : 90% de notre vie, c’est le boulot. Je pense néanmoins qu’on on est riches de notre passion, et qu’elle facilite notre relation.”
La passion dépasse la fatigue – Jonathan Servais
Face à la généralisation du numérique, parvenez-vous à vous offrir des moments hors ligne ?
JS : “Je suis hyper-connecté et addict aux réseaux sociaux depuis de nombreuses années. Vous pouvez me contacter jour et nuit, ça ne me dérange pas. Mais pendant le service ou un match de padel, je mets mon téléphone sur silencieux et je n’y touche pas. J’arrive donc à déconnecter, mais ne me demandez pas de le faire pendant deux jours (rires).”
Comment vous habillez-vous pour travailler ?
JS : “Je porte un tee-shirt noir, un pantalon noir léger et des baskets. Tout le monde est habillé de la même manière, en noir. C’est notre façon de ne pas établir de hiérarchie entre les différents membres de l’équipe. Nous sommes tous collègues et chacun, avec ses compétences propres, apporte sa pierre à l’édifice. Il n’y a pas de chef. Si on devait nommer un chef, ce serait Marie (rires). Elle est comptable fiscaliste de formation et fait preuve d’une gestion financière exceptionnelle.”
Comment retirez-vous de la satisfaction de votre travail ?
JS : “En voyant l’enthousiasme de mes collaborateurs et de nos clients. En entendant leur merci, c’était délicieux. Les compliments spontanés sont les plus beaux, ceux qui procurent le plus de frissons. Je fais le tour des tables après le service pour savoir s’ils ont bien mangé, et m’assurer qu’ils ont bien compris la philosophie du restaurant : une cuisine libre, créative et accueillante.”
Quelle est le plus grand luxe à vos yeux ?
JS : “C’est aujourd’hui le plus grand luxe. Après avoir vécu le métier de l’autre côté des fourneaux et managé quatre établissements en même temps, on s’efforce de mener le Moment plus loin, en s’engageant dans une démarche plus forte, avec ardeur et passion. Demain, je vais cueillir des fleurs comestibles et les serveurs veulent m’accompagner. Lundi, on est fermés, je cuisine à domicile pour un ami avec un membre de l’équipe alors que c’est son jour off. C’est incroyable !”
Quel sommet professionnel souhaiteriez-vous atteindre ?
JS : “Être heureux est un sommet en soi. Je suis heureux quand je passe du temps avec Marie, quand je vais cueillir les légumes au potager ou faire du sport. Je n’ai pas d’ambition particulière, je ne vise pas d’étoile. Le sommet, c’est la constance, la satisfaction des clients et la reconnaissance de notre démarche sur le long terme.”
“Si je devais vraiment citer un sommet, ce serait une maison d’hôtes, à la Costa Brava ou à Formentera. Avec trois chambres, tout en prônant la même démarche. Ça fait 15 ans qu’on va à Barcelone avec Marie, on a développé un gros réseau là-bas. En Belgique, on est acculés par les charges, c’est décourageant. Notre restaurant fonctionne très bien mais on ne sera jamais riches. Et je ne veux pas spécialement l’être, mais quand je compare les heures prestées aux charges et aux bénéfices, j’hallucine.”
Quelle est la meilleure leçon que vous a enseignée votre carrière ?
JS : “La crise sanitaire et la remise en question que nous venons de vivre. L’année 2020 a été catastrophique, au niveau professionnel mais aussi au niveau privé (problèmes de santé dans la famille). Mais on a eu l’occasion de mettre en valeur notre côté autodidacte, grâce aux bonnes rencontres, au bon Moment.”
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