Jean Vrijdaghs et Sébastien Hankard du Gastronome: “On a eu l’étoile pour ce qu’on a fait, pas pour ce qu’on va faire”
En novembre 2019, Jean Vrijdaghs et Sébastien Hankard du Gastronome à Paliseul remportaient pour la Wallonie le titre de Jeunes Chefs de l’année décerné par le Gault&Millau. Un mois plus tard, ils décrochaient leur première étoile au Michelin, en plus d’être élus Révélation de l’année. Trois raisons suffisantes de chercher à en savoir plus sur les hommes qui se cachent derrière les chefs.
Rendez-vous est pris au petit déjeuner du Gastronome. À la tête de ce restaurant, qui est aussi un hôtel de 7 chambres, un duo complémentaire. Alors que Sébastien Hankard (24 ans) opte pour un petit pain au jambon, Jean Vrijdaghs (26 ans) est un adepte du croissant-confiture. Le tout accompagné de la dose de café nécessaire pour attaquer une longue journée aux fourneaux.
Jean s’est formé à l’IFAPME de Dinant, en alternance avec une maison étoilée, avant d’obtenir la médaille d’excellence aux World Skills (concours international des métiers, ndlr) en 2012 et 2013. De son côté, Sébastien a étudié à l’école hôtelière de Namur puis à la Vieusart Academy à Wavre. Il intègre ensuite Le Coq aux Champs, le restaurant étoilé où Jean officie. La suite, on la connaît, mais on a eu envie d’en savoir plus.
Ceux qui nous aiment nous suivent – Jean Vrijdaghs et Sébastien Hankard
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Sébastien : “On s’était croisés plusieurs fois via des connaissances communes. Mais c’est en 2014 qu’on a réellement fait connaissance puisque j’ai été engagé dans la même maison étoilée que Jean. Très vite, le courant est passé entre nous. De 2016 à 2018, on a formé le Duo des Saveurs, un service de chefs à domicile qui nous a permis de tester et proposer notre propre cuisine les jours de fermeture du restaurant pour lequel on travaillait. Le concept fonctionnait bien, alors quand on est tombés sur un restaurant à remettre à Paliseul (une adresse emblématique qui comptait en son temps deux étoiles au Michelin, ndlr), on a sauté sur l’occasion et ouvert le Gastronome en trois mois.”
Votre personnel est très jeune. Simple hasard ou choix délibéré ?
Sébastien : “C’est un choix. Nous attendons des membres de notre équipe qu’ils soient détendus, fidèles, et animés d’une véritable envie d’avancer et d’évoluer à nos côtés. Ils se donnent autant que nous, on a énormément de chance. Sans eux, on n’en serait pas là. Notre sommelier, Antonin Jacquemart, a 23 ans et travaille avec nous depuis l’ouverture du Gastronome.”
Vous avez décroché votre première étoile fin 2019. Pression ou motivation ?
Jean : “Depuis le début, on affiche clairement notre volonté de faire les choses bien. On le répète souvent en cuisine : il est important de s’appliquer et de rester concentré. Cette étoile, on l’a décrochée pour ce qu’on a fait, pas pour ce qu’on va faire. Elle n’a donc pas changé notre manière de travailler.
“En revanche, la situation a évolué d’un point de vue commercial. On avait déjà une belle clientèle locale, mais l’étoile nous a permis de nous faire connaître en Flandre et de réaliser certains projets. Nous avons agrandi l’équipe en engageant notamment un pâtissier. Cela nous a donné l’occasion de dégager du temps et de réfléchir à de la nouvelle vaisselle que nous avons commandée à un artisan céramiste. Et à un chariot sur lequel nous allons bientôt proposer les alcools du pousse-café pour renforcer l’expérience client.”
Une expérience client qui passe par une cuisine inspirée par les produits de saison, comme les Saint-Jacques préparées en tartare, le chou frisé qui s’acoquine de langoustines rôties ou le topinambour accompagnant le pigeonneau. Des assiettes gourmandes à la présentation recherchée qui n’ont rien à envier à ce qu’on voit sur nos écrans. Un engouement pour la cuisine dont se réjouissent néanmoins Jean et Sébastien : “Les émissions culinaires et les réseaux sociaux ont redonné envie aux gens de manger sainement et de retourner aux classiques. C’est une bonne chose.”
On se prend alors à imaginer les trésors dont regorge leur frigo, mais si les cordonniers sont les plus mal chaussés, les cuisiniers sont les moins bien achalandés : “On n’a pas de frigo car on n’a pas de maison (rires). Au Gastronome, on occupe deux petits kots et les jours de fermeture, on ne cuisine pas. On va manger chez nos (beaux-)parents, ou on va au restaurant.”
Ne jamais faire confiance à un chef italien trop mince – Massimo Bottura
Quel est votre restaurant préféré ?
Jean et Sébastien : “Ma Langue Sourit à Moutfort au Luxembourg. On adore la mentalité du chef, Cyril Molard. Il est très proche de son équipe et ses clients. Il propose une cuisine sincère et authentique. S’il utilise du citron dans un plat, il ne se contentera pas de le parfumer avec des zestes. De plus, il a été l’un des premiers à nous féliciter pour les récompenses que nous avons obtenues.”
Le plat qui vous a le plus ému ?
Sébastien : “Notre première expérience trois étoiles, c’était chez Geranium à Copenhague. Nous y avons découvert l’excellence de la cuisine nordique, servie par une belle équipe, avec des sommeliers et des assistants sommeliers. J’y ai pris une baffe culinaire dont je me souviendrai toute ma vie. C’était un carpaccio de poisson hyper-fin, agrémenté d’une petite sauce crème, persil, caviar.”
Avec qui auriez-vous envie d’aller au restaurant ?
Jean et Sébastien : “Avec Massimo Bottura, le chef triplement étoilé de L’Osteria Francescana situé à Modène (Italie), et classé meilleur restaurant du monde en 2016 et en 2018. Il propose une cuisine simple, davantage basée sur le goût que sur les artifices. Son dessert emblématique Oups, j’ai fait tomber la tarte au citron est par exemple né d’un incident en cuisine. Et avec son initiative Food for Soul, il a créé des restaurants solidaires tout en luttant contre le gaspillage alimentaire.”
Nous sommes samedi. Alors que leurs amis sont en week-end et vont sans doute sortir ce soir, Jean et Sébastien seront aux fourneaux : “C’est une question d’habitude, on a commencé à travailler jeunes. Nos familles, nos compagnes et nos amis sont très compréhensifs. Ils viennent manger au restaurant et on boit un verre après leur repas. Pour le moment, notre carrière professionnelle est notre priorité. Ceux qui nous aiment nous suivent.”
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