Investir dans le luxe. Qu‘est-ce que ça rapporte?

Lut Clincke Journaliste

Luxury Style
investir dans le lifestyle

Selon une étude du New York Times, les sacs à main Hermès constituent le meilleur investissement, devant l’or ou les cryptomonnaies. Les montres de luxe ont également de plus en plus de succès en tant qu’objets d’investissement. «Les marques qui ont une longue histoire incarnent la constance.»

TEXTE / Lut Clincke

L’étude du New York Times ne portait pas sur n’importe quel sac à main Hermès, mais sur les modèles Birkin et Kelly. La valeur de ces sacs ne cesse d’augmenter, principalement parce que la demande est supérieure à l’offre. Une rareté qui crée un marché parallèle. Les sacs tout juste achetés sont immédiatement revendus à un prix élevé aux clients impatients qui ne veulent pas attendre leur tour sur la liste d’attente.

Une autre solution consiste à acheter des articles pre-loved, un euphémisme pour désigner la seconde main, par l’intermédiaire de plateformes de luxe qui vérifient l’authenticité de chaque pièce. Parmi lesquelles Labellov, la plateforme belge de sacs et autres articles de marques haut de gamme de seconde main. Lancée il y a 11 ans, elle compte aujourd’hui un public international. Outre sa plateforme en ligne, l’entreprise possède trois boutiques physiques : à Anvers, à Bruxelles et à Knokke.

«Nous essayons de filtrer au mieuxles clients afin que les modèles spéciaux tombent entre les mains de vrais passionés»

Arnaud Wittmann de Maison De Greef

« Pour moi, la principale raison d’acheter un beau sac reste le plaisir qu’il procure », déclare Birgit De Jager, fondatrice et copropriétaire de Labellov. « En termes purement financiers, ce sont surtout les it-bags des grandes marques qui préservent leur valeur, comme le Lady Dior et le 2.55 de Chanel, le Brillant de ­Delvaux et, bien sûr, le Birkin et le Kelly ­d’Hermès. Les modèles intemporels sont les plus demandés. Les éditions limitées ont un peu moins de succès, à moins qu’il ne s’agisse des éditions spéciales du Birkin ou du Kelly. Nous avons par exemple vendu un Birkin Himalayan d’Hermès, dont le prix affiché en magasin était de 35 000 euros, à un client de Hong Kong pour 180 000 euros sur notre plateforme. Nous vendons les pièces les plus belles et les plus chères principalement à l’étranger. En effet, nous sommes moins chers que les boutiques de luxe de Londres, Paris ou New York. Les sacs Delvaux se vendent bien dans notre pays, notamment parce que la gamme est très vaste. L’une des raisons pour lesquelles ces sacs conservent leur valeur est que les marques ne les bradent jamais. Cette politique porte ses fruits. Les sacs des marques qui ont leurs propres points de vente ou qui font régulièrement des démarques perdent beaucoup de leur valeur sur le marché de l’occasion. Les chaussures et les vêtements de grandes marques se dévaluent également rapidement, sauf s’il s’agit d’une veste Chanel. »

Cadeaux malheureux

« En dix ans, notre clientèle a changé. Au début, la vente d’occasion suscitait un certain sentiment de peur ou de gêne. Ce sentiment de ­malaise appartient aujourd’hui au passé. Nous avons des clients qui viennent majoritairement pour vendre, et parfois aussi pour acheter quelque chose. Les raisons de ces ventes sont très diverses : il peut s’agir de femmes qui veulent se débarrasser des cadeaux de leur
ex après leur divorce, d’héritages, de cadeaux que les escortes reçoivent et rentabilisent ­immédiatement, de femmes qui ont besoin d’argent ou de clients qui achètent simplement beaucoup de choses nouvelles et qui veulent donc faire de la place dans leur garde-robe. Le meilleur moment pour jeter un coup d’œil dans nos boutiques ou sur notre webshop est le mois de janvier : beaucoup de vendeurs veulent se défaire des « cadeaux malheureux » qu’ils ont reçus. Le profil des acheteurs est très ­diversifié : des jeunes qui économisent pour un petit sac d’occasion d’une grande marque aux femmes au budget serré qui optent pour des pièces vintage purement par principe. Les achats en seconde main ont indéniablement le vent en poupe. Selon des études ­internationales, le marché de l’occasion est en pleine croissance et rivalisera à terme avec le commerce de détail classique. »

Montres, objets de patrimoine

Un phénomène qui s’observe également dans le monde de l’horlogerie de luxe. Certaines marques et certains modèles ne sont disponibles que sur liste d’attente. Ces montres sont parfois achetées à des fins spéculatives, pour être ensuite revendues à un prix nettement plus élevé. Une tendance dont ne se réjouissent ni les marques ni les revendeurs officiels. Parallèlement, cette stabilité de la valeur est également un argument important pour l’acheteur. Il est toujours plaisant de savoir que votre belle Reverso de Jaeger-LeCoultre ou votre intemporelle Patek Philippe est une pièce durable qui conserve sa valeur. Dans sa campagne publicitaire, Patek Philippe en joue avec son célèbre slogan : « Jamais vous ne possèderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien, pour les générations futures. »

