Si le confinement a mis le holà au rythme effréné des collections et des défilés de mode, Justine God, créatrice d’IMPREVU Belgium, et Myriam Assebane, cofondatrice de BYOO STORE, n’avaient pas attendu le coronavirus pour redéfinir les contours du secteur. Rencontre avec deux entrepreneuses face aux menaces et aux opportunités de la crise sanitaire.
La crise du coronavirus a mis à l’arrêt toute la filière mode, des studios de création aux points de vente en passant par les sites de production. Face aux menaces et aux opportunités qu’a représentés la COVID-19, Justine God, créatrice de la marque de mode IMPREVU Belgium, et Myriam Assebane, fondatrice de l’e-shop BYOO STORE, sont passées par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

“Psychologiquement, l’annonce du confinement a été très difficile à gérer car nous faisions un saut dans l’inconnu. Au début, je ne réalisais pas trop ce qui se passait, j’étais persuadée que cette situation allait durer une semaine ou deux, puis que nous allions reprendre une vie normale. Mais bien qu’elle se soit prolongée, elle s’est révélée positive pour nous. En chômage partiel, j’ai pu tirer parti de mon temps libre pour développer notre gamme de produits et lancer notre nouveau site”, explique Myriam, qui combine BYOO STORE avec un job à temps plein dans le secteur du recrutement.
Aujourd’hui, BYOO STORE est la première plateforme de consommation responsable à proposer une offre complète en matière de mode, beauté et lifestyle pour homme et femme. “Notre volonté est de mettre en avant une sélection de marques sur un site qui indique pour chaque article sa composition exacte, le pays où il a été confectionné, les certifications qu’il détient, et les engagements sociaux et environnementaux auxquels il satisfait”, explique Myriam. Cet e-shop est un gage de qualité et de durabilité où IMPREVU aurait parfaitement sa place. Sauf que le label belge n’est pas vendu en ligne, mais distribué dans plus de 70 boutiques multimarques. Alors comment Justine a-t-elle réagi quand elle a appris la fermeture de ses magasins partenaires ?

“Ça m’a fait un gros coup au moral. Pendant une semaine, je n’ai plus eu envie d’entendre parler de la marque. J’étais très stressée, et j’ai cru que c’était la fin”, raconte la créatrice belge. Ensuite, quelque peu soulagée par une réduction des coûts fixes – fin de la collaboration avec son attachée de presse et mise au chômage temporaire de son employée – la trentenaire a repris le dessus. “J’ai appelé toutes les responsables de boutiques pour discuter et voir ce que nous pouvions mettre en place. Certaines ont lancé un e-shop ou vendu leurs collections sur les réseaux sociaux, des initiatives qui ont porté leurs fruits. D’autres ont reçu leurs clientes sur rendez-vous, ce qui leur a permis de renouer avec leur premier amour – prodiguer des conseils personnalisés – et d’enregistrer des ventes comparables à celles de l’an dernier.”
Tout n’a pas été rose pour autant. Quelques magasins n’ont pas honoré leurs commandes de pièces IMPREVU. Justine s’est alors sentie démunie car une marque (de mode) n’est pas protégée face à une situation exceptionnelle comme la COVID-19, même quand le bon de commande a été signé. Autre écueil de taille rencontré par la Liégeoise : l’annulation de son shooting en Italie. Or, c’est grâce à ses shootings exceptionnels, auxquels elle consacre une partie de son budget plusieurs fois par an, qu’elle parvient à exprimer l’ADN de ses collections et que ses créations font mouche auprès des clientes. “J’ai alors contacté des journalistes qui rencontrent énormément de monde et visitent des tas d’endroits. L’une d’entre elles m’a conseillé l’hôtel-restaurant Indrani Lodge, un lieu incroyable avec un potager et des alpagas. Malgré un planning décalé dû à la fermeture obligatoire de l’établissement et des ateliers en Italie et au Portugal qui devaient se charger de confectionner les prototypes pour le shooting, nous avons pu réaliser les photos, dans le respect des mesures de distanciation physique bien sûr.”
Le prix juste
En matière de soldes, les deux entrepreneuses n’ont pas les coudées franches. “Ce n’est pas moi qui décide, chaque magasin applique ses propres réductions. La plupart ont fait des offres conjointes au mois de juillet, mais les véritables soldes ont commencé cette année le 1er août, une date tardive à laquelle les consommateurs n’ont pas adhéré, notamment en raison des règles sanitaires”, précise Justine. Chez BYOO STORE, même son de cloche. “Nous calquons nos prix sur ceux de nos marques partenaires. Or, la majorité ne fait pas de soldes car elles poursuivent une politique de prix juste toute l’année”, souligne Myriam. “Toutefois, pour éviter le gaspillage, certaines font des remises pour écouler des pièces d’anciennes collections. Il s’agit de promotions ponctuelles, qui ne coïncident pas avec les périodes de soldes traditionnelles.”

