Jean-Frédéric Dufour, PDG de Rolex: ‘Je n’aime pas que l’on compare 
les montres à des actions’

Roger Federer, Tennis player. He is wearing the Oyster Perpetual Day-Date 40 © Rolex/Anoush Abrar

« Je n’aime pas que l’on compare les montres à des actions », a déclaré ­Rolex-PDG Jean-­Frédéric Dufour au média suisse NZZ. « C’est un mauvais message et c’est dangereux. Nous fabriquons des produits, pas des actifs. » Plus qu’une montre: un aperçu de la stratégie de Rolex

Rolex-PDG Jean-­Frédéric Dufour a fait le point lors d’une interview accordée au média suisse NZZ : il n’apprécie pas que les ­montres de luxe, à ­commencer par Rolex, ­soient de plus en plus ­utilisées comme des objets d’investissement. La tendance des million­naires en cryptomonnaies, par exemple, à convertir une partie de leur argent en ­actifs tangibles comme des montres n’est pas du tout à son goût. Car on en devine la conséquence : tout comme une action en bourse, les prix des montres d’occasion ­fluctuent fortement.

Non pas que Rolex doive s’inquiéter. En 2023, la ­marque de luxe aurait ­enregistré des ventes record et été la première marque horlogère à franchir la barre des 10 milliards de francs suisses. Au conditionnel, car Rolex ne communique jamais ses chiffres. Mais la banque américaine Morgan Stanley peut être considérée comme une source fiable. Elle a comptabilisé 1,24 ­million de montres Rolex vendues, représentant un chiffre d’affaires de 10,3 milliards d’euros. Ce chiffre place Rolex en tête des marques de luxe dans le monde. Sa part de marché dans le segment des montres de luxe est estimée à 29 % (31 % si l’on inclut sa marque sœur Tudor). Aucune marque de luxe ne peut se targuer d’une domination comparable du marché dans son segment de produits.

Pirates

Jean-Frédéric Dufour a encore ­d’autres préoccupations. Dans la ­même interview accordée à NZZ, il a prédit une année difficile pour ­l’industrie horlogère : « L’ère où toutes les marques se portent bien touche à sa fin. En période de prospérité, on produit souvent trop. Quand le marché s’affaiblit, comme c’est le cas actuellement, des remises peuvent être ­accordées sous la pression. Mais les ­remises sont préjudiciables pour des produits émotionnels comme les nôtres. Alors que les montres devraient justement devenir plus chères, notamment en raison de la forte augmentation du prix de l’or. » Dufour a également souligné au passage que la hausse des taux d’intérêt réfrène l’appétit d’achat des citoyens et que la situation géopolitique n’avantage pas les entreprises.

Je n’aime pas que l’on compare 
les montres à des actions

Jean-Frédéric Dufour, PDG de Rolex

Encore autre chose ? Le PDG de Rolex n’a pas été tendre avec les grands groupes horlogers qui n’ont pas fait acte de présence au salon Watches and Wonders : « Nous ne considérons pas Watches and Wonders comme une perte de temps. Nous vendons des émotions et des rêves. Pour les maintenir en vie, il faut raconter des histoires. On ne peut pas se contenter de vendre des produits. »

Dans un même élan, Dufour s’est en pris aux circuits parallèles à Genève : les marques qui, sans prendre en charge (une partie) des coûts, surfent sur le succès de Watches and Wonders et présentent leurs nouveaux modèles dans des hôtels, des boutiques, des salles d’événements et même une ­université. Dufour : « Nous les ­appelons des pirates. »

L’apogée du marché de l’occasion

C’était sans doute la principale ­actualité du secteur horloger l’année dernière : le 14 août 2023, un ­communiqué de presse annonçait ­l’acquisition du détaillant Bucherer par Rolex. Montant inconnu. Grâce à cette manœuvre, Rolex a mis la main sur l’un des plus grands détaillants au monde : Bucherer possède plus de 100 points de vente à l’international.

L’accord visait principalement à ­maintenir le partenariat entre les deux entreprises. Jörg Bucherer, très âgé, n’avait pas de descendance pour reprendre son entreprise. Il distribue Rolex depuis 1924. Jusqu’à son décès en novembre 2023, c’était l’une des dernières personnes à avoir vu personnellement le fondateur de Rolex, Hans Wilsdorf.

L’acquisition ne concerne pas seulement les deux entreprises impliquées, mais l’ensemble du secteur horloger. L’opération est un signal et une ­déclaration. Pendant plus d’un siècle, Rolex a séparé la vente au détail de son activité principale, une approche ­singulière partagée uniquement par Patek Philippe. Toutes deux se sont distinguées des autres marques avec leur stratégie de vente directe au consommateur (DTC), visant à optimiser les marges bénéficiaires en éliminant un maximum d’intermédiaires.

Désormais, Rolex contrôle 
également la qualité sur 
le marché de l’occasion.

Manifestement, Rolex est en train de revoir son approche. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’incorporation de ­Bucherer a eu lieu au moment où la marque a manifesté son intention d’intervenir sur le marché de l’occasion. Elle veut y exercer un contrôle sur ses montres et limiter la prolifération et la mainmise des revendeurs douteux ainsi que le risque de multiplication des montres « Frankenstein » (montres composites). Les mauvaises pratiques sur le marché de l’occasion, plus ­impitoyable que le Far West, jettent une ombre sur la réputation de Rolex et mettent en péril ses standards de qualité élevés et la promesse de sa marque.

