La Rado DiaStar Original x Tej Chauhan marque la deuxième collaboration entre la marque horlogère suisse Rado et le designer industriel londonien. Trends Style s’est entretenu avec Tej Chauhan au sujet de sa vision progressiste de l’horlogerie.
Vous avez signé de nombreux designs, mais la conception de montres a présenté quelques défis uniques.
TEJ CHAUHAN. « J’ai l’habitude de travailler à différentes échelles, y compris à de très petites où je dois calculer à des fractions de millimètre, mais pour Rado, nous avons travaillé avec des microns. Pour le premier projet, par exemple, nous avons dû modifier le dessin original des aiguilles en raison de l’épaisseur de certains pigments de peinture. »

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour le nouveau design de DiaStar Original ?
T. C. « Mon langage esthétique s’articule autour du “futur proche”. Pas un avenir futuriste au point d’être polarisé ou intangible, mais un avenir accessible et tangible pour l’utilisateur. Pour la DiaStar Original, une montre emblématique connue pour son design futuriste depuis son lancement en 1962, je me suis notamment penché sur les paysages futurs de l’IA. En outre, j’ai regardé par hasard Ad Astra, un film de science-fiction avec Brad Pitt, une base lunaire et des casques de cosmonaute dorés… Ça a été ma source d’inspiration finale. »
Pouvez-vous décrire le processus de conception de la nouvelle montre Rado ?
T. C. « Dès la réception du briefing, je me suis posé ces questions : comment apporter au design quelque chose de différent ? Comment le faire ressortir ? Comment susciter l’enthousiasme du plus grand nombre ? Et comment raconter une histoire convaincante, tangible et authentique pour Rado ? J’ai bénéficié d’une totale liberté de création, Rado souhaitait seulement que la montre soit dotée d’un bracelet en caoutchouc. Je me suis alors demandé comment donner à ce bracelet une forme intéressante. Je voulais qu’il invite au contact. Une fois les bases posées, j’ai commencé à dessiner presque immédiatement et fait plusieurs versions, jusqu’à trouver la bonne. Ensuite, nous avons analysé les thèmes et les esquisses avec l’équipe Rado et sommes passés au développement en 3D. »
Pourquoi ce bleu spécifique sur le cadran ?
T. C. « C’est en continuité avec mon projet pour Rado en 2020, The True Square. Je me souviens qu’en dessinant, je voulais ajouter de la couleur quelque part sur le cadran. J’ai commencé à esquisser dans cette zone, car cela créait pour moi un bel équilibre. J’utilisais déjà de la couleur pour la date et je voulais explorer d’autres endroits où appliquer plus de couleurs sur le cadran. Au début, c’était assez aléatoire, mais je suis rendu compte que j’avais besoin d’une justification. Je n’ai pas pour habitude d’ajouter un élément purement décoratif sans fonction ni but. Mais ce que j’aime dans ces collaborations, c’est qu’elles me permettent de jouer un peu plus la carte de l’expressivité et de la décoration. »
Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez vu le produit final pour la première fois ?
T. C. « Nous avions conçu la montre pour qu’elle s’adapte aux deux couleurs de boîtier possibles : argent et or, au cas où l’or serait trop polarisant. La variante argentée était magnifique, mais la variante dorée avait quelque chose de plus. Ça ne plaît peut-être pas à tout le monde, mais je ne pouvais plus la lâcher des yeux. Je sais qu’un design est terminé lorsque j’en ai la chair de poule, et dès que j’ai vu la version dorée pour la première fois, j’ai su que c’était la bonne. Pour moi, ce modèle offre une vision totalement inédite et progressiste de la montre en or. »
Comment vous décririez-vous en tant que designer ?
T. C. « Je me considère comme simple et authentique. Ce que vous voyez est ce que vous obtenez. Je laisse mon travail parler pour moi : créer de l’enthousiasme et de la différenciation pour les marques avec lesquelles je collabore. »
Quelle est votre philosophie en matière de design et comment influence-t-elle votre travail ?
T. C. « Mon travail s’attache à créer un lien avec un large public, indépendamment de la position de la marque. C’est le pilier de toute ma philosophie. Comment faire pour que quelqu’un choisisse un objet plutôt qu’un autre ? Il ne s’agit pas seulement de concevoir quelque chose de beau. Je suis particulièrement intéressé par la notion d’engagement. »
‘Bon nombre de mes créations sont inspirées d’expériences personnelles’
Comment trouvez-vous de nouvelles idées pour vos créations ?
