La consigne donnée aux designers était claire : ramener Jaguar à son apogée. La nouvelle Jaguar berline GT fait exactement cela, et bien plus encore. Vit Rosicky, spécialiste créatif chez la célèbre marque, nous en dit plus.
Jaguar a demandé de créer une identité entièrement nouvelle, en partant de zéro. Quelle a été votre première idée ? Comment avez-vous abordé ce projet ?
VIT ROSICKY : « En me disant : allons-y ! J’ai surtout travaillé sur les Range Rover chez Land Rover, mais j’ai toujours aimé Jaguar. Quand l’appel à projets a été lancé, j’étais très enthousiaste, et encore plus quand nous avons reçu la consigne : ramener Jaguar à son apogée. Cela signifie faire passer un message, créer une voiture marquante, avec des volumes réduits, mais un design moderne, original et tourné vers l’avenir. »

Des volumes réduits ?
V. R. : « Oui, absolument. Et un positionnement de marché totalement différent. En entrant sur le marché du luxe, avec cette voiture, on peut créer des modèles uniques. Si vous cherchez à rivaliser dans les segments à gros volumes, il faut plaire à trop de monde. Mais quand vous pouvez concevoir une voiture magnifique qui ne doit plaire qu’à quelques-uns, vous pouvez être vraiment expressif. Jaguar a donc donné une sorte de briefing de rêve aux designers. C’était en décembre 2020. Pendant quatre mois, nous avons réalisé des milliers de croquis. Cela a abouti à une présentation devant le conseil d’administration, qui a adopté à l’unanimité cette vision. La Jaguar Type 00 était née. »
‘Ce n’est pas parce que d’autres marques suivent les tendances que nous devons faire pareil. Nous avons notre propre vision’
Savez-vous pourquoi c’est ce modèle qui a été choisi ?
V. R. : « Nous savions que le design devait être extrêmement fort, car il ne serait sur le marché que quatre années plus tard. Il nous fallait donc penser à ce qui serait toujours innovant, audacieux et original dans quatre ans. Nous devions créer quelque chose de moderne, mais toujours dans l’esprit de Jaguar, avec des proportions frappantes. Quelque chose qui au premier regard déclenche un “waouh !”. C’est ce que fait ce design. »

Quand je le regarde, je vois un bleu profond et du travertin à l’intérieur, ce qui m’évoque surtout l’Italie. Où se trouve le caractère britannique dans cette voiture ?
V. R. : « On le retrouve dans la créativité et le lien fort avec nos origines — pensez aux longs capots typiques de Jaguar. De plus, ce concept-car a été conçu dans notre studio de design, au cœur des Midlands. Le bleu outremer français a été spécialement développé pour la présentation du véhicule lors de la Fashion Week de Paris. C’est pourquoi cette couleur fait référence à la France. Avant cela, nous avions utilisé le Satin Rhodon Rose, ou Miami Pink, qui évoquait la vivacité de Miami, où le concept-car a été dévoilé pour la première fois. Et bien sûr, il y a aussi le London Blue, un bleu beaucoup plus clair que l’outremer, inspiré par l’Opalescent Blue, une des teintes originales de la Type E des années 60. Chaque couleur raconte donc une histoire. »
Le son de la Jaguar Type E est archivé à la British Library. Qu’en est-il du son électrique de la nouvelle Jaguar GT, qui sera bientôt lancée ?
NICK WHITE (directeur de la communication chez Jaguar) : « Nous en dirons plus lors de la présentation de la voiture de série, car les possibilités sont nombreuses. Nous sommes en train de peaufiner le son. Mais je peux déjà révéler qu’il y aura quelques surprises. Les designers nous réservent quelque chose d’exceptionnel. »
Vous avez aposé votre devise « Ne rien copier » sur la Type 00. C’est ce que disait le fondateur de Jaguar. Comment l’interprétez-vous aujourd’hui ?
V. R. : « L’injonction “Ne rien copier” est presque une provocation pour un designer. Pour nous, c’est plutôt une excellente base, qui nous permet de créer avec conviction et sans influence extérieure. Ce n’est pas parce que Mercedes ou une autre marque suit certaines tendances que nous devons faire pareil. Nous avons notre propre vision de ce qui est juste. La nouvelle Type 00 incarne l’essence même de Jaguar. C’est en fait l’idée centrale derrière “Ne rien copier”. Sir William Lyons, le fondateur de Jaguar, disait que la marque était à son apogée quand elle ne copiait personne. Pensez à la Jaguar Typer E des années 60 : tellement audacieuse, originale, presque venue de l’espace. C’est cette essence-là dont il s’agit. »

Quel est votre élément préféré du design de cette voiture ?
V. R. : « Il y a tellement d’éléments. Prenez l’arrière, par exemple. C’est la première chose que j’ai remarquée en entrant dans le studio, quand la voiture n’était encore qu’un modèle en argile. J’ai trouvé le résultat tellement inattendu que je l’adorais déjà il y a quatre ans. Aujourd’hui, c’est toujours aussi fort. Les proportions, les lignes rayées à la fin. Mon détail préféré, c’est la vue du dessus, du capot vers le pare-brise. De là, on voit comment les lignes sur le capot s’intègrent parfaitement avec le tableau de bord. Il y a ces moments exceptionnels où l’extérieur et l’intérieur de la voiture fusionnent. Cette connexion, née d’une belle collaboration entre notre équipe de design et les designers d’intérieur, je trouve ça génial. »
Cherchiez-vous à retranscrire le deck d’un yacht ?
V. R. : « Pour la Type 00, nous ne voulions pas créer un intérieur traditionnel de voiture. Alors si les observateurs y voient des références à l’architecture, au mobilier ou à un bateau, j’en suis ravi. Nous voulions un look très épuré qui mette vraiment en valeur les trois lignes du design. C’est pourquoi nous avons choisi d’intégrer les haut-parleurs et la barre de son derrière le siège. Ainsi, les portes restent sans haut-parleur, très nettes et minimalistes. »

La GT sortira-t-elle déjà à la fin de cette année ou plutôt courant 2026 ?
V. R. : « Nous la lancerons quand le moment sera venu, mais dans les mois à venir, nous dévoilerons déjà de nouvelles couleurs. »
Ces dernières années, Jaguar a reçu quelques critiques car la marque semblait être sortie des radars…
NICK WHITE : « Lorsque nous avons commencé à réinventer la marque en 2021, nous avons fait le choix stratégique de créer un intervalle entre les produits actuels et futurs, afin d’aborder en profondeur la transformation de la marque. Et c’est précisément ce sur quoi nous travaillons aujourd’hui : nous concentrer pleinement sur cette transformation. Il faut bien poser des bases solides. »