Les montres Rolex étant conçues pour durer, elles ont souvent plusieurs vies. C’est pourquoi la marque a lancé ­l’année dernière le programme Rolex Certified Pre-Owned. Il garantit ­l’authenticité des montres Rolex ­d’occasion, lorsqu’elles sont vendues par un détaillant officiel (Bucherer, donc). Avec sa montre, l’acheteur reçoit un certificat et une garantie ­internationale de deux ans.

Pendant longtemps, les marques de luxe ont boudé le marché de l’occasion, craignant qu’il ne fasse chuter les ­ventes de leurs nouveaux produits. ­Alors que le marché de l’occasion est très lucratif. En 2022, le cabinet suisse d’étude et de conseil LuxeConsult a évalué la valeur du marché de l’occasion à 25 milliards d’euros, soit une croissance de 20 % par rapport à l’année précédente. Au cours de la même période, le marché des nouveaux exemplaires a augmenté de 12 % pour atteindre 52 milliards d’euros. Le cabinet prévoit que la valeur du marché de l’occasion doublera d’ici à 2033, pour atteindre 79 milliards d’euros, dépassant ainsi le marché des nouveaux modèles.

Pas de quoi se faire un sang d’encre pour Rolex. Sauf sérieux imprévu, la marque à la couronne sera toujours numéro 1 en 2033. Sur le marché de l’occasion aussi.

6 x nouveau

En 2024, Rolex renouvelle six modèles emblématiques.

1. Pour la première fois, Rolex présente l’Oyster Perpetual GMT-Master II en acier Oyster et avec une lunette en céramique grise et noire. Le contraste des couleurs exprime l’alternance du jour et de la nuit. L’inscription « GMT-Master II » en vert ressort sur le cadran noir. La teinte habille également l’aiguille 24 heures, qui indique un fuseau horaire différent et l’heure de référence. La montre sera disponible en deux versions : avec un bracelet Oyster et avec un bracelet Jubilee.


Ceramic bezel of the Oyster Perpetual GMT-Master II
©Rolex/Ulysse Fréchelin

2. Rolex propose deux versions actualisées de l’Oyster Perpetual Day-Date 40. La première est en or Everose et possède un cadran gris ardoise. En son centre, un dialogue entre l’ombre et la lumière se déploie. La seconde version dispose d’un cadran en nacre et dix diamants taille baguette scintillent sur les index. L’Oyster Perpetual Day-Date 36 se décline également en deux versions. La version avec cadran laqué blanc en or 18 carats séduit telle une mystérieuse brume laiteuse. Les index lisses et brillants étaient auparavant réservés à la Day-Date 40. La deuxième version arbore un cadran bleu vert, une première pour la série, en or Everose 18 carats. La lunette est ornée de soixante diamants taille trapèze.


Ceramic bezel of the Oyster Perpetual GMT-Master II
©Rolex/Ulysse Fréchelin

3. La Perpetual 1908, d’après l’année où le nom de marque Rolex a été déposé, est désormais disponible avec un cadran bleu glacier orné d’un décor grain de riz réalisé par guillochage. Le boîtier est en platine 950. Bracelet brun mat en cuir d’alligator avec surpiqûres ton sur ton.


Ceramic bezel of the Oyster Perpetual GMT-Master II
©Rolex/Ulysse Fréchelin

4. La nouvelle Oyster Perpetual Rolex Deepsea, première montre de plongée en eau profonde de Rolex, en or jaune 18 carats se pare de bleu. L’or, issu de la fonderie de la marque, est associé pour la première fois à des éléments en céramique et en titane RLX. La céramique bleue a été utilisée pour l’anneau de compression, une innovation technique. La valve à hélium et le fond du boîtier sont en titane RLX. La montre résiste à la pression des eaux profondes jusqu’à 3 900 mètres.


Ceramic bezel of the Oyster Perpetual GMT-Master II
©Rolex/Ulysse Fréchelin

5. Cadran blanc avec compteurs noirs, cadran noir avec compteurs blancs : Rolex présente deux nouvelles versions de l’Oyster Perpetual Cosmograph Daytona, qui associe un cadran en nacre à une lunette ornée de 36 diamants.


Ceramic bezel of the Oyster Perpetual GMT-Master II
©Rolex/Ulysse Fréchelin

6. Enfin, l’Oyster Perpetual Sky-Dweller est disponible pour la première fois avec un bracelet Jubilee. Avec des inserts en céramique à l’intérieur des maillons, s’il vous plaît. La version en or Everose 18 carats est dotée d’un cadran ardoise, tandis que la version en or jaune 18 carats présente un cadran blanc.


Ceramic bezel of the Oyster Perpetual GMT-Master II
©Rolex/Ulysse Fréchelin

Par Ben Herremans

En savoir plus

TikTok o’ clock: L’horloge de luxe est-elle toujours un symbole de statut pour le riche gentleman ?
Tête-à-Tate: Swatch et la Tate Gallery unissent leurs forces
Pieterjan Van Biesen, directeur marketing et communication chez Natan : « je consacre la majeure partie de mon budget à la décoration d’intérieur »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content