« Avec nos montres, les clients achètent ­souvent dans une vision à long terme », déclare Arnaud Wittmann de Maison De Greef à Bruxelles. « Les grands classiques ont du succès, comme Patek Philippe, Jaeger-LeCoultre, Rolex, Tudor, Zenith, Audemars Piguet ou ­Cartier. La stabilité de la valeur est liée à de nombreux facteurs : l’image d’une marque, le savoir-faire, parfois aussi le caractère familial d’une entreprise, qui inspire confiance en ­raison de sa constance, et bien sûr l’offre et la demande. En raison du caractère dense et ­artisanal de certaines montres mécaniques, la capacité de production est limitée. Cela encourage la spéculation. Il y a quelques années, pendant la pandémie, le marché spéculatif des montres haut de gamme a explosé. Des montres qui coûtaient 30 000 euros chez le bijoutier étaient vendues à un prix démultiplié sur le marché de l’occasion. Les prix se sont désormais largement normalisés. Bien que des listes d’attente subsistent pour certaines marques et certains modèles. Quand on sait que Patek Philippe ne produit que 60 000 pièces par an, il est logique que la demande soit supérieure à l’offre. Nous ne recevons qu’un seul exemplaire de certains modèles par an, nos clients doivent donc s’armer de patience. Pour contrer les achats spéculatifs, nous essayons de filtrer au mieux les clients afin que ces modèles spéciaux tombent entre les mains de vrais passionnés. »

« Nous ne conseillerons jamais à nos clients d’acheter une montre ou un bijou comme objet d’investissement », déclare Maarten Slaets, quatrième génération de la célèbre bijouterie d’Anvers. « On achète une montre ou un bijou pour son attrait. Nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait. Certaines marques ou certains modèles très recherchés aujourd’hui peuvent tôt ou tard perdre en popularité.
Nous constatons toutefois que les montres riches d’une longue histoire ont toujours du succès, comme Omega, Breguet et Rolex. C’est la combinaison de l’histoire, de l’esthétique et de la technicité qui explique pourquoi le client veut acquérir une montre en particulier. Nous sommes spécialisés dans les montres mécaniques, dont la fabrication demande un grand savoir-faire. Il fut un temps où les amateurs de montres s’intéressaient principalement aux modèles à complications. Aujourd’hui, les modèles mécaniques, dont le niveau de technicité est moindre mais qui sont très solides, ont pris le dessus. Les montres ‘techniques’ restent essentiellement une affaire d’hommes, mais nous constatons progressivement un intérêt accru pour les montres féminines plus techniques. »

Des pièces d’exception pour les collectionneurs

Outre l’amateur de montres « ordinaire », qui attend patiemment ou économise pour s’offrir sa pièce préférée, il existe également le véritable collectionneur, en quête d’exemplaires très rares. Ces pièces d’exception se cachent sur des plateformes de luxe ­spécialisées. L’entreprise britannique A Collected Man propose un certain nombre d’exemplaires dont le prix affiché est à six chiffres. Les prix des montres rares s’envolent également lors des ventes aux enchères. Le 26 novembre, à Hong Kong, Christie’s ­mettra aux enchères une vaste collection de montres exceptionnelles, la collection OAK, provenant d’un collectionneur européen. Elle se compose de montres contemporaines et particulières ainsi que de pièces vintage, parmi lesquelles une Audemars Piguet en or 18 carats à quantième perpétuel avec ­affichage des années bissextiles et des phases de lune, en seulement neuf exemplaires. Prix estimé : entre 800 000 et 1 600 000 ­euros. La collection inclut également des montres uniques de petits horlogers ­indépendants, dont Akrivia et Voutilainen, ­illustres inconnus du grand public mais très appréciés des connaisseurs. Akrivia est le ­label indépendant de Rexhep Rexhepi, un homme d’origine kosovare qui a déménagé en Suisse avec ses parents lorsqu’il était ­enfant et a rejoint Patek Philippe en tant qu’apprenti à l’âge de 15 ans. Voutilainen est la marque de l’horloger finlandais Kari Voutilainen.

Le vintage à la source

Face à la grande popularité des pièces vintage, les marques de luxe commencent progressivement à développer leur propre offre. La collection capsule Collectibles de Jaeger-­LeCoultre, lancée à l’occasion du 190e anniversaire de la marque, en est un bel exemple. La collection comprend des pièces emblématiques de la période 1925-1974. Toutes ont été révisées et restaurées dans l’atelier de la Maison. Avec les pièces de rechange d’origine autant que faire se peut, sinon avec de nouvelles pièces fabriquées à partir des anciens moules. Le cadre et le cadran sont gardés ­aussi intacts que possible afin de préserver le caractère original des montres. Vous achetez un morceau de l’histoire horlogère, qui n’est pas seulement un objet d’investissement mais aussi un objet de conversation rêvé.

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