Soldes ou pas, la durabilité a un prix que les consommateurs ne sont pas toujours prêts à payer et auquel il faut dès lors les sensibiliser. “Pendant le confinement, notamment durant la Fashion Revolution Week, nous avons endossé un rôle d’éducateur à la consommation écoresponsable en organisant des lives et interviews sur Instagram. Nos créateurs sont ainsi entrés en contact avec les clients pour leur parler de l’histoire de leur marque ou de leur processus de production en toute transparence. Ces échanges ont permis de maintenir le lien social et de partager des émotions. Notre communauté y a été très réceptive”, se réjouit Myriam.
Un avenir digital
Justine a également renforcé la présence d’IMPREVU sur les réseaux sociaux. “En tant que créatrice, j’ai pris part à des lives avec les responsables des boutiques. Cette communication digitale a très bien fonctionné. J’ai reçu beaucoup de marques de soutien de la part des clientes, qui ont pu se faire plaisir sur les e-shops de mes magasins partenaires. Je n’envisage pas encore de créer ma propre boutique en ligne. Si la présence de la marque vient à diminuer l’année prochaine dans les points de vente physiques, je l’envisagerai peut-être. Mais je resterai fidèle à mes valeurs et aux éditions limitées. IMPREVU restera un projet raisonnable en termes de quantité.”
Pour continuer à se développer, Internet est également un passage obligé pour BYOO STORE et IMPREVU, s’agissant de prospecter de nouvelles marques ou de nouveaux points de vente. “J’ai été contactée via mon site par des boutiques désireuses de remplir leurs rayons après l’arrêt des activités ou le passage en ligne d’autres créateurs. De plus, des agents en quête de nouvelles marques à défendre, ont pris contact avec moi. Ces échanges vont sans doute m’ouvrir la porte à un développement international”, poursuit Justine. Et Myriam de renchérir : “Nous sommes une entreprise 100% digitale. J’ai toujours déniché mes marques partenaires sur Instagram via des comptes que je suis, ou des commentaires. Les prises de contact se font aussi en ligne.”

En réaction à la crise, l’approche innovante d’IMPREVU et de BYOO STORE leur a permis de s’en sortir honorablement. À cela s’ajoute l’engouement de plus en plus marqué pour la consommation éthique, que ce soit dans le domaine de l’alimentation, la mode, la beauté ou la décoration. “Depuis l’annonce du confinement, nous observons une augmentation de nos ventes. On verra si ce boom s’affirme comme une tendance de fond dans les semaines et mois à venir. Il est trop tôt pour tirer des conclusions. Mais je pense sincèrement que cette crise a été un déclic pour beaucoup de gens : ceux-ci repensent aujourd’hui leurs habitudes de consommation, dans une démarche plus locale, auprès d’entreprises à taille humaine qui répondent à leurs valeurs”, souligne Myriam. “Une marque doit apprendre à se réinventer face à un environnement complètement bouleversé. Rester à l’écoute et attentive à l’évolution de son marché est d’autant plus important en période de crise”, conclut Justine.
IMPREVU BELGIUM S’EXPOSE À PARIS DU 29 AOÛT AU 18 OCTOBRE
Après le Brésil, le Japon, l’Italie, L.A. ou Brooklyn, Le Bon Marché Rive Gauche consacre une exposition-événement à la Belgique. En vedette, la mode belge et ses marques les plus en vue – dont IMPREVU -, mais aussi de quoi combler foodistas et fans de design. “Il était une fois la Belgique” fait également la part belle à la B.D., dont les fleurons sont souvent estampillés noir-jaune-rouge. Au programme également : des masterclasses, concerts, ateliers pour enfants, dédicaces, etc. See you there jusqu’au 18 octobre.