T. C. « Je pense que l’intuition joue un rôle important. Mon objectif est toujours de créer une différenciation, de faire en sorte que mon travail se distingue de tout le reste d’une manière qui soit authentique et porteuse de valeur pour mon client. Une bonne compréhension de l’objectif du projet et de l’utilisateur final est la base, et je travaille ensuite au feeling et à l’instinct. Lorsque je pense à des designers, je pense aux frères Castiglioni. Mais je m’inspire aussi d’artistes et de précurseurs comme Stanley Kubrick. J’ai également grandi avec des artistes conceptuels comme Syd Mead, qui a réalisé tout le travail de conception visuelle pour Blade Runner (1982), et Ralph McQuarrie, le principal artiste conceptuel de la trilogie originale Star Wars. Nombre de mes références sont intemporelles. Souvent, je ne sais pas si elles sont anciennes ou nouvelles, et c’est justement ce que je trouve intéressant. C’est aussi ce que j’essaie de faire dans mon propre travail : comment créer quelque chose de nouveau, de frais et d’accessible qui résiste à l’épreuve du temps ? »
Quel est votre moment préféré lors de la conception d’un nouveau produit ?
T. C. « Lorsqu’on aborde un nouveau projet, mon cerveau s’emballe. En général, les premiers instants déterminent la conception finale, ou du moins l’orientation générale. Indépendamment de ce que je conçois, c’est la partie du processus que je préfère, parce qu’elle génère une tension intense. »
Qu’est-ce que vous trouvez le plus gratifiant dans votre métier ?
T. C. « De pouvoir apporter quelque chose aux personnes avec lesquelles je travaille et à celles qui utiliseront mes créations. Un projet doit toujours améliorer et sublimer ce qui existe déjà. »
Quels sont vos plus beaux souvenirs de votre carrière de designer ?
T. C. « J’ai apprécié mes études à l’université, mes premières missions en tant que designer, mais aussi mon passage chez Nokia. J’ai adoré créer ma propre entreprise de design. Je garde un souvenir particulier de notre première exposition à Milan en 2008. Je me souviens du passage très discret d’Eero Aarnio. Et surtout, j’adore quand on rencontre des clients spéciaux avec lesquels on sympathise immédiatement. Il y a une confiance mutuelle qui génère un sentiment de sérénité et de productivité. C’est avec ces clients que l’on crée les plus beaux designs et les designs les plus gratifiants. »
Vous avez travaillé pour Nokia. Quels modèles avez-vous signés ?
T. C. « J’ai signé tous les designs audacieux. Le Nokia 7600, le premier téléphone 3G de la marque en 2003, baptisé le Mango Phone. J’ai également conçu le Lipstick Phone et le Nokia 737, un modèle qui a connu un énorme succès. Ces modèles nous ont permis de jouer avec des matériaux, des finitions, des gravures au laser, des tissus, des textiles, autant d’éléments qui n’étaient pas courants pour les téléphones portables à l’époque. »
Pouvez-vous donner un exemple d’une expérience ou d’un événement personnel qui a influencé un projet spécifique ?
T. C. « Bon nombre de mes créations sont inspirées d’expériences personnelles. Par exemple, nos Nest Oven Dishes sont le fruit d’une frustration : à chaque fois que je sortais un plat du four, je trempais mon gant de cuisine dans les lasagnes ! Avec la tablette Hudl2, j’ai voulu me libérer de ma peur de manipuler des objets lisses et techniques. Avec le téléphone Colombo Two, je voulais simplement créer un objet qui apporte du bonheur au quotidien. Et puis il y a ma première visite au siège de Rado à Lengnau, qui m’a donné l’envie de raconter l’histoire des matériaux et de l’artisanat de Rado à travers la True Square TC. C’était assez impressionnant, car c’était la première fois que je visitais une usine de montres. On nous a raconté une histoire incroyable sur des innovations dans le domaine des matériaux high-tech, une technologie de pointe qui contrastait fortement avec le savoir-faire traditionnel des horlogers suisses. Je trouve toujours les contrastes particulièrement fascinants et puissants. Non seulement ils contribuent à un design intéressant, mais ils forment aussi une histoire que je voulais raconter à travers mon travail. L’histoire de l’innovation matérielle de Rado, à l’époque où les céramiques high-tech étaient souvent présentées avec une finition argentée ou brillante, m’a semblé être un aspect intéressant à approfondir. »
Avez-vous une entreprise ou un secteur de prédilection ?
T. C. « Je suis un touche-à-tout. Si on me demande de concevoir une brosse pour les toilettes, je suis tout aussi enthousiaste. La nouveauté est un défi à relever. Mais le secteur dans lequel j’aimerais travailler, et dans lequel je n’ai aucune expérience, c’est l’industrie automobile. L’intérieur des des véhicules est fantastique. J’aimerais concevoir une moto, un scooter ou une voiture. »
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